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L'appel à Boudiaf
Publié dans Liberté le 21 - 03 - 2011

Quoi faire ? Il est environ minuit lorsque m'adressant à Belkaïd je lui demande ce qu'il pense d'un appel à Mohamed Boudiaf, pour venir à la rescousse. Il le connaît bien pour avoir durant la guerre d'indépendance, préparé, en décembre 1960, sa tentative d'évasion de la prison de Fresnes en France. à cet effet, ils sont demeurés longtemps en correspondance pour mettre au point les modalités de sortie clandestine, d'acheminement, d'itinéraire et de points de chute éventuels. De plus, il avait milité au PRS, le parti créé par Boudiaf en septembre 1962, à la fin de la crise. Belkaïd souscrit volontiers à cette proposition, soulignant aussitôt qu'il ne s'agissait vraiment pas d'un cadeau. Allait-il l'accepter ?
Pour ma part, les premiers temps de la guerre, j'avais été invité à une réunion à Madrid. J'y ai rencontré Ben Bella, Lamine Debaghine et Boudiaf. Celui-ci me fit d'emblée une forte impression et me demanda de collaborer directement avec lui. Bien entendu, à cette époque, nul ne refusait la proposition d'un chef, surtout que j'avais affaire à un “capitaine des tempêtes”. C'est ainsi que je fis la connaissance de Boudiaf. Quant aux généraux Taright et Touati, ils ne le connaissaient pas, ne l'avaient jamais approché et n'avaient évidemment aucune idée de sa réaction éventuelle. J'explique que “Si Ali” c'était le pseudonyme de Boudiaf à l'époque, il avait été notre responsable à Tétouan. Nos contacts épistolaires se sont poursuivis pendant sa détention, après le détournement de l'avion des “Cinq”, en 1956. Au cours de “L'Eté de la discorde”, nous avions pris la même position et les sentiments réciproques d'amitié ont survécu aux avatars du pays après l'Indépendance. En 1985, il m'avait adressé une longue analyse de notre situation intérieure, révélant, que depuis son lieu d'exil marocain, il en suivait le développement avec attention. Après l'ouverture au pluralisme, comme secrétaire général de la “Conférence des démocrates”, je lui avais rendu visite à Kénitra, l'informant de l'évolution des idées et lui remettais la déclaration du Mouvement. Il manifesta alors de l'intérêt à suivre nos activités. Mais, revenir en Algérie, il n'y pensait pas. “Ben Bella, Aït Ahmed et d'autres exilés sont rentrés, me dit-il. Qu'ont-ils apporté de positif, sauf leurs problèmes, à un pays qui déjà subissait tant d'épreuves ? Des gens de M'sila, venus en délégation, m'ont demandé de rentrer. J'ai décliné l'invitation, comme je m'interdis d'encombrer l'Algérie des embarras que mon retour pourrait susciter”, avait-il ajouté.
Vu l'urgence, j'expose rapidement au “groupe des quatre” les raisons qui justifieraient notre appel, tout en n'omettant pas les motifs d'un probable refus. De toute façon, dans l'impasse où nous sommes, nous décidons de tenter la démarche. Il est presque deux heures du matin lorsque, sans désemparer, nous réveillons Khaled Nezzar pour le tenir informé. Lui non plus ne connaît pas Mohamed Boudiaf, mais il nous fait confiance. Après tout, la tentative n'a rien de fâcheux. Elle se solderait au pire par une fin de non-recevoir polie, qui nous ramènerait à la situation présente. La décision prise, tout va s'accélérer.
Le lendemain, je demande à Nacer Boudiaf, employé au ministère des Droits de l'Homme, de téléphoner à son père pour l'informer, à demi-mots, de ma visite. Le message est transmis : il m'attend. J'appelle à mon tour mes amis marocains, la famille Benmoussa dont le père Si M'hamed, grand militant de la cause algérienne et maghrébine, souffre d'une grave maladie et leur explique mon désir de me rendre à son chevet. Ce sera le prétexte parfaitement crédible de mon voyage. Aussitôt après, le 10 janvier, je m'embarque sur le vol régulier d'Air Algérie n°4012 Alger-Casablanca Je voyage à titre purement privé. Personne n'est dans la confidence. Notre ambassadeur à Rabat n'est pas informé. Seule Mme Benmoussa et sa fille Rajae m'accueillent à l'aéroport Mohammed-V. Aussitôt débarqué, je me rends incognito à Kénitra, dans la voiture des Benmoussa. Ces précautions étant prises, bien entendu, pour assurer la confidentialité de la démarche, sans courir le risque d'en subir les retombées en cas d'échec.
