Dans son gigantesque effort pour des trouvailles de génie, la bureaucratie algérienne avait inventé le «décret d'application». A moins de n'avoir d'autre motivation que de faire boire le calice jusqu'à la lie au citoyen, il fallait la trouver, celle-là. Quand, par «inadvertance» ou par souci conjoncturel on en vient à prendre une mesure susceptible d'alléger un tant soit peu le fardeau des citoyens, d'une frange sociale, d'une catégorie professionnelle ou tout simplement d'un individu, cela ne veut jamais dire que son calvaire était terminé, il fallait qu'il attende encore. Question de le mettre à l'épreuve du «mérite» quand ce n'est pas de prolonger par pur sadisme les souffrances des uns ou des autres. Et puis, l'un dans l'autre, cette façon de prendre des décisions sans vraiment les prendre, ou en se donnant une marge de manœuvre pour pouvoir, le cas échéant, faire marche arrière, est une démarche qui tient d'une certaine culture de gouvernance. On décide rarement en connaissance de cause, par conviction de bien faire ou par volonté expresse d'améliorer les choses. On prend des décisions parce que «quelque part», il le faut bien. Un contexte politique, économique ou social qui exige qu'on mette tous les atouts de son côté, une catégorie professionnelle qu'il ne faut surtout pas se mettre sur le dos, une région à caresser dans le sens du poil parce qu'elle couve une colère qui risque d'exploser, une clientèle politique à entretenir dans la perspective d'une «mobilisation», une anticipation sur un mouvement de contestation pour parer à l'effet boule de neige ou des personnes à «récompenser» en vue de les maintenir dans le giron ou les y ramener. Pendant des années, on a vu ainsi des décisions annoncées en grande pompe traîner à se concrétiser dans la vraie vie. Et comme par hasard, ce sont généralement des mesures attendues parce qu'elles relèvent du bon sens, réparent une injustice flagrante, mettent fin à un déni grave ou sanctionne positivement un parcours méritoire. Certaines de ces mesures ont abouti après une plus ou moins longue et harassante attente, d'autres sont tombées dans l'oubli et d'autres encore ont été tout bonnement annulées avant leur application, par… d'autres décisions qui, elles, ont été exécutées avec une rare célérité. Il en est ainsi des dernières mesures destinées à alléger les dossiers administratifs, l'amélioration des conditions de délivrance de certains documents et de manière générale du service administratif dans sa relation au citoyen. Bien sûr, il y a un léger mieux, même s'il y a encore des situations incompréhensibles. On peut tout de même supprimer le «certificat de nationalité» qui ne doit exister que dans notre pays, au lieu de «faciliter» sa délivrance ! Il en est aussi de beaucoup d'autres documents «fondamentalement inutiles». Mais pour revenir à… l'application, on sait que le ministère de l'Intérieur a instruit toutes les administrations publiques de ne plus exiger de «légalisation» des documents officiels. Mais ça continue parce que tous les services concernés vous diront qu'ils n'ont pas reçu d'écrit à ce sujet ! Les vieux démons ont décidément de beaux jours à tirer encore.