Cachez-moi ces journalistes que je ne saurais voir... Telle a été la réaction incongrue du ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh, aux journalistes de Bouira, ayant observé, hier, un sit-in de soutien au Groupe El Khabar. En effet, et selon les dires d'un officier de police, c'est le ministre lui-même qui a ordonné d'interdire l'action de solidarité initiée par un groupe de journalistes et correspondants de presse de la wilaya. En effet, le ministre de la Justice, qui était, hier, en visite de travail à Bouira, n'a, sans doute, pas digéré le fait que les médias, du moins ceux ayant une certaine crédibilité, soient solidaires avec leurs confères d'El Khabar et, de fait, reléguer sa visite au second plan. Pire, le ministre a eu la "lumineuse" idée d'interdire tout bonnement le rassemblement des journalistes, car les services de police, qui ont été informés la veille de ladite action, n'ont, à aucun moment, émis la moindre réserve. Ce n'est que vers 10h30 et qu'après que le ministre a eu vent de ce rassemblement que les forces de l'ordre ont quadrillé la vingtaine de journalistes présents, en les empêchant de déployer leurs banderoles et brandir leurs pancartes. Vers 11h, deux fourgons de CRS ont été dépêchés sur les lieux du rassemblement, dans le but d'encercler, non pas des émeutiers, mais... de simples journalistes. Malgré cela, les journalistes ont refusé de quitter les lieux. "Nous sommes venus avec des pancartes où il est inscrit : ‘Nous n'abdiquerons pas'. Donc, nous allons rester ici pour prouver à M. Louh que malgré son instruction aux services de police, nous resterons debout, et que l'opinion publique soit témoin", dira l'un des initiateurs de cette action. Certains agents de police ont confié avoir reçu des instructions "strictes" directement de Tayeb Louh, afin de disperser les manifestants. Certains agents de l'ordre, particulièrement zélés, iront jusqu'à pratiquer une fouille corporelle de certains correspondants de presse. Des intimidations honteuses et intolérables à l'égard d'une corporation qui a tant donné pour l'Algérie durant les années de braise. Dans le même registre, certains journalistes ont failli être embarqués par les forces de l'ordre parce qu'ils ont "osé" demander des explications sur cette soudaine interdiction. Ce qui s'est passé, hier, à Bouira, ne peut être interprété que comme une énième atteinte à la liberté d'expression et une volonté à peine voilée des autorités de vouloir museler la presse. Le wali de Bouira, Nacer Maskri, n'est pas exempt de tous reproches dans cette affaire. Par son mutisme, il est également "coupable", au même titre que Tayeb Louh, de vouloir mettre la presse au pas. Bien évidemment, la corporation journalistique à Bouira, dans sa quasi-majorité, a décidé de boycotter la visite du ministre pour lui signifier que, contrairement à ce qu'il pourrait croire, les journalistes et correspondants de presse ont encore une dignité que personne ne pourra bafouer. R. B.