3- Expliquer et convaincre
Boudiaf m'attend pour le déjeuner. La table est mise, mais le cœur n'y est pas. Chacun est inquiet d'en savoir plus. Il se doute, bien sûr, que ma visite n'est pas seulement amicale. Sans plus de civilités, j'expose la situation interne, la démission du Président qui sera rendue publique le lendemain 11 janvier, la vacance de l'Assemblée depuis le 4, le refus du Président du Conseil constitutionnel et, surtout, le sort de l'Algérie qui, après le 16 janvier, va sombrer dans la théocratie totalitaire et risquer la guerre civile. Ce qui n'était certainement pas le vœu des hommes de Novembre.
Mon interlocuteur, craignant pour notre pays, n'imagine pas encore l'ampleur du danger. Il m'écoute longuement, sans m'interrompre, puis se prend la tête entre les mains. Je le vois trembler, en silence, pendant de longues minutes. Il se reprend : “D'abord qui t'envoie ? Qui a décidé ? Qui a réfléchi aux solutions proposées ?” Je le rassure, en précisant que l'Armée, au plus haut niveau, en accord avec le Chef du gouvernement, m'ont chargé de cette mission.
- “Alors, qu'allez-vous faire maintenant ?”
- “L'on a pensé à une direction collégiale de cinq personnes pour assurer la charge de chef d'Etat à la place du Président démissionnaire, jusqu'à la fin du mandat en cours. Le problème est de trouver qui sera le “coordinateur” du collège, ou si tu préfères, le président du comité. “Je suis venu au nom de tous te demander ton aide.”
- “Mais, d'après ce que tu dis, l'armée est unie, solide. Que ses chefs prennent les choses en main sans complexe. Le pays est en danger. Face au péril, qu'ils déclarent publiquement prendre le pouvoir pour restaurer l'ordre et sauver la nation. Qu'ils s'engagent officiellement, devant l'opinion algérienne et mondiale, à restaurer, dans un délai de 2 ou 3 ans, l'autorité civile démocratiquement élue. Dis-leur de faire comme les colonels grecs”.
Je m'efforce, cependant, de le convaincre que si l'armée a eu naguère à jouer ce rôle — et il est bien placé pour le savoir —, les mentalités ont bien changé. Sinon mon déplacement ne se justifiait pas. La discussion se poursuit. Il fait part de son éloignement depuis vingt-huit ans, de son ignorance des problèmes actuels de l'Algérie, de son impréparation, de son embarras enfin. Il hésite entre le non, le oui et le peut-être. Pour ma part, je réponds que son éloignement, ou plutôt son exil de près de trente ans, constitue un énorme “capital”, puisque parmi les “historiques”, il est celui qui, de près ou de loin, n'a jamais participé, ni au pouvoir ni à une opposition armée quelconque. Sur ce plan, il est “pur” et à l'abri de toute critique. Ce “capital moral” amassé hors du pays, devrait aujourd'hui servir à la nation.
Sur ces entrefaites, Mme Boudiaf nous rejoint pour lui rappeler : “Mohamed, tu as toujours dit : je rentrerai seulement, si l'Algérie a besoin de moi. Aujourd'hui, elle t'appelle. Quand vas-tu lui répondre ?”
Il est évident et compréhensible que l'homme ne peut pas prendre une décision sur-le-champ, à partir de Kénitra. En fin de journée, la solution médiane est entrevue : il se rendra secrètement une nuit à Alger, prendra les contacts qu'il jugera utiles, rencontrera ses anciens amis et se fera une opinion sur place. Nous nous quittons sur cette résolution.
4- Le retour du père
De retour à Casablanca, en début de soirée et par code convenu, je rassure à moitié, par un “peut-être”, Mohamed Touati qui attendait impatiemment ma communication. Mission terminée, je reprends dès le matin suivant le vol Casablanca-Alger pour donner de plus amples explications. Il est vrai toutefois qu'après notre entrevue l'un de ses amis l'avait dissuadé “d'aller essuyer les plâtres” et courir à l'échec. Néanmoins, le dimanche soir, il annonce que “le programme est maintenu”. Il accepte donc de venir incognito.
