La digitalisation de l'économie algérienne nécessite la mise "sous réseau" de l'ensemble du pays. Pour Farid Farah, cette opération ne pourra se réaliser sans un partenariat technologique étranger. Malheureusement, le gouvernement n'a toujours pas fait l'effort stratégique nécessaire pour créer l'écosystème adéquat aux entités IT qui veulent externaliser leurs activités vers l'Algérie. Liberté : Le monde connaît aujourd'hui une révolution en termes de numérisation, d'intelligence artificielle, de robotique, de villes intelligentes... Où en est l'Algérie dans ce domaine ? Farid Farah : Lorsque vous me parlez d'intelligence artificielle, de robotique, de villes intelligentes, je pense immédiatement à l'Algérie 4.0 où, malheureusement, la tendance est encore loin de s'accélérer ! Pour y parvenir, le pays doit se doter d'une politique technologique. En clair, les technologies du numérique doivent s'imposer dans le sillage des structures de prise de décisions stratégiques. Avec l'adoption massive qu'ont connue de telles technologies ces dernières années dans le monde, la frontière entre les nouvelles méthodologies digitales et le paysage politique des pays tend à s'atténuer. Malheureusement, la tendance est à l'inverse concernant l'Algérie. La relation entre les acteurs du digital, quand ils existent, et les organes du gouvernement devrait a priori enregistrer de grands changements. Une question se pose alors : de quelle manière ces entités peuvent-elles servir au mieux la population, afin de faire du digital un élément stimulateur du développement du pays ? Les réponses à cette question peuvent servir de réflexion pour les décideurs à adopter la politique technologique dans les prises de décision dans le secteur du numérique. Plusieurs rapports d'étude ont indiqué l'existence d'une corrélation entre les pays qui ont intégré la politique technologique dans leur société et ceux qui ont enregistré des pourcentages de croissance élevés. Ce lien entre la politique et les technologies digitales a provoqué un impact sur l'attractivité d'un pays lorsqu'il s'agit de faire appel aux investisseurs pour favoriser la croissance économique. Une chose est sûre, cette tendance doit aller avec la technologie quant à l'accélération de son rythme d'évolution. Par le passé, de nombreux ministères n'étaient pas en mesure d'offrir une panoplie de services numériques, car les responsables ne regardaient pas à la "loupe digitale" ce que le digital allait leur offrir comme moyens pour se rapprocher plus de la population. Qu'est ce qui fait que l'on accuse autant de retard à votre avis ? Aujourd'hui, la stratégie de la politique du numérique de l'Algérie a besoin de beaucoup d'atouts supplémentaires et surtout d'un partenariat technologique étranger. La digitalisation de l'Algérie nécessite la mise "sous réseau" de l'ensemble du pays. Cette opération ne pourra se réaliser sans un partenariat technologique étranger. Malheureusement, le gouvernement n'a toujours pas fait l'effort stratégique nécessaire pour créer l'écosystème adéquat aux entités IT qui veulent externaliser leurs activités vers l'Algérie. Certes, le numérique a arraché plusieurs départements ministériels dans le gouvernement, mais à ce jour, nous n'avons relevé aucune politique digitale transversale qui pourrait mener le pays vers une transformation globale de la société. La technologie doit trouver sa place dans la mise en œuvre des projets stratégiques comme ceux destinés à l'amélioration des modèles de la santé et de l'enseignement primaire, et à la réduction de la pauvreté, de la fracture sociale et de la corruption. Que préconisez-vous comme solutions ? L'investissement dans la formation à travers la création d'espaces d'enseignement digital s'avère être plus que jamais nécessaire ; l'accès facile et multicanal au haut débit devra être généralisé à tous les foyers résidentiels et les efforts utiles à la facilitation de la mise en œuvre d'une authentique société d'information doivent être élargis aux plans administratif, financier, juridique et universitaire : dossier administratif informatisé et éventuellement dématérialisé, écoles en ligne, société intelligente connectée, paiement mobile, banques virtuelles en ligne, etc. Le débat sur l'Algérie digitale devra donc être engagé avec les représentants de l'ensemble des couches sociales de la société. Trouvez-vous qu'aller vers la création des start-up, à profusion, dans le contexte actuel est à même de faire accélérer le processus de numérisation ? Pour devenir terre de la médecine connectée, du crédit en ligne et des circuits de distribution digitalisée, l'Algérie doit réussir son virage numérique. Les efforts déployés par le gouvernement pour doter le pays d'une "FinTech" sont à saluer, puisqu'ils visent à apporter des réponses technologiques aux défis de développement du pays. Mais attention, ces efforts peuvent être ralentis par des facteurs techniques et organisationnels.