Le haricot vert est à 300 dinars ? Mais qu'est-ce qui peut bien nous obliger à acheter un légume qui ne «fait pas partie de nos traditions culinaires», «n'a pas de valeur nutritive particulière» et est «produit dans des quantités si insignifiantes qu'il peut faire l'objet de toutes les spéculations» ? Dans un ultime effort de réflexion collective, avec une inconsidérée propension à l'autoflagellation, le citoyen algérien se croit souvent obligé d'apporter les réponses les plus accablantes pour sa personne à des situations où il est naturellement la victime et qu'il veut conjurer en passant allégrement de l'autre côté de la barre. En plus de disserter sur des «goûts culinaires» qui deviennent cycliquement «étrangers à ses traditions» et d'aller chercher des théories savantes sur l'inconsistance d'un produit, il va, dans un élan abscons, dédouaner les planificateurs de son malheur qui, eux, savent toujours pourquoi les choses sont ainsi et pourquoi ils travaillent sans état d'âme pour que cela ne change pas. La courgette qui atteint les sommets pendant le mois de Ramadhan ? Ce serait encore la faute du consommateur, incapable de s'en passer pour sa chorba et ne sait pas remplacer la dolma par d'autres mets forcément plus appétissants. Le sucre qui double de prix du jour au lendemain ? Nous délaissons jusqu'à certaines raisons, objectives même si elles n'expliquent pas tout, pour découvrir comme par miracle que nous en sommes les plus gros consommateurs du monde, que nous sommes des dingues de la pâtisserie, que nous ne contrôlons pas nos enfants qui se goinfrent de bonbons, que nous ne comptons plus le nombre de cuillerées que nous mettons dans la tasse… nous sommes maltraités dans tous les aéroports du monde ? Eh bien, qu'on reste chez nous. Nous ne savons pas ce que nous ratons en quittant notre beau pays pour aller quémander un autre pan de ciel. Et nous ressortons nos 1200 kilomètres de côtes, nos «petits Paris» qui peuvent être indifféremment Azeffoun, Sidi Bel Abbès ou Collo. Et nous faisons le parallèle entre Marrakech et Ghardaïa, El Kala et Djerba… avant d'aller faire la tournée des agences de voyages. Au fait, des associations qui nous caressent dans le sens du poil nous annoncent pour les prochains jours une «journée sans achats». On le savait, si les prix flambent, c'est parce que nous consommons beaucoup. Alors, allons nous approvisionner, la journée «sans achat» est imminente. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir