Services financiers et couverture bancaire: des "résultats encourageants" pour l'Algérie    Championnat d'Afrique des clubs de Handball : les Angolaises de Petro Atletico battent Al Ahly d'Egypte et filent en finale    Championnats d'Afrique individuels de judo : l'Algérie décroche trois médailles, dont une en or    Bendjama au Conseil de sécurité : le groupe des A3+ "préoccupé" par la situation en Syrie    La Réunion consultative entre les dirigeants de l'Algérie, de la Tunisie et de la Libye, une "réussite"    Pêche : le dossier de réouverture de l'exploitation du corail rouge en Algérie en bonne voie    Agrément du nouvel ambassadeur d'Algérie en Gambie    Chanegriha préside la 17ème session du Conseil d'orientation de l'Ecole supérieure de Guerre    Oran: ouverture du premier Salon dentaire MDEX avec la participation de 15 exposants    Hadj 2024 : dernier délai pour la délivrance des visas fixé au 29 avril    Les lauréats du 1er concours national sur l'éducation environnementale distingués    Le président de la République reçoit le président de la Chambre des communes du Canada    Boughali reçoit le président de la Chambre canadienne des communes    Agression sioniste: l'UNRWA épine dorsale de l'acheminement de l'aide humanitaire à Ghaza    Coupe d'Algérie - Demi-finale: le CRB élimine l'USMA aux tirs aux but (3-1) et rejoint le MCA en finale    Le Festival du film méditerranéen d'Annaba, une empreinte prestigieuse sur la scène culturelle    Arkab examine avec le président du Conseil d'administration de "Baladna" les opportunités de coopération dans secteur de l'énergie    Chanegriha impitoyable à la préparation au combat    Le ministère de la Culture annonce le programme des foires nationales du livre    Ali Aoun inaugure une usine de fabrication de pièces automobiles et une unité de production de batteries    Le Bureau Fédéral de la FAF apporte son soutien à l'USMA    Son nom fait «trembler» le foot du Roi    Coupe d'Algérie : Le MCA écarte le CSC et va en finale    Transformer le théâtre universitaire en un produit commercialisable    Le Président chilien Gabriel Boric a qualifié la guerre israélienne de « barbare »    Les autorités d'occupation ferment la mosquée Ibrahimi aux musulmans    Le directeur général des forêts en visite d'inspection    Trois membres d'une même famille assassinés    Dahleb donne le coup d'envoi d'une campagne de reboisement au Parc de Oued Smar    Les autorités d'occupation ferment la mosquée Ibrahimi aux musulmans    Ooredoo expose ses offres et solutions innovantes    Les médias conviés à une visite guidée du Centre de formation des troupes spéciales    L'Algérie participe à la 38e édition    Principales étapes de la résistance des Touaregs    La psychose anti-islamique obéit aux mêmes desseins que la hantise antibolchevique    Le ministre de la Justice insiste sur la fourniture de services de qualité aux citoyens    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80        L'ORDRE INTERNATIONAL OU CE MECANISME DE DOMINATION PERVERSE DES PEUPLES ?    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    El Tarf: Des agriculteurs demandent l'aménagement de pistes    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Moufdi Zakaria, le poétique et le très politique
chantre de l'indépendance et barde de la dissidence
Publié dans Liberté le 27 - 08 - 2020

L'on retient souvent l'œuvre poétique de l'enfant de Beni Isguen au détriment de son rôle dans la Révolution et dans l'Etoile nord-africaine ; au Parti du peuple algérien et au FLN aux côtés d'Abane Ramdane. Mais sa pensée "libérale" et sa dénonciation d'une mal-gouvernance, affichés ouvertement, auront un prix. Il sera "banni", car ses idéaux étaient jugés incompatibles avec la direction politique que prenait le pays. Même exilé, le chantre de l'Algérie décolonisée reste préoccupé par sa situation sociopolitique, jusqu'à sa mort en exil en 1977.
Quarante-trois ans depuis la disparition de chantre de la libération, le souvenir de son combat reste encore vivace. Sa verve, sa personnalité, ses convictions patriotiques et son hymne, écrit au plus fort de la guerre en 1955, méritent qu'on s'y attarde, car bien trop souvent ignorés ou minimisés selon les tendances politiques du moment. Moufdi Zakaria, l'enfant de Beni Iseguen à Ghardaïa, aura été l'homme présent sur tous les fronts.
