Des étudiants de Chlef ont été transportés par bus pour entonner des slogans favorables au quatrième mandat, lors du passage du Premier ministre dans leur ville. Après le départ de la délégation gouvernementale, ils se sont rapprochés des journalistes pour dénoncer la gestion des œuvres universitaires dans leur campus. Or, ce mécontentement ne se lisait point dans leurs slogans et ne se voyait surtout pas dans leur enthousiasme conservateur. Si nos universitaires ne voient pas de lien entre leur condition sociale d'étudiants et la gestion du pays par le régime, l'on comprend d'autant mieux qu'ils ne puissent pas se rappeler que Bouteflika avait, dans son discours de campagne du 31 mars 2009, déclaré, toujours à Chlef, que "la région a connu de graves problèmes avec la Révolution dont les ombres se sont prolongées après l'Indépendance". Cette attitude paradoxale, qui n'est propre ni à une catégorie de population ni à une zone géographique, fait que le soutien au régime n'a pas besoin de justification politique. Elle constitue, pour le régime, sa plus sûre garantie de pérennité. Les Algériens en sont peut-être là : ils n'arrivent plus à concevoir mentalement le changement. C'est "un pays malheureux", comme formulé dans un message de l'ambassade des Etats-Unis à Alger repris par WikiLeaks, mais qui ne veut pas changer sa condition. Il est comme victime du syndrome de Stockholm, version sociologique. Le pouvoir l'a compris. Avec un bilan catastrophique, et sans l'ombre d'une perspective, il fait campagne, juste en racontant des blagues. La classe politique parasite, elle aussi, l'a compris. Sans légitimité, sans troupes, sans projet, mais seulement parés d'un sigle et du seing de l'administration, des "partis" se font entendre dans un concert de surenchère significative de la futilité de ce qui, dans notre pays, tient lieu de vie politique. L'autre jour, à Oran, le chef d'un certain parti, El-Karama, décrétait que "ceux qui s'opposent à la candidature de M. Abdelaziz Bouteflika à la prochaine élection présidentielle exercent la politique d'exclusion". Puis, se demandait avec une naïveté feinte : "De quel droit et dans quels cadre ou loi, ils appellent à la non-candidature de telle ou telle personne ?" Le viol du principe d'alternance, la fraude, l'usage clanique et autoritaire des institutions et des moyens de l'Etat, cela ne vous dit rien, Monsieur ? Et qui exclut qui, comme dirait l'autre ? Bientôt, le simple appel au quatrième mandat ne sera plus qu'un engagement à minima. Sellal, Saâdani, Bensalah, Ghoul, Benyounès... devront faire un effort d'imagination pour trouver des formules visant à rattacher plus durablement et plus efficacement le destin du pays à celui de Bouteflika. La Coordination nationale des enfants de chouhada vient de relancer les enchères, avant-hier, en exhortant le Président à se porter candidat pour un quatrième mandat ou... pour un mandat à vie. Maintenant que l'ordre règne et qu'il n'y a plus de contestation du quatrième mandat, un autre problème se pose : les limites de cette fuite éperdue vers le pire. Le système autocratique commence à s'emballer dans une surenchère en cercle vicieux. Le danger est que, faute de remparts, c'est au pouvoir seul de se fixer les limites de l'escalade despotique. Mais, ivre de sa toute-puissance, il ne semble pas voir le pays partir en vrille. M. H. [email protected] Nom Adresse email