Réputée pour être la principale source d'alimentation en eau potable de plusieurs localités de la wilaya de Tizi Ouzou, la nappe phréatique de l'oued Sébaou ne cesse de diminuer en raison de l'extraction illicite de sable. Sur les 187 forages recensés tout au long de l'oued Sébaou et ses affluents, 120 seulement sont encore fonctionnels, alors que 67 forages sont à l'arrêt car rendus inexploitables à cause de leur détérioration, en raison de l'extraction illicite de sable au niveau de l'oued Sebaou. «Sur les 187 forages qui existent au niveau de la wilaya de Tizi Ouzou, 67 sont aujourd'hui à l'arrêt en raison de leur dégradation suite à l'extraction illicite de sable au niveau de l'oued Sébaou», affirme Amar Berzoug, directeur général de l'ADE de Tizi Ouzou. Pour ce dernier, ce que la nature a réalisé en millions d'années a été anéanti par l'homme en l'espace de quelques minutes. «C'est à cause de l'inconscience humaine que nous nous retrouvons devant une telle situation. Nous avons perdu pas moins de 67 forages qui alimentaient des milliers de foyers de la wilaya en eau potable à partir de la nappe phréatique de l'oued Sébaou. L'extraction illicite et effrénée du sable au niveau de cet oued a été fatale pour la nappe phréatique, ce qui a aussi a causé la destruction de plusieurs dizaines de forages», regrette le directeur de l'ADE qui affirme qu'aucune région n'est épargnée par cette situation, puisque des forages ont été détruits à cause de l'extraction illicite du sable tout au long du Sébaou et ses affluents au niveau du Pont de Bougie, Tamda, Sidi Naâmane, Chamlal, Tadmait, Fréha, El Kahra, Tizi Rached, Draâ El Mizan, Boghni, Beni Douala, Mekla et Azeffoun. D'ailleurs au niveau de cette dernière localité, Amar Berzoug a indiqué que le forage qui s'y trouve est complètement tari en raison de la baisse sensible de la nappe phréatique. «C'est le cas de nombreux autres forages qui sont aujourd'hui complètement à l'arrêt à cause de la baisse de la nappe phréatique», explique le directeur de l'ADE. Il faut dire que la situation remonte à plusieurs années, notamment durant la période de la décennie noire, où des dizaines, voire des centaines d'individus en quête de gain facile, avaient profité de l'absence des services de sécurité, occupés par la traque des terroristes, pour dépouiller l'oued Sébaou de son sable. Des pelleteuses et autres engins tournaient à plein régime 24h/24 durant plusieurs années tout au long du Sébaou non sans causer d'importants dégâts à la nappe phréatique. La nappe phréatique en danger Les forages situés à proximité des sites d'extraction de sable donnaient au fil des ans des signes de tarissement, et ce, par l'envasement de la couche aquifère et la destruction de la couche protectrice. De 187 forages qui alimentaient différentes régions de la wilaya à partir de la nappe phréatique au-dessous de l'oued Sébaou, 67 ont complètement disparu, selon les chiffres de l'ADE. Selon les spécialistes, l'extraction illicite et excessive du sable est un facteur qui attise de manière outrancière l'assèchement des oueds et des cours d'eau car une quantité d'eau importante se perd à chaque coup de godet d'une pelle mécanique. «Un mètre cube de sable extrait en profondeur contient 300 litres d'eau, sachant que le volume du taux de porosité dans le même volume est de 30%. Une quantité assez signifiante quand on multiplie ce taux de porosité par plusieurs mètres cubes de sable extraits sur une superficie plus importante, à plus d'un mètre de profondeur», explique un ingénieur en hydraulique. L'oued Sébaou qui offrait jadis un décor sublime aux visiteurs grâce à ses ruissellements ininterrompus y compris en période des grandes chaleurs est devenu de nos jours un espace hideux qui agresse les regards. Des décharges sauvages comportant toutes sortes de détritus, des matières organiques (pneus usés, sachets, carcasses d'animaux...) et des huiles non biodégradables, poussent à un rythme effrayant à plusieurs endroits, notamment le long de la RN 12. Sa nappe est dénudée à plusieurs endroits à cause du démantèlement de la couche aquifère en plus de la déstabilisation des berges, du renversement de gabions et de pertes de terres agricoles dues à l'élargissement du lit de l'oued. C'est le cas notamment à proximité de Tamda où des centaines d'hectares qui faisaient jadis le bonheur de dizaines d'agriculteurs de la régionssont réduits aujourd'hui à leur simple expression. Les crues de l'oued Sébaou, dont le lit ne cesse d'être éventré par ces extractions effrénées de son sable, ont emporté des portions entières de ces terres, au grand dam des ces agriculteurs qui n'ont que leurs yeux pour pleurer. Devant cette situation, la direction de l'hydraulique de la wilaya de Tizi Ouzou, censée protéger ces ressources hydriques, n'est pas restée les bras croisés, selon son premier responsable Rachid Hameg. Ce dernier qui a reconnu l'état lamentable dans lequel se trouve aujourd'hui la nappe phréatique de l'oued Sébaou, à cause du phénomène préjudiciable de l'extraction du sable, au point où, indique-t-il, le volume des eaux emmagasiné a chuté de la moitié soit 40 millions de m3 sur les 80 millions de m3 recensés. «Nous déposons en moyenne 150 plaintes par année chez le procureur de la République contre les auteurs des extractions illicites du sable au niveau de l'oued Sébaou, car c'est de notre devoir de protéger ce patrimoine qui a subi d'importants dégâts ces dernières années», affirme le directeur de la wilaya de l'hydraulique, non sans ajouter que même si le phénomène de l'extraction illicite du sable a diminué sensiblement ces dernières années, il n'en demeure pas moins que la vigilance, insiste-t-il, doit être de mise afin de protéger ce qui constitue une importante source d'alimentation en eau potable d'une bonne partie de la population locale, surtout en cette période où le barrage Taksebt, le plus important réservoir qui sert la majorité des foyers de la wilaya, est à son plus bas niveau avec moins de 40% de taux de remplissage .
