«Le citoyen des temps modernes est livré à son triste sort, le marché échappe à tout contrôle.» «Je ferais mieux d'aller à Tiaret pour acheter le mouton de l'Aïd, compte tenu de l'écart important des prix entre les marchés d'Oran et ceux des Hauts-Plateaux», fulmine Maâmar Selmi en sortant, déçu, du marché des bestiaux à El Karma. Les tarifs appliqués à Oran ont pris une envolée à l'approche de la journée du Sacrifice. 48 heures avant le rituel, le mouton le moins sollicité dans les marchés raisonnables de Hassi Bounif, Hassi Ben Okba, El Karma, Oued Tlélat, Misserghine, Boutelis et Tafraoui, est cédé à 40.000 DA! Qu'en est-il du prix du mouton exigé par les familles oranaises? Telle est la question qui revient comme un leitmotiv dans toutes les bouches. Les appréciations sont multiples tandis que les explications sont variées. Les prix ne sont pas fixes, ils obéissent à la loi de l'offre et de la demande, avance-t-on un peu partout dans les marchés d'Oran. «Ce n'est un secret pour personne, l'offre est mécaniquement accompagnée par la hausse des prix à chacun des rituels, religieux ou autres», a reconnu Mohamed Belkhir, maquignon rencontré à l'entrée du marché d'El Karma. L'aveu fait par le maquignon a été ponctué d'une panoplie d'arguments expliquant les prix «fous» du mouton, appliqués à l'occasion de l'Aïd. A Oran, la tradition n'est pas en reste du pays. Le mouton du Sacrifice doit être cornu, fort, engraissé et tutti quanti et tout cela doit être à un prix raisonnable recherchent-on vainement. «C'est scandaleux, voire plus», déplorent-on tout en hochant les épaules avant d'abdiquer. «Je n'ai pas mille alternatives, j'achète sans rouspéter», a lâché Nassim qui dénonce l'ancrage éternel de la hausse des prix faute de mécanismes et appareils de contrôle. «Le citoyen est livré à son triste sort tandis que le marché échappe à tout contrôle», s'est-il exclamé. Ce n'est un secret pour personne, la mafia du mouton frappe au moment opportun à Oran. «Les prix sont inaccessibles, ils dépassent tout entendement.» Des maquignons, venus de Bougtob, Aflou, Tiaret, Mechria, Naâma, déferlent dans les cités et quartiers d'Oran proposant des moutons de différentes tailles à des prix irraisonnables. Aussi, motivés par les aléas de la conjoncture sociale actuelle, de hauts cadres de l'Etat, entrent pleinement dans la partie en se mettant dans la peau des maquignons. En effet, des maîtres, professeurs et même des cadres d'administration investissent le secteur aux dividendes rapides et palpables. Un camion K66, quelques petits millions de centimes et un engagement moral sont suffisants pour acheminer plusieurs troupeaux des Hauts-Plateaux et les exposer aux abords des routes de la deuxième capitale du pays. Les plus futés optent par contre pour le parcours du combattant en quête d'une petite économie de 5000 DA.