Scène du film Lettres de guerre Moi Noujoum, dix ans et divorcée de la réalisatrice yéménite Khadija al-Salami et Lettres de guerre du Portugais Ivo Ferreira deux longs métrages fictions ont marqué la journée de vendredi dernier. Deux films longs métrages ont retenu l'attention du public l'après-midi du vendredi à la salle El Mouggar, deux films fictions forts de par leur thématique. Tout d'abord Moi Noujoum, dix ans et divorcée de la réalisatrice yéménite Khadija al-Salami. Tirée d'un livre, qui raconte l'histoire d'une fillette Noujoum mariée à l'âge de dix ans à un homme trois fois plus âgé qu'elle, mais qui finit par divorcer, la réalisatrice elle-même victime d'un mariage précoce à l'âge de 11 ans s'est emparée de ce livre pour en faire un film remarquable d'émotion. Un vrai plaidoyer contre les filles mariées de force d'autant que cette histoire est celle d'une fillette qui part de son propre chef devant le juge pour demander d'être divorcée et obtient gain de cause alors qu'aucune loi n'existe pour défendre ses droits, seules les traditions archaïques semblent avoir pignon sur rue dans ces régions rurales où les familles pauvres vendent leur enfant pour une bouchée de pain. Des traditions séculaires qui ont la peau dure et contre lesquelles Khadidja Salami se bat chaque jour à travers son cinéma engagé. «Quand je me suis révoltée contre la famille et la société, c'est là où ma mère a réalisé que j'avais raison. Aujourd'hui, dans ma propre famille aucune fille ne se marie tôt. Elles vont toutes à l'école. La solution c'est l'éducation des enfants pour combattre l'ignorance. Il faut qu'ils aillent à l'école», nous a-t-elle confié. Depuis, la cinéaste yéménite a créé une fondation qui vient en aide chaque fois à plus de 500 filles au Yémen permettant ainsi d'aider les familles pauvres à scolariser leurs enfants. Son film elle le voulait à cent pour cent yéménite. Aussi, malgré tous les obstacles, sachant que le Yémen est loin de posséder une industrie cinématographique, la réalisatrice a choisi de filmer et tourner dans sa terre natale au milieu des siens, même si sans aucune autorisation de tournage en sa possession elle a dû filmer à l'arraché, en cachette, sans raconter le sujet du scénario à ses comédiens. Ces derniers apprenaient leurs textes au jour le jour, sauf sa comédienne principale qui est sa propre nièce. Un film fort. On s'en souvient de l'écho plus que positif que le film avait reçu de la part du public oranais l'an dernier lors du festival d'Oran du film arabe. L'autre film projeté vendredi soir à la salle El Mouggar est Lettres de guerre. Une fiction de 105 mn du Portugais Ivo Ferreira. Film réalisé en noir et blanc, c'est l'histoire d'un jeune médecin portugais, soldat pendant la guerre coloniale en Angola entre 1971 et 1973. Il envoie à sa femme des lettres d'amour poétiques, sensuelles et passionnées. Ce jeune homme, en train de devenir écrivain, c'est António Lobo Antunes dont 280 lettres ont été publiées en 2005. Elles sont l'inspiration du film qui en propose une lecture intime et leur donne vie. En effet, tout au long du film les images sont ponctuées de voix off de la femme de ce médecin qui nous restitue mot par mot ces lettres bien enflammées. Entre manque et désir de l'Autre, se dresse le portait de la guerre dans ces régions minées par la misère, les paysages fantastiques et la bravoure des hommes. Au silence de l'homme s'opposent ces grands plans de cette fantastique terre que le narrateur parvient à décrire par des mots sublimés et une inspiration sans faille, quand il vient à parler de celle qu'il désire tant, sa femme et bientôt sa nouvelle fille qui va naître. Le noir et blanc ici donne encore plus de subtile lumineuse à ce film dont la souffrance humaine est palpable, autant celle de ces soldats coupés loin de leur famille que cet homme éloigné de sa bien aimée et dont les mots réconfortants à son oreille sont une sorte de branches sur lesquelles il s'accroche pour délivrer son vécu, raconter au jour le jour ce qu'il vit pour ne pas se sentir mort, ne pas oublier ce qu'il est venu faire dans cette contrée éloignée où tout semble être différent de son monde occidental à lui, y compris le ciel, les fêtes et mêmes les coutumes de mariage et autres. Tout ceci est raconté avec force détails dans ces lettres dont la femme nous restitue fidèlement leur pulsion via sa voix suave et chaleureuse alors qu'on l'entrevoit debout devant son miroir ou dans son lit le soir comme dans un mirage ployant de douleur en pensant à son amour parti ailleurs et ne sachant quand allait-il revenir. Un film beau et puissant qui raconte la guerre comme peu ont su le faire, à travers une forte histoire d'amour déclinée par une voix épistolaire des plus poétiques.