L'hémicycle Aïssat-Rabah, de l'APW de Tizi Ouzou, a abrité durant deux jours (13 et 14 novembre) un colloque sur les travaux de "Pierre Bourdieu et la société kabyle". Cet événement a été organisé par l'APW, en partenariat avec le laboratoire de recherche du département des langues et cultures étrangères de l'université Mouloud-Mammeri et l'association Le Défi d'Irjen. Le coup d'envoi de ce colloque a été donné, dimanche dernier, après une minute de silence à la mémoire de Malek Chebel, anthropologue et spécialiste de l'islam, décédé samedi dernier à Paris. D'emblée, Mohand Akli Rezzik, représentant du laboratoire de recherche au département des langues et cultures étrangères de l'université Mouloud-Mammeri affirmera que "ce colloque s'inscrit dans la lignée des préoccupations de notre laboratoire. Nous sommes ici pour évoquer Pierre Bourdieu qui a réalisé de nombreux travaux de recherche en langue française sur notre culture. Et tout cela pour dire en fait que cette même culture n'est plus étrangère". et d'ajouter : "Ce qui nous a surtout intéressé chez Bourdieu, c'est son côté pluridisciplinaire, notamment les humanités, ainsi que son parcours dans sa société et son quotidien. Nous pensons qu'il a essayé de zoomer son approche sur la société kabyle, et ce, en étudiant la société algérienne d'une manière générale." Il a pris cet échantillon pour mettre en place les fondements de sa théorie philosophique qui est actuellement traduite dans le monde entier. Indéniablement, le début du XXe siècle reconnaît sur le plan académique la notoriété de Bourdieu dans les espaces philosophiques internationaux, notamment dans le monde anglo-saxon. L'orateur a, entre autres, rappelé "la nécessité pour tout laboratoire scientifique de sortir de l'enceinte de l'université et d'aller à la rencontre de la société civile et du grand public, car nous considérons qu'une école qui ne se soucie pas du quotidien social et des problèmes sociétaux est appelée à disparaître", dit-il tout en enchaînant : "Nous devons concilier la culture vécue avec la culture savante." Intervenant à ce colloque, Mme Nadia Naar-Gada, maître de conférences au département anglais de Tizi Ouzou, a animé une communication intitulée "Comprendre la pensée de Pierre Bourdieu à travers le texte de Feraoun". Les deux auteurs ont, selon l'oratrice, une vision panoramique de cette société traditionnelle mais fermée sur elle-même. "En outre, la solidarité, la bravoure et la dignité constituent les principes fondamentaux de la société kabyle. La force physique, le courage, l'honneur et l'économie solidaire sont aussi observés. La paix est imposée dans le travail bien rythmé, en commun ou en solidarité avec les autres, et dont la richesse amassée est ensuite redistribuée dans le respect mutuel et la générosité réciproque. Mais avec l'avènement de la colonisation, un profond bouleversement sera opéré sur l'organisation sociale de la Kabylie", a-t-elle indiqué. Pour Mme Gada, l'étude comparative entre l'œuvre de Mouloud Feraoun et les études sur le terrain de Pierre Bourdieu ont permis, toutefois, de découvrir un monde fortement structuré et un espace commun centré sur la personne, qui est considérée comme membre du groupe où la coutume garantit à chacun sa place. Cet espace est à la fois polyvalent et compartimenté, géré selon les critères de l'âge et du genre. Les travaux de ce colloque ont pris fin hier, il est cependant regrettable qu'un tel rendez-vous socioculturel axé sur les travaux d'un grand penseur et un éminent sociologue de l'envergure de Pierre Bourdieu n'ait pas drainé le grand public puisque les travaux de la première journée se sont déroulés dans un hémicycle à moitié vide ! K. Tighilt