Erudit, poète, militant de la cause nationale et Mozabite, écrivain, journaliste, moudjahid, patriote... autant de casquettes qu'il mettait au service d'une seule cause, celle de sa vie : l'Algérie. Baigné dès son plus jeune âge dans un environnement militant, Moufdi Zakaria, de son vrai nom Slimane Ben Yahia Cheikh el Hadj Slimane ben Hadj Aïssa, acquiert très tôt une conscience politique à dimension nationale et maghrébine aux côtés de son oncle Salah Ben Yahia Cheikh, lorsqu'il est envoyé poursuivre ses études dans le cadre de la Mission mozabite à Tunis.
Son oncle était par ailleurs l'un des fondateurs du premier Destour tunisien, parti politique fondé en 1920 dont l'assise était de libérer la Tunisie du protectorat français. Ainsi, cette relation sans ambages avec l'occupant connaît ses prémices à l'âge de neuf ou dix ans en Tunisie.
Il n'en demeure pas moins que, même loin de sa terre natale, les contours de son idéologie commencent à se dessiner. En 1925, âgé alors seulement de dix-sept ans, il affiche ouvertement ses positions au sein de l'Association des étudiants musulmans de l'Afrique du Nord.
C'est à cette période que ses relents poétiques et son idéologie se conjuguent et donnent lieu au poème de soixante-quatre vers intitulé Aux gens du Rif, dédié aux habitants de cette région berbérophone marocaine lors du soulèvement de 1925 mené par Abdelkrim El-Khattabi contre l'occupation franco-espagnole.
Le jeune poète rendra hommage au peuple et uniquement au peuple. Même si l'insurrection fut menée par le glorieux Rifain, c'est surtout aux hommes, aux femmes et aux enfants de cette terre voisine meurtrie qu'il pense en écrivant impétueusement ses vers.
Publiés par la presse tunisienne de l'époque, sa poésie enflammée le fait connaître du public maghrébin, et la cause rifaine acquiert un cachet politico-littéraire dans le Maghreb et au-delà. Il le déclame sur la tribune du Destour et se fait emprisonner une quinzaine de jours pour cette "arme" qui commence à préoccuper l'occupant : sa plume.
Sa pugnacité et sa conscience politique précoces avaient forgé en lui une forte personnalité marquée par une détermination qui l'a prédestiné à être un acteur de premier rang sur le plan tant du militantisme au sein du mouvement national que de la créativité culturelle engagée et notamment poétique, dira Chérif Kheireddine, ancien wali de Ghardaïa et vice-président de la Fondation Moufdi-Zakaria.
Au début des années 1930, il s'investit dans le domaine du journalisme parallèlement à sa désignation en tant que secrétaire général de l'Etoile nord-africaine (ENA). Il devient tout à la fois porte-parole du peuple de par son métier, figure nationaliste de par son engagement politique et cible toute choisie des tortionnaires français. Son premier hymne, Fidaou El-Djazaïr, est écrit pour le PPA en 1936.
L'année suivante, il est le rédacteur en chef du journal Echaâb, et des articles dénonçant les pratiques coloniales lui valent un long passage derrière les barreaux, deux ans, de la prison Barberousse avec, entre autres, Messali, Lahouel Hocine, Khelifa Benamar et Messaoui Rabah.
En tout, le poète passera six fois par la case prison de 1937 jusqu'en 1960. Cette année-là, soit deux ans avant l'indépendance, il s'enfuit au Maroc, puis en Tunisie où il collabore au journal El-Moudjahid jusqu'en 1962. Il revient dans son pays natal avant de s'exiler une seconde et dernière fois en 1965. La genèse de notre hymne national révèle le caractère des hommes, au nombre de quatre, à l'origine de sa création.
L'idée vient de Benyoucef Benkhedda, qui voulait donner un hymne à la guerre de Libération nationale. Il en parlera à Abane Ramdane qui missionne Lakhdar Rebbah de trouver "un poète engagé en mesure d'écrire un hymne qui répondrait à trois impératifs que sont : une dénonciation de la colonisation, un appel au peuple à rejoindre la Révolution sous la bannière du Front de libération nationale et d'éviter de citer le nom de toute personne quel que soit son passé ou son présent militant", explique Chérif Kheireddine.
L'architecte de la Révolution et le futur président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) trouvent le parfait candidat en la personne de Moufdi Zakaria par le plus grand des hasards, comme le raconte son fils Slimane Chikh : "D'après ce que m'avait raconté mon père, il se trouvait au boulevard Benmhidi où il a croisé Rebbah Lakhdar qui lui aurait signifié le vœu de Benyoucef Benkhedda et de Abane Ramdane de créer un hymne pour la guerre de Libération nationale."
Mais Moufdi Zakaria, avant d'écrire en une nuit ce qui allait devenir Qassamane dans son domicile situé au 2, rue Blandan (actuelle Boualem-Rahal) — et non pas en prison, comme c'est souvent rapporté —, a rétorqué que le FLN devait d'abord lever l'embargo commercial dont faisaient l'objet les commerçants mozabites à Blida de la part des militants du FLN.
