Lorsque l'on voit les toiles de Nadir Remita, on est confronté à une œuvre d'une grande maîtrise picturale doublée d'une profondeur philosophique. L'exposition qui se tient à la galerie Ezzou'art de Bab Ezzouar à Alger, au titre abscons «Face au mur affronte l'énigme Xn» semble de prime abord ésotérique, mais à regarder de plus près, on s'aperçoit de ses références au patrimoine. Sur des panneaux immenses et des formats moyens et petits, les compositions de Nadir Remita plaident pour des cultures d'un passé lointain qui a été plein de splendeur et de civilisations cardinales. A ce sujet, le plasticien émérite précise : «Mon œuvre est axée sur le patrimoine et je m'inspire de la synthèse de trois éléments dont la calligraphie arabe, la calligraphie d'Extrême-Orient et le style berbère auxquels je rajoute toute l'architecture mauresque des médinas dont l'Andalousie qui fait partie culturellement de ce Maghreb». Ce melting-pot culturel se décline dans un assemblage de formes, de figures géométriques et de tons savamment étudiés. Tous ces traits, ronds, croix, signes, empreintes, entrelacs, tout un langage sibyllin pour le profane rappellent ce fond culturel atavique de notre terroir qui, à travers les âges, symbolise notre identité. Cette judicieuse combinaison donne un rendu d'une intense beauté avec une superbe juxtaposition des couleurs. A cet ensemble pictural à la vigueur intense se greffent l'harmonie des chromatiques, des tons éthérés, se déclinent des nuances plus vives offrant au regard une certaine violence mêlée au mystique. Sa peinture semble déroutante tant on ne saisit pas toutes les facettes de la personnalité de l'artiste : mais au -delà de cet aspect énigmatique, on décèle un écorché vif qui sonde les tréfonds de l'être humain pour mieux se ressourcer. Authentique et vrai, tel se présente Nadir à travers sa peinture. Un florilège de couleurs Dans sa quête initiatique pour un dénominateur commun tissé de substrats culturels communs à cet ensemble maghrébin, berbère et arabe, l'artiste rallie dans son œuvre ce segment atavique profond. Ce florilège de couleurs apporte une note de fraîcheur dans ce magma à la forte intensité. Ces compositions donnent l'impression d'une lourdeur aux textures épaissies. Mais le message transmis est dilué par tant de fragments et d'entrelacements. Faisant référence au titre, Nadir explique par ces propos : «le mur représente la vie, chaque être est confronté à un mur avec des énigmes à résoudre lors de sa naissance. Ces énigmes sont tous les problèmes auxquels l'homme contemporain fait face. Il est introduit dans un moule et semble robotisé. Toute ma peinture tourne autour de la lutte contre la réification de l'humain. A chaque être, on donne une cote matérielle, aussi l'artiste doit-il avoir un ancrage». Ces propos sensés témoignent de la réflexion subtile du plasticien qui s'insurge contre cet état de fait de la société de consommation où même l'homme est chosifié avec une valeur marchande. Dans la peinture de Nadir Remita, on sent cette volonté d'un retour aux sources, aux racines ancestrales qui ont fait la grandeur de son peuple. Ayant touché à la publicité et à l'infographie, ce diplômé des beaux-arts entame une carrière de dessinateur de presse et d'illustrateur, mais il retourne à sa première passion la peinture. L'exposition de Nadir Remita s'inscrit hors des sentiers battus à l'image du personnage anti-conformiste en quête d'authenticité et de vérité. Cette superbe œuvre mériterait qu'on la découvre. L'exposition se tient jusqu'au 10 mars prochain.
