«Il y a le visible et l'invisible. Si vous ne filmez que le visible, c'est un téléfilm que vous faites.» Jean-Luc Godard Il y a quelques jours, nous avons assisté impuissants à la projection de la dernière production cinématographique algérienne. Un film qui complète, à notre grande déception, une série interminable de navets projetés en toute impunité et en toute arrogance par les auteurs et certains producteurs devant un parterre de journalistes, d'artistes et surtout de responsables du secteur toujours désappointés face à la médiocrité qui a touché nos cinéastes. Qu'ils soient formés en Russie, diplômés de l'Idec, étudiants en Yougoslavie, constitués au maquis, rescapés du défunt Institut de cinéma algérien créé à l'aube de l'indépendance ou ex-assistant à l'Enpa, nos cinéastes sont désormais touchés par le virus de la médiocrité. Alors qu'on pensait qu'ils étaient finis, que les entreprises ont été dissoutes et que les caméras ont été revendues, la rente pétrolière les a récupérés, leur a redonné la chance et l'espoir de reprendre la caméra et mettre de la lumière blanche sur la page blanche du futur cinéma algérien. Hélas, le résultat fut désolant et on commence à se demander si on avait bien fait de leur donner une nouvelle chance pour faire leur film. Quand on n'a pas touché une caméra durant plus de 20 ans, on a sûrement perdu la main. En Algérie, la machine est grippée et on ne risque pas de produire les mêmes résultats que les films produits lors du passé glorieux du cinéma algérien durant les années 1970. Alors qu'Antonioni (mort à 95 ans), Chahine (mort à 82 ans), Kurosawa (mort à 88 ans) Fellini (mort à 73 ans) et Coppola faisaient leurs meilleurs films après 50 ans, nos cinéastes font leurs pires films après avoir dépassé cet âge. Pour certains, ils n'ont pas mûri ou peut-être ont vieilli rapidement. Aujourd'hui, ils ne sont pas capables de faire un bon film ou créer une belle idée de scénario. Aujourd'hui, nos cinéastes (pas tous, fort heureusement) sont plus intéressés par le montant de leur part du Fdatic que par la qualité de l'oeuvre présentée. Pour certains, il vaut mieux acheter un terrain à Draria, un appartement à la nouvelle cité Aadl à El Achour ou un studio à Alicante en Espagne que viser le Festival de Cannes ou le Festival de Dubaï. Nos cinéastes, avec la complicité de certains pseudos critiques qui positivent leurs films, les placent dans des festivals communautaires de seconde zone et qui décrochent des prix symboliques, obtenus grâce à des amitiés personnelles avec des patrons de festivals pour orner la vitrine et se présenter comme The Best Director Of The World. Aujourd'hui, le cinéma algérien n'est pas mort par faute des salles de cinéma seulement ni par l'absence d'entreprises cinématographiques, mais par l'incompétence et l'incrédulité de certains producteurs véreux qui utilisent la fin de carrière de certains de nos glorieux réalisateurs qui boivent le calice jusqu'à la lie. [email protected]