L'audience de Yassine Ouezaâ, le jeune juge de Rouiba (cour de Boumerdès) a débuté avec beaucoup de retard car le tribunal et son chef, le président, avaient pris beaucoup de temps pour dénicher un huissier de justice apte à prendre place sur le siège du greffier en grève de protestation devant le silence de la tutelle. C'est vers treize heures que le «greffier» de l'audience avait appelé cinq inculpés d'atteinte à la propriété, fait prévu et puni par l'article 386 du Code pénal et qui dispose que: «Est puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et une amende de deux mille à vingt mille dinars quiconque par surprise ou par fraude dépossède autrui d'un bien immeuble. Si la dépossession a lieu soit la nuit, soit avec menaces ou violences, soit à l'aide d'escalade ou d'effraction, soit par plusieurs personnes, soit par arme apparente ou cachée par l'un ou plusieurs des auteurs, l'emprisonnement est de deux ans à dix ans et l'amende de dix mille dinars à trente mille dinars.» Et cet article dure depuis la promulgation de la loi 82-04 du 13 février 1982, année du redressement de certaines lois, le pouvoir en place ayant estimé que vingt ans après l'Indépendance il fallait «dépoussiérer» les lois en vigueur. Hassan Nabi, Houssine Nabi, Mohamed Nabi, Lakhdar Nabi et Kamel Nabi étaient debout, regardant d'un demi-oeil les trois cousins qui ont osé supporter que trois d'entre eux soient incarcérés durant onze jours et autant de nuits. Les trois victimes Guedouari Mohamed, Rabah et Mokhtar ont dû déployer l'arsenal lourd pour enfoncer les cinq cousins accusés pour s'être emparés des douze hectares à Benchoubane (Rouiba), ce terrain que Hassan et ses frangins considèrent comme la terre des ancêtres dans cette région. Le 5 avril 2012, les gendarmes déposent une convocation pour être entendus au parquet de Rouiba. Et, manque de pot pour cette famille, ce jour-là ce n'était pas Imène Gahfez qui était de permanence ni Boubakeur Harkat, ni encore cette sacrée timide Allioueche, mais le terrible Mohamed Riad Boularaoui, prompt à frapper fort ceux qui jouent avec le bien d'autrui lorsqu'il en est convaincu. Et c'est précisément ce genre de parquetiers qu'aime rencontrer à la barre, Maître Hakim Chabane juste pour désarmer le ministère public dont il n'aime pas le choix des armes à la barre. Et à la barre, enhardis par la présence de ce terrifiant duo d'avocats Chabane-Amor Belkacem, un duo à ne pas avoir comme adversaire et donc à éviter comme la «peste», comme dirait Djahida Mansouri cette magistrate qui fait le bonheur des justiciables à Tizi Ouzou, cette cour qui a réuni la crème des magistrats du centre du pays... Farid Derouiche en tête de file... Yasmine Ouezaâ, le président qui voulait que ce procès se passe le plus normalement du monde, voulant se passer des mauvais commentaires murmurés sous cape, laissant entendre qu'il y avait anguille sous roche. Ce qui est certain pour ce brillant juge du siège, c'est que seuls les faits seront jugés loin de toute autre considération. Il restera de glace lorsque Maître Amor Belkacem martèlera en tamazight, une formule chère au regretté Matoub Lounès. «Oula Dhaine Zirante ailniow akrne athsthrifadh.» Nous laissons le soin aux seuls Amazighs de saisir ce morceau d'anthologie cher à Matoub alors au summum de son opposition au pouvoir en place. Ce numéro réalisé par Maître Amor Belkacem qui s'était oublié en tapant fort sur la barre à telle enseigne que Belaraoui avait cliqué des yeux car le mobilier existant dans la salle d'audience, relevait et relève de la responsabilité du seul...parquet. C'est dire si Ouezaâ n'était nullement gêné par ce geste «dévastateur» que Maître Benanteur n'aurait pas désapprouvé, lui si prompt à penser prendre le maquis dès qu'il perçoit un signe d'injustice à l'encontre d'un justiciable, courant à perdre haleine derrière la justice et son sens aigu d'attention et surtout devant un dossier bien ficelé! Pour revenir au procès, retenons la colère de Hassan Nabi qui n'avait pas mâché ses mots face au juge qui lui rappelle le respect de la loi: «Monsieur le président, ce qui me tue c'est le fait qu'à chaque fois que nous, les Nabi, déposions plainte, elle mettait du temps à décoller alors que nos cousins, les Guediouari, eux, étaient satisfaits comme par enchantement. Et là, je me pose la question qui voulait que notre défunte et regrettée tante maternelle Zhour, la maman des victimes de ce dimanche, serait mécontente de voir ses trois neveux être incarcérés sur plainte de ses propres enfants!» avait sifflé Hassan vite calmé par ce duo de défenseurs qui feront un tabac au moment où Ouezaâ les invitera à défendre la cause. D'ailleurs, Kamel Nabi un des trois frères détenus, le dira au président: «Nos cousins, ont voulu casser l'acte habous à n'importe quel prix!» Cette exclamation a été appuyée par Hassan qui a reconnu au passage qu'en 2005, il y avait eu une mesure d'expulsion que nous avions bloquée le temps que la justice se prononce sur l'affaire de faux, traitée par la 2e chambre de Rouiba.» Juste après avoir pris acte du traditionnel dernier mot craché par les cinq inculpés, le président annonce la mise en examen de l'affaire. Une affaire de foncier, un foncier qui sème la zizanie dans les familles plongées soudain dans les affres des poursuites, des inculpations, des attentes, de l'incarcération, de l'humiliation. Et rien que d'y penser, Yasmine Ouezaâ, le juge est tenu de trancher dans le vif en toute intégrité.