La question qui se pose est de savoir qui est le plus apte à faire évoluer le système. Quel est le poids du groupe des onze? Telle est la question qui taraude les esprits de bien des observateurs. Mais les plus fins ont déjà leur idée, puisqu'ils ont les moyens de leur politique, celle qui leur permet en douce de mener des sondages à l'effet d'avoir une cartographie de l'électorat algérien. Mais pour le commun des mortels, ceux qui n'ont pas accès à ces sondages discrets et qui constituent plus de 99 % de la population, la question restera pendante. Sans réponse. Demander quel est le poids du groupe des onze, revient en réalité à se demander ce que pèse réellement le président Abdelaziz Bouteflika. On dit que ce dernier est venu pour casser le système, sur lequel il a une revanche à prendre, depuis l'année 1979 où un certain Chadli Bendjedid lui a été préféré par ses amis du Conseil de la révolution. Au sein du groupe des onze officient quatre anciens chefs du gouvernement - cinq si on y ajoute désormais Sid Ahmed Ghozali - qui continuent d'être considérés comme les enfants du système. Mouloud Hamrouche s'en est toujours revendiqué. Le docteur Taleb fait plutôt partie du sérail. Sid Ahmed Ghozali et Mokdad Sifi représentent le système l'un côté jardin et l'autre côté cour. Ali Benflis et Ahmed Benbitour sont la face visible de la lune, puisqu'ils ont travaillé directement avec Abdelaziz Bouteflika en appliquant son programme, alors que Saïd Sadi et le MSP en sont la face cachée, travaillant ou ayant travaillé avec le président, mais gardant leur autonomie propre. Mais aujourd'hui, Bouteflika représente, ou plus exactement incarne le système. Les coups de boutoir qu'il a donnés à droite et à gauche, toutes griffes et tous crocs dehors, laisseront certainement des traces et des cicatrices, notamment dans les appareils de l'administration et de la justice, ainsi que des égratignures contre la loi y afférente, car s'il est vrai qu'une certaine dérégulation est souhaitée pour diminuer le poids de l'Etat et de la bureaucratie, le respect des lois et de la réglementation n'a jamais fait de mal à personne. Le problème, c'est qu'il eût fallu plus de punch et de logique pour réellement briser le système et construire un autre à sa place, plus de cohérence. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Abdelaziz Bouteflika n'aura pas réussi à changer le système, soit parce que les résistances auront été trop fortes, soit parce qu'il aura manqué de méthode et de cohérence. Les deux raisons sont valables certainement, et se complètent. Des considérations tactiques l'auront emporté sur la vraie stratégie, mûrie et réfléchie. Les bâtons dans les roues auront fait le reste, le cercle présidentiel n'ayant pas fait de cadeau à ses ennemis, qui le lui rendent bien. En l'état actuel des choses, il n'est pas aisé d'évaluer le poids réel des uns et des autres. Le président a phagocyté le système, en le pliant à ses quatre volontés, mais on ne connaît pas son assise sociale. Le groupe des onze a, au moins, deux poids lourds en son sein : ce sont Ali Benflis, secrétaire général du parti FLN, qui est une redoutable machine électorale, et le docteur Taleb qui peut se prévaloir d'un électorat islamo-nationaliste moderniste, cela bien sûr dans le cas où les règles du jeu seraient respectées, c'est-à-dire dans le cas d'une administration neutre. La nouvelle loi électorale, qui porte l'empreinte du MRN et du FLN sera-t-elle en mesure de brider les appétits d'une administration trop malléable? Maintenant reste la question qui tue: les membres du groupe des onze sont-ils capables de se mettre d'accord sur une candidature commune? C'est leur seule chance de pouvoir battre Abdelaziz Bouteflika. Car avec plus de 40 candidats en lice à la magistrature suprême (ceux qui auront retiré les fameux formulaires) il ne reste pas beaucoup de place à un deuxième tour. Obliger Bouteflika à aller à un deuxième tour, c'est l'amener à croiser le fer et certainement à perdre le défi. Partir en rangs dispersés, c'est lui offrir un deuxième mandat sur un plateau d'argent.