Dahmane S. est un employé de société depuis 1984. Il est surpris en 2008 en pleine opération de vol de pièces détachées. A la barre, un commerçant est inculpé de recel. Les deux avocats jouent sur l'aveu du voleur, les regrets du receleur. L'un d'eux évoque même la maladie de l'enfant du détenu et donc le besoin d'argent pour acquérir les médicaments. Mais ces excuses, si en droit peuvent émouvoir des magistrats, ne font pas des amateurs parmi les juges, ligotés par l'inculpation et l'opportunité des poursuites. La partie civile a demandé tout juste vingt mille dinars de dommages et intérêts et ô comble de l'ignorance, l'application de la loi, qui relève du ministère public. Dahmane permet à cette attentive présidente de bien dominer les débats. Un inculpé qui “crache” le morceau est généralement bien “vu” par la magistrats. Le receleur, lui, tombe franchement des nuages, car la loi est si dure... Si dans un style fouillé et sec, le premier conseil s'est longuement étalé sur les besoins vitaux de son client, le deuxième défenseur s'est contenté de rappeler au tribunal que son client ne savait pas que Dahmane avait volé la marchandise. Le représentant du ministère public n'y est pas allé de main-morte. Il demande contre le voleur une peine de huit mois de prison ferme et un sursis pour le receleur qui lui en est à son premier délit, sinon la récidive aurait été abordée et les dégâts avec. Le côté risible du procès, c'est le témoin, chef de service, qui a déclaré sans rire qu'il avait surpris Dahmane volant les pièces détachées un casse-croûte à la main. «Allez rendre justice à de pareils énergumènes qui trouvent tout de même le courage d'avoir des remords», marmonne la présidente qui hochera la tête en signe de désespoir. Le verdict a été mis en examen le temps pour la présidente de réfléchir avant d'infliger une peine de prison ferme de six mois et une amende de cinq mille dinars. Le condamné a dix jours pour interjeter appel, si toutefois il s'estime bafoué. Le receleur l'a échappé belle : il s'en est tiré avec une peine de prison assortie de sursis.