Tandis que le Parlement et autres sphères politiques sont occupés à préparer les prochaines élections législatives et communales prévues cette année, des citoyens continuent à souffrir, dans une indifférence qui n'a d'égale que l'égoïsme aveugle quand il s'agit d'agir le sur terrain. Parmi les «damnés de la terre», ces adolescents, trop nombreux pour ne pas être aperçus et souffrant en silence et qui, la nuit tombée, face au siège de l'Assemblée populaire nationale (APN) s'adonnent, au vu et au su des passants révoltés, à la consommation de «diluant», dangereux produit qui ronge leur corps à petit feu. Le «diluant» est une boisson composée d'un mélange de produits toxiques dont de l'alcool que les jeunes adolescents abandonnés consomment. Le jardin faisant face au siège de l'APN est ainsi pris d'assaut dès la tombée de la nuit. Les députés et sénateurs qui rejoignent le parking se trouvant à proximité pour embarquer à bord de leurs luxueux véhicules semblent s'être adaptés à ces tristes images, comme ils se sont adaptés à ne pas réagir en saisissant les autorités concernées pour venir en aide aux adolescents sniffeurs de «diluant». Kamel, âgé à peine de 14 ans, lâché par sa famille et les autorités, vient chaque soir rejoindre de nombreux autres pour consommer du «diluant» dans le jardin. Près de lui, une page de journal sur laquelle est paradoxalement publié un article reprenant les déclarations d'un responsable sur la prise en charge de la jeunesse contre les fléaux sociaux. Le jeune est-il au courant de ce qu'a dit le responsable? Le croirait-il s'il l'avait lu ? Il semble plutôt détaché de la réalité, parce qu'il était ailleurs en raison du diluant consommé. Il n'est pas le seul inconscient. Les responsables concernés en charge de la lutte contre les maux qui rongent les adolescents livrés à cette situation dramatique le sont autant que lui, à la différence que la situation est imposée au premier. Pas loin de là, près de la station de Tafourah, la situation n'est guère plus reluisante. Le jardin faisant face à la gare routière est submergé par la «population de la nuit». C'est le qualificatif donné, par certains, aux adolescents sans domicile fixe et autres personnes en détresse ne possédant pas un toit et non prises en charge et qui ne trouvent que la rue comme «abri». «C'est surtout la nuit qu'ils font leur apparition», dira un passant. Un jeune adolescent, tenant un sachet entre les mains, semblait inconscient. L'effet du «diluant» semble avoir eu raison de lui. La nuit est longue. Il ne veut pas arrêter là. Le sachet contient encore du «diluant» que d'autres demandent encore. Ils sont des dizaines, tout au moins, à consommer dans la rue cette drogue ô combien dangereuse. Les repérer, la nuit, n'est pas chose difficile, d'autant plus que ce sont, souvent, les mêmes endroits qu'ils choisissent pour passer la nuit. Parmi eux, des enfants de 14 ans. Chacun son histoire et les raisons qui l'ont jeté dans la rue, mais tous partagent un point commun, celui d'être laissés pour compte. Au jardin de la Grande Poste, et au-delà de 22 h, ils occupent les bancs. Khaled, 15 ans, demande une cigarette. Lui expliquer que c'est nocif pour sa santé ne sert pas à grand chose. Pourtant, il admet que c'est vrai. Ce sont donc des adolescents qui ne demandent qu'à être écoutés et pris en charge. «Je suis dans la rue depuis des années. Mon père s'adonnait à la consommation excessive de boissons alcoolisées et s'est retourné contre moi et mes frères dès qu'il a perdu son emploi. L'entreprise dans laquelle il travaillait a baissé rideau. Il nous maltraitait et nous incitait à travailler pour lui rapporter de l'argent. J'ai fui et je travaille, depuis quelque temps, dans un chantier pour essayer d'envoyer un peu d'argent à mes frères restés à la maison, sinon ils crèveraient de faim», confie-t-il. Ses yeux, malgré la dureté de la vie qu'il mène, sont restés ceux d'un adolescent.