Le phénomène n'est pas nouveau. Dans tous les coins de rues et espaces communs laissés vacants, des hordes de jeunes épient le moindre automobiliste à la recherche d'une place de stationnement, exigeant de lui de verser une «redevance» pour les quelques minutes durant lesquelles «leur propriété» sera utilisée. Tout un réseau s'est d'ailleurs tissé autour de cette activité lucrative, qui ne demande en général aucun investissement, si ce n'est une sacrée dose d'audace et d'agressivité à même de convaincre les «victimes» de la légalité de ce commerce. «A chaque fois, c'est la même chose. Des gamins qui vous assaillent avant même que vous n'ayez eu le temps de poser un pied à terre», s'emporte un jeune homme, ajoutant : «C'est de l'agression, voire du harcèlement. Et l'on a beau signifier à ces "parkingologues" que nous ne sommes pas dupes et que nous savons qu'il ne sont pas dans leur droit, cela n'y change absolument rien !» Ces gardiens, qui arguent qu'ils servent avant tout à surveiller les voitures stationnées, ne reculent devant rien afin de prouver leur «légitimité». Certains vont même jusqu'à remettre des tickets aux personnes qui stationnent leur véhicule dans ces parkings. Pourtant, rien de plus facile que de se procurer de tels carnets, disponibles chez un imprimeur, et qui ne présentent même pas de sceaux officiels ou de cachets. D'ailleurs, comme dans toute activité informelle, ce sont de véritables barons qui régissent ces parkings. Un individu décrète la rue ou l'aire comme étant sa propriété. Il la loue à qui veut, jeunes chômeurs en quête de quelques revenus journaliers. Par exemple, une ruelle de la rue Ben Mhidi coûte 1200 dinars pour une journée d'exploitation. Le reste des bénéfices engrangés va aux locataires, sommes qui peuvent parfois atteindre plus de 3000 dinars par «journées calmes». Racketteurs professionnels en herbe Sinon, ces individus, qui s'arrogent le droit exclusif de jouissance d'un espace public, embauchent de jeunes adolescents qui n'ont pas froid aux yeux, et qui se transforment à l'occasion en racketteurs professionnels. De même, il est parfois arrivé qu'une rue soit payante et qu'elle ne le soit plus le lendemain. «Peut-être que c'est selon leurs besoins», ironise une jeune femme. Et gare à ceux qui ne s'acquitteraient pas de leurs dus, car ils pourront le payer très cher, comme en témoigne un père de famille. «J'ai refusé de le payer, d'autant plus que ce n'était qu'à quelques mètres de mon travail. Lorsque je suis revenu, ma voiture avait été rayée», raconte-t-il. Pourtant, malgré ces dépassements, les autorités locales ou les forces de sécurité ne mettent aucune mesure en place afin de régulariser la situation. Cette incurie semble être des plus «pragmatiques», comme le confie un fonctionnaire d'APC. «Effectivement, cela n'est pas normal. Mais parfois nous accordons des "autorisations", ou plutôt nous fermons les yeux afin d'éviter des incidents fâcheux.» En d'autres termes, l'on préfère voir tous ces chômeurs occupés à une activité «quasi-illégale», et éviter ainsi qu'ils ne commettent d'autres actes plus graves afin de se procurer de l'argent. «Au moins, nous savons où ils sont», assure-t-il. «De toute façon, nous n'avons pas le choix», déplore un citoyen, qui conclut : «C'est tout simplement entré dans les mœurs et dans la vie quotidienne.»