Mort dans le silence absolu ; en 2015 ? Ni le mois ni le jour de son départ ne sont connus, sans précision aucune ! Dans son testament, l'écrivain syrien Hanna Mineh a demandé à sa famille que sa mort soit loin de tout tapage médiatique, loin de toute lumière. Dans un beau pays dévoré par la guerre aveugle, la Syrie, il est mort. La guerre hurle, et il a été enterré en paix ! Les grands écrivains, à l'image de Hanna Mineh, ressemblent aux oiseaux préférant mourir en se cachant. Il a aimé partir sur la pointe des pieds, afin de ne déranger personne, lui qui faisait du bruit partout où il passait. Grand par sa petite taille, par sa cigarette au bec, son élégance, et ses paroles. Lui, Hanna Mineh, qui a essayé tous les petits boulots, aimait la vie ouverte sur les aventures, qui, à leur tour, se sont ouvertes sur l'écriture. Il fut barbier ou coiffeur, qu'importe ! Porteur de paniers ou de couffins sur les ports, docker comme le petit Omar dans la trilogie de Mohammed Dib. D'ailleurs, petit Omar n'est que l'image romancée de Mohammed Dib-lui-même, porteur de couffins pour les petits colons. Il a travaillé en tant que docker et en tant que marin. Mohammed Dib fut également dessinateur de tapis ! Il a réparé des vélos et fut vulcanisateur ! Il a aussi assuré des gardes d'enfants ! Il fut employé d'une pharmacie, journaliste, fonctionnaire dans le secteur public, conseiller au ministère de la Culture, et enfin romancier ! Il est connu, dans la littérature arabe contemporaine, comme l'écrivain arabe de la mer. L'enfant de la ville méditerranéenne de Lattaquié est enraciné dans la vie multicolore des pêcheurs, vents et marées. Beaucoup de ses romans tournent autour des marins et de la mer. El Yater est l'un de ses meilleurs romans sur le sujet. Son roman Soleil en instance (Achchmssou fi yawmin ghaim) a été traduit par Abdellatif Laabi (lauréat de prix Goncourt de poésie), Editions Silex, Paris, 1986. Hanna Mineh fut l'écrivain de la vie en éclats. Plein d'énergie et de poésie. Il fut aussi un fêtard ! Il a traversé ses jours en mordant à pleines dents dans la pomme de la vie. Un jour, une jeune débutante écrivaine est venue à la rencontre de ce célèbre écrivain et romancier. Il l'a reçue. Il l'a écoutée. La jeune écrivaine a proposé à Hanna Mineh de lui lire son manuscrit. Elle venait de terminer l'écriture de son premier roman. Tenant le manuscrit entre ses mains, Hanna Mineh a demandé à la jeune écrivaine : avez-vous voyagé loin de votre ville ou village ? La jeune a répondu : Non ! Avez-vous aimé un homme? La jeune a répondu : Non ! Avez-vous bu une bière ? La jeune a répondu : Non ! Avez-vous travaillé dans un bar ou dans un café ? La jeune a répondu par la négation. Avez-vous commis quelques bêtises de jeunesse, de petites folies ? La jeune a répondu : Non ! Hana Mineh a invité la jeune écrivaine à prendre une tasse de café ! Puis, tout en méditant sur son passé, sur son train de vie plein d'aventures et de petits boulots, avec respect et hésitation, il demanda à la jeune écrivaine de reprendre son manuscrit, avant même de le lire. En lui disant : - Et voilà ma chère ! L'écrivaine ou l'écrivain qui ne tombe pas amoureux, qui ne faute point, qui ne voyage pas, n'arrivera jamais à écrire un roman ou un poème. L'écriture, c'est aussi la vie ma chère ! A. Z. [email protected]