La poursuite de nombreux conflits armés de longue date en 2017 était l'une des causes profondes de la migration, du déplacement et de la faim. Le rapport présenté à la 54e Conférence de Munich sur la sécurité, dont les travaux se sont achevés hier soir, a averti sur les dangers qui guettent le continent africain et menacent la sécurité de plusieurs pays, en l'absence d'un modèle de gouvernance axé sur la prise en charge des préoccupations socioéconomiques de la jeunesse et le respect de la volonté populaire dans le choix des leurs dirigeants. "Une gouvernance faible ou arbitraire exacerbe le potentiel d'extrémisme et de violence", lit-on dans "Munich Security Rapport 2018" résumé en 88 pages. "L'année dernière seulement, plusieurs Etats africains, grands et petits, ont connu une répression politique accrue, une extension inconstitutionnelle des limites de mandats et des crises sur la conduite des élections. Dans le passé, les transferts ordonnés de pouvoir ont été trop rares", souligne le document mis en ligne par les organisateurs de cette 54e conférence, citant comme exemple le coup d'Etat mené contre l'ancien président zimbabwéen Robert Mugabe en novembre 2017. "Le coup d'Etat mené contre Robert Mugabe, en novembre dernier, a marqué la fin d'un régime autoritaire de longue date, mais il laissait peu d'espoir d'un glissement vers la démocratisation", rappelle le rapport, en référence aux changements de régime en Afrique, où le processus de démocratisation demeure un vœu pieux dans la majeure partie du continent, où les dictatures militaires arrivent à survivre et à reprendre leur place, malgré la chute de leurs leaders. "Dans certaines parties du continent, la gouvernance semble aller dans la mauvaise direction à un moment critique, soulevant la question de savoir si les dirigeants régionaux du continent – sans parler des Etats fragiles – auront la capacité politique et les ressources financières pour faire face à leurs crises actuelles et relever le défi à long terme", s'interrogent les rédacteurs du rapport qui ont alerté sur la nécessité de prise en charge de la jeunesse du continent en toute urgence. "Il n'est pas étonnant que la jeunesse africaine – nos atouts – prenne des risques énormes en migrant vers l'Europe. [...] Nous devons créer de plus grandes opportunités économiques pour nos jeunes à la maison", avait déclaré le président de la Banque africaine pour le développement (BAD), Akinwumi Adesina. "Si les pays africains ne parviennent pas à le faire pour les quelque 20 millions de jeunes qui entrent chaque année sur le marché du travail – une population de jeunes avec un emploi rémunéré et une voix politique – cela pourrait bien entraîner des troubles et une déstabilisation généralisés au lieu de stimuler la productivité", alertent les enquêteurs chargés de la rédaction de ce texte, dans lequel la politique migratoire européenne est pointée du doigt. "La poursuite en 2017 de nombreux conflits armés de longue date était l'une des causes profondes de la migration, du déplacement et de la faim", note-t-on encore, rappelant que "dans le nord-est du Nigeria, des régions reculées ont été ravagées par l'insurrection de Boko Haram. Au Soudan du Sud, la guerre civile et l'hyperinflation ont conduit à des niveaux extrêmes d'insécurité alimentaire. En Somalie, des sécheresses consécutives ont été exacerbées par les actions du groupe djihadiste Al Shabab". Et d'expliquer que "malgré une aide alimentaire de 3,2 milliards USD fournie par l'ONU, les trois zones resteront menacées de famine en 2018". Tout en estimant que "la création de la force interarmées du G5 Sahel montre que la dynamique de consolidation des conflits se renforce", cela demeure insuffisant pour juguler la menace terroriste et lutter contre l'instabilité politique et sécuritaire. "De telles initiatives ne peuvent remplacer les stratégies régionales manquantes sur le plan politique et diplomatique." Lyès Menacer