Les autorités marocaines sont saisies en conséquence puisqu'il voyagera en avion spécial de la Présidence, qui se posera nécessairement sur une base militaire proche de Kénitra. Le lundi 13 et pour éviter toute fuite inopportune, je m'envole de l'aéroport militaire de Boufarik en compagnie du général Mohamed Touati et du colonel Smaïl Lamari à destination de Rabat. Après une heure d'escale, notre appareil redécolle en direction de Boufarik avec, à bord, un Mohamed Boudiaf qui va revoir son pays après vingt-neuf années d'exil... Mémorable voyage !
Pour un homme de son âge, survoler la Mitidja riche de ses cultures, parsemée de villes nouvelles, atterrir au milieu de ces nombreux avions militaires soigneusement parqués dont il découvrait avec ravissement les cocardes aux couleurs nationales… Il en a le coeur serré d'émotion et ne peut s'empêcher de m'en faire part. Au pied de la passerelle, le général Khaled Nezzar, est là pour l'accueillir. Immédiatement conduit à Dar Aziza, la villa d'hôte, il recevra tous ceux qui peuvent l'éclairer : hommes politiques, militaires, syndicalistes, anciens amis du PPA et de l'OS. À l'issue d'un repas regroupant quelques hauts responsables, Mohamed Boudiaf donnait nettement l'impression qu'il accepte l'idée du retour aux commandes.
Epuisé, je le quitte après minuit pour rentrer chez moi. Le lendemain mardi, tôt le matin, je le rejoins et dès 9h30, nous décollons à bord du même “Grumann” en direction de Rabat. En cours de vol, il me déclare, anxieux : “L'Algérie est au bord de l'abîme. Pour la sauver, il faudra encore nous sacrifier”. Prémonitoire !… Et il ajoute : “Tu es parmi les cinq n'est-ce pas ?” Je n'allais pas lui répondre : “Armons-nous et partez.” Dès que Boudiaf débarque à Rabat, notre avion reprend aussitôt son vol et, ce même mardi 14, je suis de retour à Alger. Ce retour clandestin d'une nuit s'est fait dans la discrétion la plus absolue. Aucun média ne l'a su… même ma famille a ignoré mes deux déplacements à Kénitra. L'accord de Boudiaf définitivement acquis, l'opération peut dès lors se poursuivre au grand jour.
Ce même 14 janvier, le Haut-Conseil de sécurité proclame l'institution du Haut comité d'Etat (le HCE). Deux jours plus tard, le jeudi 16 au matin, nous allons accueillir officiellement le président Boudiaf qui rentre dans son pays après son long exil. Une délégation importante l'accompagne : Brahim Chibout, ministre des Moudjahidine, les responsables du protocole à la Présidence, les journalistes et divers médias. Considéré déjà Président avant même sa prestation de serment, les autorités marocaines lui rendent lors de son départ les honneurs dus à une telle autorité. La presse internationale est conviée, le salon d'honneur des chefs d'Etat est ouvert. Chacun relève que “l'homme” jouissait déjà d'une grande considération et d'un réel prestige.
Lorsque l'avion spécial d'Air Algérie se pose à l'aéroport international d'Alger, en mettant pied à terre, Mohamed Boudiaf, comme en juillet 1954 avec le “groupe des 22”, marquait d'un acte salvateur indélébile, l'histoire de l'Algérie. Certes toute action n'est légitimée qu'a posteriori par sa réussite. Il en fut ainsi pour la décision des “22”. Mais quelles aient été la durée de sa mission et la tragédie de sa fin, Mohamed Boudiaf nous aura ressuscité l'espérance, épargné la chute dans le chaos avec vraisemblablement la guerre civile, et sauvegardé la République.
L'Histoire rapporte qu'on est allé arracher Cincinnatus à sa charrue pour sauver Rome. Elle retiendra qu'en répondant spontanément à l'appel du pays, “l'exilé de Kénitra” l'aura préservé du désastre par le sacrifice de sa vie.
Voir sur ce point Ali Haroun “La 7e Wilaya” pp. 235 et suivantes
Le 22 octobre 1956, l'armée française en Algérie commettait le premier acte de piraterie aérienne en détournant, dans l'espace international, l'avion marocain qui transportait, de Rabat à Tunis, les responsables du front Aït Ahmed, Ben Bella, Boudiaf, Khider et Lacheraf. Ils demeurèrent en prison jusqu'à la fin de la guerre.
Voir notre ouvrage du même titre - Casbah Editions - 2000.
En sa qualité de ministre de la Défense, il se trouve, dès la démission du président Chadli Bendjedid, chargé en fait de la responsabilité suprême de l'Armée, et en cette semaine de crise, du sort de la nation.
Voir, en annexe, le talon du billet totalement anodin. Document n°11


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