Petit inventaire du journalisme chez nous. Notre métier est un métier ingrat. Eprouvant. Jugé et jaugé, chaque jour, par un public sans complaisance. Cette semaine, c´est le thème «le journalisme est une vocation» d´une campagne de pub lancée mardi dernier par France Info et rapportée par un de nos quotidiens nationaux, qui retient notre attention. La radio française explique que «dans un contexte où les sources d´information sont multiples, France Info rappelle les fondamentaux du métier de journaliste qui consistent d´abord à aller chercher les informations à la source, les trier, les vérifier et les hiérarchiser» avant de les publier. Pour les promoteurs de la campagne, «c´est cet engagement des journalistes de la station et de ses reporters en particulier que France Info a souhaité montrer avec cette campagne». A chacun ses raisons. L´intérêt que nous accordons à cette action menée loin de chez nous, est principalement dicté par l´état inquiétant, il faut le dire, dans lequel se trouve le journalisme dans notre pays. Oui, dans tous les pays du monde et sous toutes les latitudes, le journalisme c´est d´abord et avant tout une vocation. Etant entendu que la formation et la qualification qui suivent ne font l´objet d´aucune controverse. Là, nous entrons dans le vif du sujet pour faire un petit inventaire du journalisme chez nous. Notre métier est un métier ingrat. Eprouvant. Jugé et jaugé, chaque jour, par un public sans complaisance. Pour illustrer cet aspect, on ne résistera pas à l´envie de vous rapporter cette croustillante anecdote. Au début des années 80, le directeur général du quotidien El Moudjahid, Abdelaziz Morsli, reçoit une communication d´un ministre furieux que son administration ait été critiquée par le journal. Il eut ces mots violents: «Votre journal c´est de la m...» cria-t-il dans le combiné. Réplique du tac au tac du directeur du journal connu pour son franc-parler: «Oui, M. le ministre! Mais contrairement à celle de votre administration, ma m...je ne la cache pas dans les tiroirs. Elle a le mérite d´être, tous les matins, exposée dans les kiosques!». Beaucoup peuvent nous rétorquer que cette anecdote vieille de 30 ans n´a pas pris une seule ride. Et que si évolution il y a, elle ne l´est que dans le mauvais sens. On ne peut, honnêtement, leur en vouloir. Pourquoi? Laissons de côté la première tranche de l´histoire de notre journalisme qui va de l´Indépendance à l´ouverture démocratique du pays où tout peut être mis au compte du régime de la pensée unique. La situation actuelle du journalisme en Algérie a pour point de départ l´année 1990 qui a été celle de ce qu´on a appelé à l´époque «l´aventure intellectuelle». La presse privée a littéralement explosé. Plusieurs centaines de titres ont vu le jour en quelques mois. S´est posé alors le crucial problème du marché de l´emploi incapable d´offrir aussi brutalement les journalistes qualifiés nécessaires à un tel boom. Le chômage qui avait atteint le taux de 25% n´épargnait pas les universitaires. «L´appel d´air» provenant de la toute nouvelle Maison de la presse où ont été rassemblés les premiers titres, a forcément attiré ces derniers. Des diplômés de toutes les filières (médecins, agronomes, vétérinaires, lettres, etc.) s´y sont déplacés en quête d´emploi. Pris par le temps, les éditeurs ne pouvaient procéder qu´à une sélection des plus sommaire. En gros, il fallait savoir aligner des phrases. Voilà comment un grand nombre d´entre eux sont venus, du jour au lendemain, au journalisme. Depuis, et comme «le journalisme peut mener à tout...» beaucoup ont utilisé ce «tremplin» pour rejoindre le confort de la haute administration. Ils ont été remplacés par des jeunes licenciés de l´université des sciences de la communication qui s´est mise à tourner à plein régime. La quantité d´abord, pour la qualité, on verra plus tard. La qualité aujourd´hui de notre presse n´est que le résultat de la démocratie brutalement décrétée. Ce sont les hommes politiques qui sont responsables de l´absence du journalisme d´investigation. Des chroniqueurs judiciaires. Des journalistes spécialisés en économie, dans le domaine de la culture, du sport, etc. Pas les hommes et les femmes de la presse. Ceci sans compter que dans la précipitation, personne ne s´est soucié de ce critère fondamental qu´est la vocation. Elle aide à accepter les nombreuses vicissitudes liées à la profession. Elle permet cette part d´altruisme. Elle favorise l´humilité. La remise en cause permanente du travail fourni. Elle aide surtout à ne pas «se prendre la tête». Ceci dit, «Le journalisme est-il une vocation?». C´est le thème du débat qu´il serait utile d´engager dans notre pays. Pour ne plus avoir honte de dire être journaliste. Ce débat-là est différent de celui de France Info. ([email protected])