Sa popularité, le maréchal al-Sissi la doit à la lassitude de la grande majorité des Egyptiens par trois années de chaos post-révolutionnaire aggravées par une année de gestion erratique par les islamistes de la confrérie des Frères musulmans. Le maréchal-président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a prêté serment hier devant la Haute cour constitutionnelle, avant de déjeuner avec ses hôtes d'honneur issus de 46 pays ou organisations internationales et régionales et de donner dans la soirée une fête au palais présidentiel en présence de 800 invités représentant les différentes composantes de la société égyptienne. Il a essayé durant toute la journée de peaufiner sa nouvelle image de civil affable. Il n'est pas certain cependant que cette image d'Epinal ait effacé celle du militaire autoritaire qu'il a été depuis qu'il avait renversé son prédécesseur, l'islamiste Mohamed Morsi. Certes, il a été élu fin mai mais, sans coup férir, avec un score brejnévien (96,9%). Après avoir littéralement éliminé de l'échiquier politique toute opposition, islamiste puis libérale et laïque, il a imposé un véritable culte de la personnalité, avertissant ses concitoyens que l'Egypte ne sera pas prête pour la vraie démocratie avant 20 ou 25 ans ! En 11 mois de gouvernement intérimaire, dirigé de facto par l'armée, plus de 1 400 manifestants pro-Morsi ont été tués et plus de 15 000 autres emprisonnés, mais pour nombre d'Egyptiens, al-Sissi est l'homme à poigne dont a besoin le pays pour retrouver la stabilité et la prospérité. Premier défi pour le maréchal-président : l'éradication des terroristes, sa priorité. L'Egypte a connu une vague d'attentats meurtriers depuis la destitution en juillet 2013 du président Frère musulman. Par ailleurs, ses partisans continuent à manifester violemment, notamment dans les universités. Mais il y a aussi la criminalité qui a explosé : les assassinats ont doublé et les vols à main armée ont décuplé en trois ans. Ceux qui en souffrent le plus sont les milieux défavorisés déjà ravagés par le chômage. Trois ans après une révolte populaire réclamant la justice sociale et la dignité, les Egyptiens savent qu'ils devront sacrifier les libertés acquises et leurs aspirations démocratiques. Al-Sissi n'a pas arrêté de leur asséner que parler de libertés ne doit pas primer sur la sécurité nationale et le redressement de l'économie en ruine. La crise économique est l'autre défi pressant auquel devra faire face le nouveau raïs. La croissance économique stagne autour des 2%, soit presque autant que la croissance démographique. Les investissements étrangers sont au point mort tandis que le tourisme, qui était la locomotive de l'économie, a perdu les quatre cinquièmes de son énergie. Ses revenus ont été divisés par deux depuis le début de la crise alors qu'il emploie quatre millions de personnes. Sans compter les pannes de courant qui frappent quotidiennement toute l'Egypte. Son gouvernement post islamiste aura aussi fort à faire pour lutter contre la pauvreté. En Egypte, 34 millions de personnes vivent avec, tout au plus, 2 dollars par jour. Les attentes de la population en matière de limitation de la hausse des prix, l'inflation est de 12%, et de lutte contre le chômage sont fortes. 4 jeunes sur 10 entre 20 à 25 ans sont sans emplois. Le chômage des jeunes a augmenté depuis le soulèvement contre l'ex-président Hosni Moubarak. La dette publique extérieure et intérieure explose et les réserves de change fondent. Pour rester à flot, l'Egypte peut compter provisoirement sur l'aide de cinq milliards de dollars de l'Arabie Saoudite et les sept milliards de dollars des Emirats arabes unis et du Koweït. Par ailleurs, le FMI est prêt à reprendre les discussions interrompues sur l'octroi d'une aide de près de cinq milliards de dollars. Al-Sissi a donc de quoi démarrer sa mandature, pour le moment. D. B Nom Adresse email