Il a donné à l'Ugta une dimension particulière en la propulsant au premier rang du combat pour la République et la démocratie. Il ne cédera jamais sur ses convictions, même au prix de sa vie. Nommé wali de Constantine au début de l'année 1984, j'ai eu à découvrir, au fil des ans, une wilaya aux réelles potentialités culturelles, possédant des cadres de valeur dans tous les secteurs d'activités et notamment dans le monde du travail. Berceau du syndicalisme, Constantine a donné à l'Ugta trois secrétaires généraux, plusieurs secrétaires nationaux et de nombreux responsables fédéraux. Au niveau local, de jeunes et dynamiques militants syndicaux ont toujours pris la relève dans de bonnes conditions. C'est parmi eux que j'ai eu à connaître et à apprécier l'un des plus compétents et des plus intègres: Abdelhak Benhamouda. Il faut rappeler que le rôle des syndicats est très important dans cette wilaya qui abrite des complexes industriels de grande dimension, notamment dans l'industrie mécanique marquée souvent par des conflits socio-professionnels débouchant sur des grèves parfois difficiles à gérer. Il en est de même pour d'autres secteurs, en particulier celui du bâtiment dont plusieurs entreprises sont implantées à Constantine avec leur lot de contestations et de revendications parfois difficiles à satisfaire. La gestion de ces problèmes était confiée alors par l'Union de wilaya Ugta à son «spécialiste» des conflits sociaux, Abdelhak Benhamouda qui savait déployer tous ses talents de négociateur avec les directeurs des entreprises et des représentants des pouvoirs publics. Maîtrisant tous les arcanes de la législation du travail et des différents règlements propres à chaque entreprise, il était un interlocuteur redoutable et redouté aussi bien des gestionnaires du secteur public que des directeurs de l'exécutif de la wilaya. J'ai pu ainsi apprécier sa maîtrise des dossiers, sa détermination et son sens élevé des responsabilités loin de toute position démagogique, face aux revendications des travailleurs au sein desquels il jouissait d'une audience qui lui permettait de leur faire accepter, si nécessaire, des décisions parfois difficiles à faire passer. Cette audience, son franc-parler, ses positions critiques dans les assemblées générales lui avaient valu l'inimitié des responsables qui n'appréciaient pas du tout cet élément souvent «indiscipliné» et qui avaient agi pour le neutraliser. L'occasion leur avait été donnée par le congrès de l'Union locale de Constantine qui l'a élu à une écrasante majorité secrétaire général de cette importante instance. Dès le lendemain de la clôture du congrès, une action avait été engagée par des responsables locaux du parti pour demander l'annulation de cette élection en application de l'article du règlement du parti sous prétexte que Abdelhak Benhamouda n'était pas militant structuré dans une cellule du FLN. Il ne restait plus qu'à obtenir l'aval de la Centrale syndicale et de la direction centrale du parti. Je me devais de réagir en demandant une réunion du bureau de coordination de la wilaya présidé par le commissaire du parti et composé du wali, du président de l'APW et du chef de secteur de l'ANP. C'est ainsi que les regrettés Abdelhafid Noureddine et Youcef Bensid respectivement président de l'APW, chef de secteur de l'ANP et moi-même avons pu convaincre le commissaire national du parti, le défunt si Tahar Bouderbala, ancien officier de l'ALN et de l'ANP, un homme aussi sage que courageux, de ne pas remettre en cause l'élection de Abdelhak Benhamouda. Aussi, la commission dépêchée par la Centrale syndicale et composée de deux secrétaires nationaux, les regrettés Abdelmalek Ouamer et Seghir Mohamed, n'a pu qu'apprécier et approuver la position des responsables de la wilaya. Il est nécessaire de rappeler cet épisode de la carrière de Abdelhak Benhamouda qui aurait pu bouleverser son parcours qui le conduira à la tête de la Centrale syndicale quelques années plus tard. C'est en tant que secrétaire général de l'Ugta que j'ai eu le plaisir de le revoir en 1989 lorsque j'ai eu l'honneur d'être nommé ministre dans le gouvernement de Mouloud Hamrouche et chargé d'abord des PTT, puis de la santé, secteurs marqués pendant cette période par de difficiles conflits sociaux qui m'ont permis de retrouver Abdelhak Benhamouda, déterminé et combatif et toujours soucieux de placer l'intérêt national avant tout. Il a donné à l'Ugta une dimension particulière en la propulsant au premier rang du combat pour la République et la démocratie. Il ne cédera jamais sur ses convictions, même au prix de sa vie. Qu'il repose en paix!