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La fille de l'instituteur
“Nulle part dans la maison de mon père” d'Assia Djebar
Publié dans Liberté le 17 - 03 - 2009

Dans “Nulle part dans la maison de mon père” d'Assia Djebar, il est question de souvenirs, de mémoire et réminiscences. L'écrivaine utilise sa narratrice pour se réconcilier avec son enfance et son père, qui influenceront toute son existence. On comprend la fille à travers le père, et on comprend Assia Djebar à travers ce roman.
Paru d'abord en France aux éditions Fayard, le dernier roman de l'académicienne Assia Djebar, intitulé Nulle part dans la maison de mon père, vient de paraître en Algérie aux éditions Sedia, dans la collection Mosaïque. Salué par la critique en France et qualifié d'autobiographique, dans ce roman, l'écrivaine reconstitue sa mémoire et raconte ses souvenirs d'enfance, d'adolescence et d'adulte. Toutefois, Assia Djebar/la narratrice reste marquée par l'éducation qu'elle a reçue et l'image contradictoire que lui renvoyait son père à chaque fois. Ce père qui prend parfois des allures de bourreau mais qui, parfois, devient libérateur. Dans l'ombre de ce père se construit une petite fille qui subit son destin dans les premières années de sa vie. En effet, dans Eclats d'enfance, la petite fille idéalise son père alors instituteur.
Elle voue une admiration secrète et “œdipienne” à son père, mais entre l'admiration et le traumatisme, il n'y a qu'un fil invisible et il sera franchi dès l'incident de la bicyclette, qui fait prendre conscience à la fille que son père n'est pas aussi libre, aussi émancipé qu'elle le pensait. De “mon père”, la narratrice passe sans crier gare à l'appellation “le père” : c'est donc un passage de la possessivité à la distance.
Dans la seconde partie intitulée Déchirer l'invisible, qui traite de l'adolescence, la narratrice/personnage découvre, à la fois, l'univers féminin fait de commérages et de frustrations, par l'intermédiaire du hammam, et l'univers masculin, qui se résume aux codes, à la distance, à la prudence et à de la pudeur, parfois déplacée. À cette période de sa vie, la fille de l'instituteur quitte son village et son existence naïve et rangée pour l'internat.
Elle se lie d'amitié avec Mag et, ensemble, elles partagent leur passion pour les livres. L'imagination de la narratrice devient fertile grâce aux lectures enfiévrées où chaque livre représente pour elle un être (l'auteur) et un monde (toujours ailleurs). Les yeux de la jeune fille s'ouvrent sur un monde nouveau, et ses trajets entre l'internat et son village font naître en elle un sentiment d'étrangeté, une impression d'être “nulle part dans la maison de (son) père”… de n'être chez elle nulle part. Cette réaction n'est, en fait, que le fruit d'une déchirure profonde liée à son enfance qui la poursuivra jusqu'au jour où elle entamera l'écriture de son roman qui devient ainsi cathartique. Cette réaction est également une sensation de vide intérieur mêlé à de l'incompréhension, qui font que la narratrice ne pense qu'à courir vers la mer. Elle devient donc dans la troisième partie de son écrit “celle qui court vers la mer”, celle qui ne sait plus où elle va… Elle veut partir tout simplement ! Où ? Vers un ailleurs.
La narratrice obtient son baccalauréat, quitte l'internat et emménage avec sa famille à Alger, en attendant de partir… quelque part. Elle vit également à cette période ses premiers émois amoureux puisqu'elle s'amourache de Tarik, un garçon connu par correspondance, qui devient “le fiancé”. Mais Tarik déçoit notre narratrice et le père devient injuste. Ces deux déceptions engendrées par deux hommes qu'elle aime profondément mais qui lui renvoient une image de tyrannie et d'abus, la poussent à commettre l'irréparable !
À travers les 478 pages du roman, Assia Djebar renoue avec ses vieux démons et aspire à faire la paix avec ceux-ci, bien que l'écriture soit sanglante, voire saignante. Cette écriture s'appuie sur un mode cyclique ; elle est enfiévrée. Elle s'apparenterait presque au cycle du paludisme, à savoir une fièvre qui s'empare de la construction des phrases et paragraphes : elle monte et descend… Une sorte d'ascenseur émotif !
Quant au père, largement présent dans le roman, il est à la fois “le” père, “mon” père, le fils, Tahar, l'autorité, le mari, l'instituteur et l'injustice. Malgré la répulsion et le rejet, la narratrice reste très attachée à ce père qui a influencé toute sa vie, parce qu'elle est l'aînée de la famille ; elle est le fils aîné que Tahar n'a jamais eu. En fait, il est étrange de constater que les parents peuvent commettre des erreurs à l'égard de leur premier enfant. Les parents expérimentent le principe de l'éducation sur leur premier enfant, qu'il soit fille ou garçon.
Universelle et écrivaine du monde, Assia Djebar développe, par ailleurs, une réflexion sur la littérature. En effet, elle écrit à la page 158 : “Si la littérature est d'abord passion des mots – à lire, à dire, seulement après, à écrire, pour nous repaître de leur lumière…”
Assia Djebar raconte également son appartenance et son ancrage dans la culture et surtout la langue de ses ancêtres puisqu'elle “avoue” que le dialecte algérien est sa langue de cœur et l'arabe classique, sa langue ancestrale. Elle est à la fois d'ici et d'ailleurs, mais en même temps de nulle part, et ce constat, elle le fera dès l'enfance puisqu'elle écrit à la page 29 de son roman : “(…) Mon oreille d'enfant s'affûtera, surtout pour ne rien oublier de ce monde qui est moi et qui n'est plus tout à fait moi.” Prise entre deux mondes, comme entre deux feux, Assia Djebar se réconcilie par ce roman à la fois avec ses origines, son père et tous ceux qui ont été de passage dans sa vie.
Sara Kharfi
Nulle part dans la maison de mon père d'Assia Djebar, roman, 478 pages,
éditions Sedia (collection Mosaïque), Alger 2009, 1 000 DA)


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