Lorsqu´on marie les trois soeurs, l´une après l´autre, que reste-t-il donc à offrir à part les meubles? La victime de vol par trois jeunes que des voisins avaient vu rôder peu avant le cambriolage, remarquez que nous écrivons «rôder peu avant le cambriolage et ce sera là tout le noeud gordien de l´affaire. Evidemment, pour nos fidèles lecteurs, vous aurez là aussi, compris que, «ceux des voisins qui ont vu rôder les trois jeunes, ne sont pas à la barre pour confirmer ce qu´ils ont vu. Le cambriolage lui-même est digne d´une séquence d´un film yankee des années 50, en noir et blanc. Les trois jeunes se seraient introduits non pas par la porte du palier mais par le...balcon. La victime, une mère de famille qui avait marié une semaine auparavant, sa troisième fille, se plaint d´une hogra car, dira-t-elle plus tard à la présidente: «Lorsqu´on marie trois jeunes filles, que reste-t-il à prendre dans un domicile?» Madame la représentante du ministère public va devoir tendre la main au conseil de la victime, maître Mohamed Djediat, cet avocat qui était venu aider cette malheureuse victime à retrouver d´abord, ses esprits et aider le tribunal dans la recherche de la vérité. Il est vrai que l´avocat de Patrice-Lumumba sait en tant que défenseur avisé que les trois détenus n´ont rien contre eux, sauf un casier garni et des voisins qui les ont vus rôder dans le périmètre de la cité. Il est tout aussi vrai pour le défenseur que les trois inculpés vont jouer sur le moral de la présidente qui n´est pas disposée à glaner des bouquets de malédictions car elle sait qu´elle préside un tribunal où seuls les témoins et les preuves pèsent sur le plateau de la balance. Alors, c´est au cours des débats que l´avocat va jouer son va-tout. Samir, Mabrouk et Tidjani ont toutes les peines du monde à se tenir correctement à la barre. M.Samir, vingt-quatre ans, gardien d´occasion de parkings sauvages, se tord les phalanges. Z.Mabrouk, lui, a carrément l´auriculaire dans l´oreille gauche, histoire de se distraire alors que A. Tidjani, qui vient de fêter ses vingt-six ans en taule, la veille, ne cesse de tourner la tête dans tous les sens, à la recherche probablement d´un proche venu le soutenir dans cette dure épreuve. Les vingt et une questions posées par la juge du siège, la procureure et Maître Djediat ne donnent pas grand-chose. Une seule chose est dite, répétée, ressassée: «Nous étions dans les parages en vue de mettre en place une stratégie de gardiennage du parking voisin de la cité mitoyenne à celle où le cambriolage avait eu lieu», déclare Tidjani. «Nous n´étions pas arrivés à nous mettre O.K. sur les trois fois huit», avait enchaîné Samir. «Mabrouk était contre le gardiennage durant la journée de dix à dix-huit heures», avait mâchonné Mabrouk qui était d´un calme olympien, contrairement à Samir qui panique. Curieusement, le dernier mot reviendra à Maître Djediat qui priera la présidente de bien examiner tout ce qui a été balancé dans ce procès où des inepties, des vérités, des mensonges, des mots ont été entendus, de quoi déstabiliser le tribunal, donc une amputation inintentionnellle ayant été opérée. «Prenez votre temps, Mme la présidente, il s´agit de la liberté des gens», avait conclu le défenseur qui avait évité d´agacer ce même tribunal qui sait, au même titre que la défense, que s´il s´agit des libertés des citoyens et des justiciables, il y a aussi les victimes.»