«L'Algérie a toujours célébré les fêtes qui ne sont pas les siennes. Nous avons fêté les fêtes des romains, des français, des Turques et des arabes, et voilà que, pour une fois, l'Algérie célèbre ses fêtes ancestrales» Dans ce reportage, nous avons receueilli les avis et les aspirations des citoyens sur la fête de Yennayer 2969, qui vient d'être décrétée fête nationale depuis déjà une année. Plusieurs personnes interrogées par nos soins dans différentes places de la capitale, ont exprimé leur joie, et également leurs souhaits que les algériens, citoyens et autorités, doivent donner plus de considération pour Yennayer, décrétée officiellement jour férié. Ahmed, 42 ans, rencontré à Bab Ezzouar, devant l'USTHB Houari Boumediene, affirme qu'à travers Yennayer, l'Algérie et tout le nord-africain vont recouvrer leur identité ancrée à l'origine berbère de la région. «À travers Yennayer, l'Algérie se réconcilie avec son histoire, en attendant que cette réconciliation s'étende à tous les pays d'Afrique du nord». Pour ce doctorant en langue anglaise, «l'Algérie a toujours célébré les fêtes qui ne sont pas les siennes. Nous avons fêté les fêtes des romains, des français, des Turques et des arabes, et voilà que, pour une fois, l'Algérie célèbre ses fêtes ancestrales». Selon notre interlocuteur, il faut passer après à une autre étape, qui est celle de mettre les moyens pour la prise en charge réelle de toute la culture berbère et tout son patrimoine. «On vient de savoir que l'académie de Tamazight a été mise en place, et que les responsables de cette institution ont aussi étés désignés. Il est vrai qu'il y a un travail qui a été déjà fait, mais maintenant, il faut commencer à travailler méthodiquement, et par l'instauration d'un programme consistant à rattraper le retard». Ahmed, qui semble être très branché par le sujet, nous dit encore qu'«il y'a un grand chantier à entamer, par exemple, la langue Amazigh n'est qu'un chapitre dans toute la culture berbère. Déjà, si on parle de la langue seulement, il y a un grand chantier pour sa standardisation. Pour cela il faut approfondir le travail de recherche linguistique et dialectologique, ainsi que pour la grammaire pour faire sortir une langue de Tamazight avec laquelle tous les algériens, ou pourquoi pas, les maghrébins, pourraient communiquer et d'une façon unifiée». Une culture authentique À la rue Didouche Mourad, une dame de 41 ans nous dira que la célébration de Yennayer est une fierté culturelle et identitaire pour l'Algérie. «Pour moi, Yennayer, au sens large du terme, est une fête de fierté. Déjà, c'est une double occasion pour présenter toute la diversité culturelle et la richesse identitaire de l'Algérie. Notre pays, qui est un continent, a connu des civilisations qui ont nourri son identité». Elle ajoute que «Yennayer est le témoin de notre culture variée et féconde». Amine, 46 ans, patron d'une entreprise privée, rencontré à Ben Aknoun, affirme que «consacrer Yennayer fête nationale est une décision qui va donner un grand résultat, non pas à cette journée seulement, mais aussi à l'identité de tout un grand pays de par son histoire et son identité». Amine estime que «Yennayer est une grande leçon à ceux qui disent que notre pays n'a pas sa propre culture. D'autre part, il est tout à fait légitime qu'elle soit une date exceptionnelle et marquante, du moment qu'elle est un repère pour la reconnaissance de l'histoire du peuple algérien». «Même sur le plan culturel, la fête de Yennayer est une occasion de faire connaître au monde entier les distinctions acquises suite à l'existence légendaire d'un peuple libre et fort : les berbères. Il faudrait donc se montrer au monde entier, à travers Yennayer, par l'exposition de notre façon de s'habiller, de vivre…». Il ajoute encore qu'«un peuple doit investir dans son histoire, et remonter aussi dans son passé pour se distinguer. Enfin je dirais que décréter une journée nationale pour Yennayer n'est qu'un bon début». Dahmane, ce jeune médecin de 38 ans que nous avons rencontré à l'avenue er mai, abonde dans le même sens. Tout en souhaitant «Asseggas Ameggaz» au peuple algérien, il enchaîne: «Je vais profiter de cette occasion pour dire que je suis kabyle, et je suis très content que Yennayer soit parmi les autres fêtes nationales, mais ce que je n'ai pas aimé, c'est la façon par laquelle les gens fêtent cette journée». Il s'explique : «par exemple, il ne faut pas faire seulement référence à la danse et aux plats traditionnels pour célébrer Yennayer, quand il s'agit de notre culture. La dance et la cuisine ne représentent pas seules toute la culture Amazigh». Il faudrait inculquer, nous dira ce même médecin, «d'autres manières et façons plus significatives, comme on le fait pour fêter les journées nationales, telles que la fête de la révolution du 1er novembre 1954, ou celle de l'indépendance 05 juillet 1962». L'Etat, d'après lui, «doit donner une importance absolue à la fête de Yennayer, et ce, en déployant les moyens scientifiques et techniques, et bien sûr financiers pour marquer cette journée». Un acquis… À El Biar, plus exactement au niveau de la placette Kennedy, Said, la soixantaine révolue, nous dira : « Azul-fellawen, Aseggass Ameggas. J'estime que Yennayer est un acquis, même s'il reste beaucoup de choses à faire. Il faut prendre cette fête plus au sérieux, et initier un programme spécial à cette fête en organisant des sorties dans les musées, et inculquer à nos enfants leur propre culture». Pour ce qui est du volet historique de Yennayer, il propose de «reconstituer l'histoire du Maghreb, à travers l'intensification des recherches dans le passé récent et lointain des Amazighs, il faut que la culture berbère sorte de son climat imaginaire et social, en ouvrant des instituts de recherche en la matière». Au même moment où cette personne s'exprimait sur la culture berbère et ses représentations en Algérie, un homme se joint à la discussion. Architecte de son état, Abdeljalil lance : «Il faut savoir déjà que la fête de Yennayer n'est qu'un titre de l'hisoire de tout un peuple, qui a su se préserver dans ce monde plein de guerres et d'envahisseurs». Il s'explique : «Nous, algériens et nord africains, faisons partie d'une race humaine parmi les plus résistantes de par notre culture et notre histoire. Pourquoi? Parce qu'on a eu la chance de côtoyer les différentes cultures qui existent dans ce monde. Mais ces dernières n'ont pu changer la nôtre, et ce, grâce à notre conception propre à nous, qui est issue de notre attachement continuel à notre identité berbère». Il conclut : «Chaque pays à ses ancêtres et les nôtres sont les berbères».