La fonction de journaliste pourra continuer «à mener à tout... à condition d´en sortir». Sauf en prison. Ainsi en a décidé le Conseil des ministres de mardi dernier. L´événement, servi la veille de la Journée de la liberté de la presse, restera gravé dans l´histoire du journalisme algérien. Mais attention, et cela tous les journalistes professionnels en sont conscients, la dépénalisation de l´acte d´informer ne peut être un «permis» pour diffamer ou injurier. Cette dépénalisation, si elle nous libère de l´angoisse «des barreaux», nous astreint du même coup à une plus grande rigueur professionnelle. Une rigueur que tout journaliste n´a, normalement, aucune peine à observer. Et pour être journaliste, il faut remplir plusieurs conditions. L´idéal serait de commencer par la vocation. A défaut, il faut au moins gravir les marches du long «escalier» (au lieu de l´ascenceur) qui mène à l´accomplissement professionnel. Est-ce le cas aujourd´hui? Quand on aime ce métier, il faut avoir le courage de mettre le doigt sur la plaie, pour le revaloriser. Cette plaie a commencé en 1990, avec l´ouverture démocratique. Elle est malheureusement toujours là et encore plus «infectée» faute de n´avoir jamais été «soignée». Dès l´installation des premiers titres de presse privés à la Maison de la presse du 1er Mai (elle portera plus tard le nom de Tahar Djaout), s´est posé pour les éditeurs un crucial problème de «main-d´oeuvre qualifiée». Les journalistes en activité à l´époque étaient, soit restés dans les organes publics qui les employaient, soit devenus actionnaires des journaux privés qu´ils créaient avec l´apport de trois années de salaires que l´Etat versait aux journalistes qui optaient pour «l´aventure intellectuelle». De ce fait, il n´y avait aucun journaliste demandeur d´emploi. Comment les nouveaux journaux allaient-ils faire pour pourvoir en personnel leur rédaction? Aucun autre choix que de puiser dans le lot des chômeurs diplômés, nombreux à l´époque de la dette et de son rééchelonnement, de diverses filières (agronomes, vétérinaires, médecins, etc.). Il suffisait aux postulants de savoir sommairement aligner des phrases. Une fois retenus, ils étaient aussitôt envoyés au «charbon» c´est-à-dire «couvrir», chaque jour, des sujets différents. Au mieux, les actionnaires corrigeaient (non sans arrière-pensées) les papiers politiques. Si la formation était absente et que chacun «poussait» sa plume comme il pouvait, la fréquentation des allées du pouvoir donna, à leur corps défendant, le vertige puis la grosse tête à nombre de journalistes de «la cuvée 90». Depuis, rien n´a changé. Les «fournées» qui ont suivi ne pouvaient que se plier à «l´ordre établi». Sans encadrement ni balises, il aurait été étonnant de ne pas avoir tous les travers que nous connaissons encore, même si beaucoup ont fait des efforts individuellement pour s´en démarquer. Des efforts, certes, mais qui ne suffisent pas à offrir aux lecteurs des reportages, des enquêtes, des chroniques judiciaires, ni même à bien «bâtonner» les dépêches. Toutes choses qui ne se trouvent que dans le fameux «escalier» qu´on a évoqué plus haut. D´importantes mesures ont été annoncées par le Conseil des ministres de mardi. Une nouvelle loi de l´information, une commission indépendante d´experts nationaux pour améliorer la fonction, une aide publique pour son épanouissement, une autorité de régulation... C´est bien. A condition, toutefois, que la formation prenne toute sa place dans le dispositif. C´est l´unique condition pour revaloriser le journalisme. Pour faire renaître les vocations très utiles dans ce métier souvent ingrat pour le journaliste mais très utile à la société.