Le projet saoudien de combattre Daesh ne s'inscrit pas dans le cadre de la rivalité entre sunnites et chiites, même si l'Iran n'y participe pas encore. Jean-François Coustillière, consultant indépendant, tente une analyse du projet de Daesh ou Etat islamique. Il souligne dans une contribution à Econostrum que ce projet est le résultat d'un cheminement commencé en octobre 2006, avec la création, par Al-Qaîda en Irak, de l'Etat islamique en Irak (EII). En avril 2013, celui-ci devient l'Etat islamique en Irak et au Levant (Eiil) avant d'annoncer, en juin 2014, le rétablissement du Califat, tandis qu'Abou Bakr Al-Baghdadi, un combattant salafiste djihadiste s'arroge le titre spirituel et temporel de calife, héritier ou successeur du Prophète Mohamed (Qsssl) sous le nom d'Ibrahim. L'organisation prend dès lors le nom d'Etat islamique (EI) sans référence géographique. L'EI se présente ainsi comme un Etat salafiste djihadiste sans frontières et de droit divin. Ce qui ne plaît pas du tout aux pays frontaliers d'Irak et de Syrie. Partie d'Irak avec des cadres essentiellement issus de l'armée dissoute de Saddam Hussein, l'organisation s'emploie à conquérir, outre les provinces nord de l'Irak avec les villes de Mossoul et Raqqa, la Syrie pour constituer ce premier embryon de Califat et détruire les frontières résultant des accords de Sykes-Picot de 1916. Cette stratégie de conquête au plan régional s'accompagne d'une volonté, à l'échelle internationale, de l'expansion de la violence et de la terreur tant par les armes (attentats en Occident comme au Maghreb et au Moyen-Orient) que par la division (Libye notamment). D'ores et déjà, plusieurs groupes armés salafistes djihadistes ont prêté allégeance à l'Etat islamique, devenant ainsi des provinces (wilayas) du califat en Egypte, en Algérie, au Yémen, en Arabie saoudite, au Nigéria, en Tunisie, au Pakistan, aux Philippines, en Indonésie, au Liban ou encore au Mali. Selon l'analyste, de nombreuses composantes des populations arabes sunnites reçoivent favorablement ce projet soit qu'elles le considèrent comme une juste vengeance contre les chiites qui les ont écartés du pouvoir en Irak, soit qu'un tel Etat islamique pourrait permettre une renaissance arabe, véritable vengeance sur le déclin connu depuis le XIIIe siècle et le déclin du Califat abbasside, attribué selon eux à la domination occidentale. Pour autant, cette adhésion n'est pas générale car elle est fortement réduite par le rejet par un grand nombre d'arabo-musulmans, des atrocités et brutalités commises par les combattants et les dirigeants de Daesh. Daesh, dans sa phase d'expansion, s'emploie à organiser et à administrer les territoires conquis et ainsi répondre au mieux aux besoins des habitants de ces régions. Selon l'analyste, au-delà de la Syrie et de l'Irak, Daesh évite de menacer directement d'opérations invasives les autres pays de la région et se contente de quelques tirs de roquettes en Israël, d'attentats en Arabie saoudite (6 pour la seule année 2015), au Liban (un attentat en 2015) ou en Egypte (huit pour la seule année 2015) et de l'attentat sur un avion russe, le vol 9268 MetroJet, dans le Sinaï. Il s'agit d'éviter d'ouvrir un trop grand nombre de fronts...