En vérité, ce boycott n'était autre qu'une tentative de division des autorités coloniales, et Abane Ramdane, en réaction à cette abjecte fomentation, avait publié une circulaire pour interdire le boycott desdits commerçants. La rencontre avec Abane, qui voulait réunir toutes les tendances politiques d'alors, sera déterminante. Il vouait à l'homme une admiration sans bornes. Et c'est grâce à lui aussi qu'il rejoint le FLN pendant la Guerre, avant de se défaire de cette couleur politique après l'indépendance.
En une nuit donc, l'enfant de Ghardaïa tisse de sa plume et pour l'éternité une poésie à la gloire d'un peuple qui ne plie jamais. Une ode à son courage et à ses sacrifices, lui le peuple, et non pas ses figures. Une désacralisation des personnes au profit d'un ensemble, qui, lui aussi, vivait quotidiennement dans sa chair les affres de la longue nuit coloniale.
Un idéaliste marginalisé et harcelé
Le parcours de Moufdi Zakaria a été à l'image de sa pensée : libre et audacieux. La grandeur de l'homme se mesure à sa modestie une fois l'indépendance arrachée. Il ne demandera ni poste de pouvoir, ni demeure luxueuse, ni honteux privilèges au sortir d'une guerre qui fait des millions de morts. L'Algérie ouvre un nouveau chapitre de son histoire.
Les espoirs sont grands, les rêves sont encore permis, mais les dissensions politiques entre ceux qui avaient chassé le colonisateur la veille commencent à se faire jour. Sentant les premiers remous de l'après-guerre venir et le chemin pris par l'Algérie indépendante s'éloigner de plus en plus de sa conception d'un pays nouvellement indépendant, qui doit se reconstruire, Moufdi décide de s'éloigner définitivement de la sphère politique algérienne.
"Au regard de l'état de dégradation dans lequel s'est enlisé le pays, dit Chérif Kheireddine, Moufdi n'a pas manqué d'interpeller le président Ben Bella par une lettre prémonitoire datée du 17 mai 1965, suite à une visite effectuée le 4 mai 1965 en Algérie, par laquelle il le conjure de mettre fin ‘aux poursuites policières' dont il a été l'objet durant son séjour."
Par cette lettre de cinq pages où il interpelle l'ancien chef de l'Etat par "mon fils", le poète de la Révolution "exprimait toute son amertume sur le mode de ‘gouvernance' imposé au pays qu'il a idéalisé sa vie durant aussi bien par son action militante que par ses incessants écrits". Jusqu'à sa mort, le 17 août 1977, il restera ce génie qui dérange. Mêmes ses funérailles à Beni Iseguen se déroulèrent sous haute surveillance. Les autorités de l'époque avaient "limité le nombre de présents, et personne ne devait prendre de photo sauf les autorités", rappelle, pour sa part, Djaber Baâmara, secrétaire général de la Fondation.
Quand Boumediène voulait changer l'hymne national
Les divergences entre sa pensée et celle des nouveaux tenants du pouvoir après l'indépendance continueront de le tourmenter avec l'arrivée de Boumediène. Les deux hommes s'insupportent. La source de ce conflit remonte à un congrès de poètes et d'écrivains arabes organisé par l'ancien président. Un quiproquo a lieu à propos du poème La Fille de vingt ans, qu'avait dédié Moufdi Zakaria à l'Algérie nouvellement indépendante.
La réaction de Boumediène fit de rejeter le texte. Un "affront et une humiliation" que vengera le poète exilé quelques années plus tard. Les deux personnalités entretiennent une animosité qui sera affichée au grand jour lorsque Boumediène décide de changer l'hymne national en organisant un concours de poésie anonyme. Moufdi Zakaria se prête au jeu et remporte le concours une fois l'anonymat des candidats levé. L'ancien président, pris de court, décide d'annuler ledit concours. Pendant plus d'une décennie, le nom de Moufdi Zakaria devint tabou.
La presse parlait rarement de lui. Il faudra attendre une série d'articles de Belkacem Benabdallah, vers la fin des années 1970, consacrée au parcours et à la vie du poète. Selon Baâmara, le journaliste avait "‘réhabilité' le personnage vis-à-vis des médias et du public". Pour comprendre l'homme et sa pensée, il est nécessaire, près d'un demi-siècle après sa mort, de revenir sur son parcours politique au même titre que ses textes, dénonciateurs au temps du colonialisme et désenchantés après 1962, afin que nul n'oublie le sort réservé à poète.

Par : YASMINE AZZOUZ


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.