La présence de Daesh est effective «L'idée qu'on règle la situation d'un pays de façon unilatérale et militaire est fausse», a dit le président français Emmanuel Macron devant le Parlement tunisien sans soupçonner qu'il serait entendu sous d'autres latitudes. Signe probant de la présence des éléments de Daesh en Libye, des affrontements ont eu lieu vendredi dernier entre l'armée libyenne et des activistes du groupe terroriste autoproclamé Etat islamique près de la ville de Zella, au centre de la Libye, entraînant la mort d'un soldat et celle de trois terroristes, selon un communiqué de l'unité des gardes d'installation pétrolière de l'armée. «Une patrouille de surveillance secrète de l'unité a affronté un groupe de l'EI après qu'ils aient essayé de faire exploser la gare de la compagnie pétrolière Al Waha», a indiqué ce communiqué qui précise qu'un soldat de l'unité a été tué et deux autres blessés tandis que trois terroristes de l'EI ont été tués au cours des affrontements. Zella est une ville du désert libyen, située dans le district de Jufra, à près de 650 km au sud-est de la capitale, Tripoli, dans l'une des régions les plus riches en pétrole de la Libye. Elle compte cinq grands gisements pétroliers et constitue de ce fait une place forte stratégique, au carrefour des routes menant vers les villes de l'ouest, de l'est et du sud de la Libye. La municipalité de Jufra est sous le contrôle de l'armée relevant des autorités de l'Est et dirigée par le maréchal Khalifa Haftar. Ce dernier, malgré les divergences qui l'opposent au GNA du Premier ministre Fayez al Serraj, a maintes fois réclamé aux pays occidentaux et surtout à la Russie la fourniture de matériels de guerre qui permettrait une surveillance efficace du territoire mais l'embargo décrété par l'ONU demeure à ce jour valide, tandis que les promesses n'ont jamais été aussi nombreuses même si elles demeurent sans suite. La reconnaissance jeudi dernier en Tunisie, devant le Parlement réuni en séance solennelle, de la responsabilité des puissances occidentales dans la situation chaotique que traverse la Libye depuis 2011 par le président français Emmanuel Macron continue de faire des vagues. Mu par une prise de conscience qui résulte de la guerre du Golfe en 2003, lors de l'intervention américaine pour abattre le régime du président Saddam Hussein, au prix de mensonges éhontés sur les prétendues armes de destruction massive de Baghdad, M. Macron a affirmé que, «quoi qu'on pense d'un dirigeant», on «ne peut se substituer à la souveraineté d'un peuple pour décider de son futur» comme ce fut le cas pour la Libye. «Nous avons collectivement plongé ce pays depuis des années dans l'anomie sans pouvoir régler la situation» a-t-il ainsi reconnu. Comme le président américain Barack Obama qui fut très critique sur l'intervention de l'Otan en Libye, Emmanuel Macron tente un double message, d'abord de «rassurer» les dirigeants des pays du Sud sur un changement des mentalités occidentales (encore que), ensuite donner à croire à une nouvelle doctrine de la politique étrangère française sur les champs de guerre étrangers. Une tentative qui se heurte à la réalité des faits, au Sahel, en Irak et en Syrie où l'armée française est partie prenante d'un interventionnisme qui n'hésite pas à malmener les codes internationaux. Est-ce à dire que ce qui est valable en Syrie ne l'est pas en Libye? «L'idée qu'on règle la situation d'un pays de façon unilatérale et militaire est fausse», a dit le président Macron devant le Parlement tunisien sans soupçonner qu'il serait entendu sous d'autres latitudes. Le fait est que la Libye reste encore la proie de rivalités multiples et complexes, engageant des appétits de diverses natures et des ingérences latentes de parrains dont on se demande quelles peuvent être les motivations géostratégiques. Le groupe des pays voisins et plus largement l'Union africaine s'emploient, avec la médiation onusienne, à concrétiser la feuille de route selon laquelle des élections libres devront avoir lieu en Libye courant mai 2018. Des obstacles doivent être encore surmontés mais, pour la première fois depuis 2011, un vent d'espoir se lève qui promet enfin une paix que tout le monde guette avec ferveur. Car, une chose est sûre dans cet enjeu, l'échec de la solution libyenne, par-delà ses retombées sur les données du terrorisme et des migrations, entraînera obligatoirement l'échec de la sécurité dans toute la sous-région maghrébine et, peut-être même, au-delà.