Que reste-t-il du “monde arabe� ?

Au commencement, était la civilisation musulmane. Parvenue jusqu’aux rives de l’Atlantique, à l’Ouest, elle y déposa les éléments de science et de culture qu’on sait, avant de refluer, appauvrie par des siècles de jouissances et de stagnation.
Pour isoler le maillon faible de l’empire décadent, l’Occident inventa “le monde arabe�. L’Angleterre lança quelques tribus sur “la voie royale� et la France inspira ses Républiques. Cela fait plus d’un demi-siècle que cet ensemble de caricatures des anciens régimes “protecteurs� tiennent en équilibre dans une ligue qui leur assure une survie solidaire. Ils tiennent en réseau et, le jour venu, tomberont en logo.
Aux premiers soubresauts de l’un, les autres l’isolent instinctivement. L’Algérie, à la croisée des chemins, était finie : sa frontière fermée à l’Ouest et ses ressortissants indésirables à l’est. Aujourd’hui que l’islamisme belliqueux y est vaincu et que la tentative démocratique y est étouffée, elle redevient fréquentable.
La Palestine, on la voulait sans identité multipartite. Et maintenant que l’islamisme révolutionnaire y a pris racine, on n’en veut toujours pas. Elle est bien là où elle est, dans sa fonction d’argument victimaire des Arabes.
L’Irak était un pays “frère�, même avec le génocidaire Saddam. Mais l’Irak est un pays voyou, avec ou sans Saddam, si la solidarité arabe doit réveiller les velléités interventionnistes des puissances anglo-saxonnes.
Le report in-extremis du sommet arabe de mars à Tunis a marqué le début de la fin d’un monde arabe, connu comme entité de régimes solidaires dont l’unité reposait sur une identité arbitrairement imposée à des nations dont les ramifications civilisationnelles renvoient à des profondeurs qui dépassent de très loin l’ère islamique. L’aspect totalitaire de l’arabité idéologique en fait, en effet, plus qu’un repère, une sacralité.
Cela ne tient que le temps que tient un tabou. Depuis Tunis, l’Égypte est contestée, de manière à peine discrète, par le Maghreb, dans son leadership symbolisé par le secrétariat général de la ligue qu’elle monopolise depuis sa création. Les “fugues� africaine, berbériste de Kadhafi illustrent, même de façon insolite, le déclin de cette unité.
Mais avec le projet de Grand Moyen-Orient, c’est la nature des régimes arabes qui est en appel devant le grand certificateur de la démocratie. Le projet de Bush, ralenti par les révélations sur la pratique de la torture dans les prisons d’Irak, a mis en cause le rôle générateur des systèmes politiques arabes, dont le phénomène terroriste. Devant la menace, chacun semble adopter sa riposte en fonction des chances qu’il a de passer le test politique américain.
Ce qui explique que le sommet de ligue, finalement tenu, se soit terminé en queue de poisson, malgré les déclarations rassurantes de certaines délégations.
Ce qui explique aussi que notre président ait, précipitamment, quitté Tunis pour aller entretenir un projet de rechange. Le Nepad sera diplomatiquement bien utile si le sommet d’Alger est, d’ores et déjà , passablement compromis.
M. H.