Dès samedi, nos journaux inaugureront des pages “spécial Ramadhan". Il y sera question de la profondeur spirituelle de l'abstinence et de sa dimension didactique. À côté, une page de recettes de cuisine pour repas de rupture du jeûne. Il suffit d'observer la nature du débat que suscite déjà l'imminence du mois de Ramadhan pour deviner de l'audience relative de l'une et de l'autre rubrique. Nous sommes collectivement pris d'une angoisse de l'enchérissement des produits alimentaires et interpellons l'Etat sur la recherche des moyens pour une maîtrise des approvisionnements et des prix et pour contrecarrer l'opportunisme des commerçants spéculateurs. En face, des spéculateurs fourbissent leurs plans d'attaque pour le saint mois des affaires alimentaires. Des commerçants, en fait, car en condition de marché libre, il n'y a pas de différence entre les deux catégories, la loi de l'offre et de la demande jouant de la même manière pour tous. Le Ramadhan s'annonce ; place donc aux voix qui comptent. Pas aux voix de la pieuse sagesse, mais à celle des porte-parole de l'administration du commerce et de ceux de la corporation des marchands de nourriture. Le ministère du Commerce, lui a un... plan pour le contrôle et la répression des “pratiques frauduleuses" ; il a installé des “comités de suivi" et doublé le nombre de contrôleurs ! Les services du commerce avaient peut-être un problème d'effectif mais pas au point de ne pouvoir, par exemple, contraindre les commerçants à afficher les prix ! Les “pratiques illicites", la tromperie sur la marchandise notamment, en termes de qualité, d'hygiène, de calibre et de variété, sont devenues un sport national et sont loin d'être l'apanage du seul commerce informel. Ceux qui vous fourguent la pêche pourrie et les légumes flétris dissimulés derrière un étalage de beaux échantillons ont aussi des registres du commerce en règle. Si l'administration ou le syndicat des commerçants avaient vraiment le respect du consommateur et la volonté d'un minimum de moralisation du marché de détail, ils auraient commencé par le plus simple et le plus urgent, en cette époque d'arnaque systématique : rétablir le service public des poids et mesures ! Il est vrai que le client se rend au marché en victime consentante, conscient qu'il est qu'en l'état de l'organisation du commerce et de la culture de consommation qui rend tant de produits incontournables, le rapport de force est en faveur du vendeur. Surtout en période de Ramadhan où le contenu du panier est dicté par le mimétisme qui nous impose la composition de notre menu quotidien jusqu'à la dernière de ses futilités. Alors, ce client qui se livre, impuissant, à son saigneur, se retourne vers l'Etat qui le rassure : des mesures ont été prises pour importer, congeler, contrôler, etc. ! Et l'Union des commerçants vient à la rescousse : les commerçants sont instruits de ne pas vendre cher ; ceux qui vendent cher, c'est... les autres. Mais, ulach smah ulach... Le débat continue : comment un Etat qui nous a assuré l'immuabilité du prix du sucre et de l'huile, après celui du pain et du lait ne peut-il pas imposer la disponibilité et un prix fixe de la viande, de la courgette et de la tomate ? Etc. Sacré mois voué à l'élévation des esprits, mais que la réalité socioculturelle rabaisse à une opportunité de débat sur la question du commerce alimentaire de... détail. M. H. [email protected]