Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (Cncppdh) a surpris plus d'un, par les propos qu'il a tenus, hier matin, à la radio Chaîne III, sur la peine de mort. En effet, maître Farouk Ksentini a tenté de justifier la non-abrogation de la peine de mort en Algérie en se référant, pour la première fois, à la religion musulmane. Selon lui, même si l'opinion publique "dans sa grande majorité est contre la peine de mort", celle-ci doit être maintenue pour certains cas, ceux des homicides volontaires, afin de "satisfaire aux vœux des croyants, vis-à-vis d'une disposition coranique, à laquelle il est hors de question de déroger". Me Ksentini a-t-il cédé aux "pressions" des islamistes ou s'est-il aligné tout simplement sur les "thèses officielles", des thèses qualifiées de "favorables" à la mouvance islamiste ? La question s'impose dès lors que cet avocat a longtemps affirmé être pour la suppression de cette peine dont l'application est suspendue déjà depuis 1993. Il y a à peine quelques années, Farouk Ksentini avait soutenu à l'adresse des islamistes du MSP et de l'Association algérienne des oulémas musulmans qu'il respectait leurs convictions, en restant ferme, quant à l'élaboration d'une loi portant abrogation de la peine de mort à soumettre, par la suite, à un référendum populaire. Il avait même observé que cette abolition "n'est pas en contradiction avec la charia", qu'il fallait "juste avoir le courage", en arguant qu'il était grand temps de se "débarrasser" d'une chose qui ne s'appliquait pas depuis 1993. Pendant longtemps, le responsable de la Cncppdh avait défendu l'idée selon laquelle l'Algérie, seul pays arabe à avoir ratifié la Convention internationale relative à l'abolition de cette peine, "devrait suivre, dans ce sens, les pays avancés". L'an dernier, le discours de Me Ksentini a connu quelques changements, notamment à la suite de l'enlèvement d'enfants assassinés par leurs kidnappeurs. Tout en se défendant d'être pour l'abolition de la peine de mort, il s'était prononcé pour la condamnation à la peine capitale "de façon exceptionnelle" à l'encontre de ces tueurs d'enfants, en précisant que "le juge est la seule personne habilitée à décider d'infliger cette sanction capitale". La sortie de "Monsieur droits de l'Homme" intervient la veille d'une rencontre qui débattra, aujourd'hui, à Alger, de l'abrogation ou non de la peine de mort, dans notre pays. En fait, ce débat est initié "à la demande" du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies. Un Conseil qui, en juin dernier, a adopté une résolution demandant de "protéger les droits des personnes passibles de la peine de mort" et de l'interdire "pour les moins de 18 ans", et invitant les Etats qui ne l'ont pas fait, dont l'Algérie, à "adhérer au deuxième protocole facultatif se rapportant au pacte international sur les droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort". Par ailleurs, les déclarations de Farouk Ksentini surviennent un mois après l'appel des "abolitionnistes" algériens. À l'occasion de la journée internationale contre la peine de mort, des personnalités et des organisations de défense des droits de l'Homme et des associations, dont la Laddh, la Ladh, RAJ, SOS disparus-CFDA, le Réseau des avocats de défense des droits de l'Homme et le Réseau Wassila, ont interpellé les autorités du pays sur la nécessité d'abolir la peine capitale. Dans leur appel, ces derniers relèvent, entre autres, qu'"aucune autorité publique, aussi légitime soit-elle, n'est moralement fondée à interdire à ses citoyens de tuer tout en s'arrogeant, pour elle-même, le droit d'infliger la mort". H. A.