Depuis plusieurs années, il y a des juges du siège qui ignorent les orientations de la loi et leur respect. Yazid L., la quarantaine, venait de prendre quelques pots, histoire d'attendre la fin du jour, qu'il trouvait malchanceux pour lui. Il finit les dernières gorgées et songea à appeler son frangin qui devait le raccompagner chez lui et pour cause, le frérot ne répondait pas. Il préféra alors quitter le bar pour la voiture et attendre quelques minutes avant de rappeler Ali, son jeune frère. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, des flics vinrent à passer, patrouillant dans les parages de Aïn Bénian. C'est le constat de consommation d'alcool. Pour les flics, c'est une conduite en état d'ivresse. Abdellah Goumari, en voyant l'état du gus ordonna le mandat de dépôt, foi de procureur. A l'audience, comme toujours, esclave de l'ordonnance et renvoi, Linda Daboussi, la présidente de la section pénale, allait en deux temps trois mouvements, «exécuter» le pauvre ivrogne qui a crié la vérité: «Oui, j'ai bu et j'ai même trop bu. Seulement, je n'ai pas été arrêté en état d'ivresse au volant et la voiture en marche. L'auto était garée!». Que nenni! La juge du siège lui inflige un six mois ferme et une amende! L'appel est interjeté. Maître Malia Bouzid est constituée devant Abdellah Benaïda l'inénarrable président de la chambre correctionnelle de Blida; elle allait troquer la «casquette» de la femme pour l'avocate. Elle allait rapidement vouloir régler un petit compte avec les abus de la police locale: «Si ces jeunes veulent gagner en grade dans la hiérarchie, ce n'est pas en interpellant des gens assis dans leur voiture immobilisée à proximité d'un bar. Il n'y a pas eu de conduite en état d'ivresse! Yazid était certes ivre, il était certes «out», il était, disons-le, haut et fort, si ivre qu'il avait décidé de se reposer dans son véhicule, derrière son volant, attendant quelques instants avant de se décider à rappeler son cadet pour l'accompagner!», s'est écriée l'avocate de Chéraga qui n'avait pas voulu prendre trop de temps à la composition correctionnelle et surtout à ce charmant et compétent Mourad Aït-Chalal, le procureur général, tapi dans son confortable fauteuil de poursuivant... Le président de l'audience Benaïda, pour ne pas changer, va revenir à l'état d'ivresse et son «interdit»... divin. «Allah a supprimé et interdit la consommation d'alcool pour des raisons de santé, de moralité, de respect de soi, de l'autre! Rien n'y fit», s'exclame le juge qui ne voulait pas sortir de sa gibecière la fameuse recommandation balancée des centaines de fois dans nos sinistres salles d'audience, à savoir: «Il n'est pas interdit de boire, mais de boire et de prendre le volant», ou encore celle-là: «Si vous buvez, laissez les gens tranquilles et évitez le trouble à l'ordre public!». Pour un magistrat qui a étudié la langue arabe sur l'ardoise de l'école coranique (ellouha), il ne s'embarrasse jamais d'étaler sa large culture générale lui, qui, en bon grand-père (déjà), sait manier la langue avant d'asséner une peine en douceur. Maître Malia Bouzid, dans son jour, a su, elle aussi, plaider les dépassements policiers et insister sur l'octroi des circonstances atténuantes: «Je n'ai pas l'habitude de quémander la dure indulgence des juges du siège qui ne font qu'appliquer la loi. Cette fois, je saute la haie et vient réclamer humblement de larges circonstances atténuantes», lâche le défenseur qui a la mine rayonnante en cet autonome aux airs printaniers avec un ciel dégagé. Depuis le siège du ministère public, Mourad Aït Challal, le procureur général réclame une peine conforme à celle du tribunal: «Confirmation du jugement.» Un lourd silence s'installe le temps pour Maître Bouzid de prendre d'assaut l'inculpation et de tenter de démonter le verdict de cette juge de Chéraga qui fait tout pour dégoûter les justiciables de la justice, l'unique justice d'un pays dont le peuple est assoiffé d'équité et de bonheur: «C'est à croire qu'il y a des magistrats installés çà et là pour entretenir la «haine» contre la robe noire, celle de la magistrature et même Tayeb Louh, ministre de la Justice, garde des Sceaux, n'y peut rien, car adepte acharné de l'indépendance de la justice. C'est pourquoi, quatre années après ce procès, Chéraga est passée du côté de Tipasa et cette indétronable Daboussi est toujours là semant l'absence d'amour de la justice...