Les replâtrages de dernière minute n'ont pas pu cacher la désolation d'une ville phagocytée par la misère. Poursuivant son périple de visites effrénées dans les différentes wilayas du pays, M.Bouteflika a fait escale, hier, à El-Ménéa, une daïra située à 270 km au sud de Ghardaïa. Un bain de foule au centre de la ville, une mise en service d'une station de gaz de ville et l'inauguration d'un technicum et d'une salle omnisports. Voilà le programme de la visite la plus courte du périple du président. Une heure pour séduire. Le reste c'est à la télévision de s'en occuper. La veille de l'arrivée du «raïs», les services locaux s'affairaient à porter les dernières retouches. L'itinéraire goudronné, les murs blanchis, les portraits du président, les drapeaux et les banderoles souhaitant la «bienvenue à l'homme de la concorde» rafistolent quelque peu le spectacle de désolation régnant dans la ville et sur ses habitants. «Pour redonner un visage à cette localité, il faut 350 visites officielles par an», s'est amusé à dire un citoyen voyant le spectacle. Quelques heures avant l'arrivée du président, la majorité des citoyens, rassemblés le long de l'itinéraire, répondent à l'unisson aux interrogations des journalistes. Le chômage, l'isolement et la hogra constituent le leitmotiv chez les citoyens d'El-Goléa. Pour rappel, cette ville de l'extrême Sud-Ouest a connu des émeutes en avril 2003. Le chômage en était justement la cause. «Les responsables locaux et même le wali ramenaient des étrangers (à la daïra) et leur donnaient du travail, alors que nous, ils ne daignent même pas nous recevoir. Le 16 avril 2003, on est sorti dans la rue pour crier notre rage», a raconté un jeune chômeur de 34 ans. «Rien ne va, il n'y a rien à camoufler, on veut parler devant les caméras sans nous interrompre», le vieil homme, retraité de Sonatrach, suffoque, réprime ses larmes et enchaîne en sanglots: «Les responsables et la wilaya de Ghardaïa nous écrasent.» Il reprend ses esprits et affirme: «La coupe est pleine, nous voyons nos enfants se consumer et subir l'injustice du chômage sans pouvoir rien faire.» Un autre citoyen intervient: «Après 40 ans d'indépendance, nos sont obligées de ramener avec elles des couvertures et des seringues à la maternité pour un accouchement» Erigée en daïra, la localité d'El-Ménéa est restée, en effet, telle qu'elle. Située à 300 km de Timimoun et à 270 km de Ghardaïa, elle subit un véritable isolement. Pourtant, l'eau coule à flots, une riche palmeraie et plusieurs sociétés pétrolières activent dans ses environs. «On est le nombril du pays, nous demandons aux responsables de passer la main sur leur ventre après avoir bien mangé et être rassasiés pour qu'ils se rappellent de nous», fait remarquer un géophysicien au chômage. Il ajoute: «Pour travailler, il faut payer la somme de 10.000 DA ou plus aux parasites.» Sous un soleil matinal, M.Bouteflika sillonne la ville. A une centaine de mètres devant lui, un chef d'orchestre anime la foule. «Ouâda thania» (deuxième mandat), en vain. Les citoyens préfèrent scander «Wilaya». Le phénomène de mirage produit par la réverbération du soleil n'est pas le fruit de l'imagination. Il faut bien croire qu'il existe au Sud algérien des mirages de haute classe. Devant une population complètement phagocytée par la misère, les zaouïas de la région appellent le président à se présenter à la prochaine élection. Ainsi, des représentants des zaouïas de Sidi Echeikh, Reggania, Sid El-Hadj Yahia, Sidi Boukhous, Sidi Bendine, El-Khadiria et Karzazia, alignés en soldats disciplinés saluent le président et lisent une motion de soutien.