Les larges sourires de Pompéo sont des gages de bonne volonté Derrière le théâtre d'ombres, se profilent les vrais enjeux de la visite de Pompéo dans la région. Obsédés par le défi iranien, tout comme Israël, les Etats-Unis cherchent, auprès de leur allié traditionnel saoudien, à construire une nouvelle coalition. La tournée au Moyen- Orient du secrétaire d'Etat américain, Mike Pompéo, avait un double objectif, en fin de compte contradictoire, puisqu'il s'agit d'une part de conforter l'alliance prioritaire avec l'Arabie saoudite, et d'autre part de donner des gages suffisants à un Congrès où démocrates mais aussi républicains maintiennent leur pression au sujet de l'affaire Khashoggi, pour laquelle ils exigent une réelle fermeté. C'est donc un numéro d'équilibriste que l'ancien patron de la CIA était censé réussir alors même que les images de sa précédente visite, le montrant tout sourire et en totale complicité avec le prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salmane, avaient irrité au plus haut point les membres du Congrès. Il faut dire que MBS a beau être protégé par l'enquête saoudienne qui a conclu à un meurtre planifié mais sans que les hauts responsables du royaume n'aient été informés, toujours est-il qu'il cristallise, depuis des mois, une indignation internationale dont on voit mal comment il pourrait se dépêtrer. On attendait avec une certaine curiosité la nouvelle rencontre mais au lieu de celle-ci, il y a eu juste un étrange aparté à l'aéroport de Riyadh entre Pompéo et son ancien collègue, Adel al Jubeir, requalifié, lors d'un récent remaniement ministre d'état aux Affaires étrangères. Est-ce parce que le secrétaire d'état américain devait rebrousser chemin aussitôt, pour des funérailles strictement familiales dont il a été avisé à son arrivée en Arabie saoudite? Cela ne l'a pas empêché de délivrer un message selon lequel Riyadh doit «continuer son enquête sur le meurtre» de Jamal Khashoggi afin que tous «ceux qui sont responsables rendent des comptes», comme l'avait préalablement signifié le département d'état américain. Propos qui s'adressent en premier lieu aux membres du Congrès et qui veulent suggérer que pour l'administration Trump, les déclarations du procureur général saoudien demeurent «insuffisantes», même si le procès des 11 suspects ouvert le 3 janvier dernier a vu le parquet requérir la peine de mort pour cinq d'entre eux. Derrière ce théâtre d'ombres, se profilent les vrais enjeux de la visite de Pompéo dans la région. Obsédés par le défi iranien, tout comme Israël, les états-Unis cherchent auprès de leur allié traditionnel saoudien, à construire une nouvelle coalition telle que le pacte atlantique européen forgé contre l'ancienne superpuissance soviétique, un Otan arabe dont Riyadh serait le pilier assuré et rassurant, auquel viendront se greffer les autres pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), voire des pays tiers comme l'égypte, avec pour mission essentielle de contrer l'ennemi commun qu'est l'Iran chiite. Voilà l'objectif essentiel et voilà la raison pour laquelle les «exigences» de Washington vis-à-vis de Mohamed Ben Salmane ne sont que formelles et ne doivent en aucun cas altérer la démarche qui doit conforter les relations stratégiques entre les états-Unis et l'Arabie saoudite. Mais la grande mobilisation contre l'Iran connaît quelques grincements du fait de la crise entre le vilain petit Qatar et l'Arabie saoudite, derrière laquelle sont rangés nombre de pays, et non des moindres, comme l'égypte et les émirats arabes unis. Quotidiennement, la chaine Al Jazeera s'en donne à coeur joie dans les dénonciations, souvent calomnieuses, des dirigeants saoudiens mais Pompéo a pour mission de mettre fin au plus vite à ce «malentendu» qui hypothèque les efforts américains de mobilisation régionale contre Téhéran, au grand profit de l'état hébreu, très attentif à sa concrétisation. Quant aux autres sujets comme la guerre au Yémen dont le Congrès US exige la fin du soutien à la coalition dirigée par Riyadh ou les achats d'armes obtenus par le président Trump, lors de sa visite très fructueuse en Arabie saoudite en 2017, la mission du secrétaire d'état est de restructurer les engagements, tout en scellant une confiance quelque peu ébranlée, ces derniers mois.