Nouveaux ministres et innovations    Ouverture de la session parlementaire ordinaire 2025-2026    La 7e édition du SIFFP prévue en septembre    13 protocoles d'accord d'une valeur totale de 2,48 milliards de dollars    En réponse à l'analyse de l'ex-ministre Ammar Tou sur les bienfaits du déficit budgétaire en Algérie    Des dizaines de colons prennent d'assaut Al-Aqsa    Quand le discours sur le séparatisme musulman sert à occulter la massive ghettoïsation juive    80 organisations internationales appellent à une interdiction commerciale complète des colonies israéliennes    CAN de hand U17 féminin : L'Algérie entame la compétition par une victoire devant le Burkina Faso    Nemour, une championne algérienne en Or    la sélection nationale en stage de préparation à Tikjda    Séisme de 3,2 degrés dans la wilaya de Médéa    Arrestation de deux dealers    Deux voitures volées, récupérées, deux arrestations à Jdiouia    Les ruines rappellent les atrocités du colonialisme français    Djamel Allam, un artiste aux multiples talents    Elaboration d'une feuille de route fondée sur le soutien aux initiatives des associations dédiées aux personnes à besoins spécifiques    Près de 1.000 imams participent à Alger aux examens de promotion au rang d'imam enseignant    Le Premier ministre préside une réunion interministérielle en prévision de la nouvelle rentrée scolaire    Sommet de Doha : un front uni contre l'agression sioniste et sa menace pour la paix et la sécurité    Energie : l'Algérie participe à deux réunions ministérielles sur les carburants durables et l'hydrogène à Osaka    Foot /Union Arabe (UAFA): le Président de la FAF Walid Sadi intègre le comité exécutif    Le président du HCLA reçoit l'ambassadeur de la République de Nicaragua en Algérie    Abdelmalek Tacherift prend ses fonctions de ministre des Moudjahidine et des Ayants-droit    Malika Bendouda prend ses fonctions de ministre de la Culture et des Arts    Conseil de la nation: ouverture de la session parlementaire ordinaire 2025-2026    Clôture des activités du camp de jeunes dédié aux personnes aux besoins spécifiques    Ligue 1: MC Alger-MC Oran, un duel de confirmation pour les deux équipes    El Bayadh: décès du moudjahid Kherrouji Mohamed    Ghaza: le bilan s'alourdit à 64.905 martyrs et 164.926 blessés    Attaf s'entretient à Doha avec le Premier ministre, MAE de l'Etat frère du Qatar    Agression sioniste contre le Qatar: une réunion d'urgence mardi au CDH    Clôture du Forum mondial des jeunes parlementaires avec une participation remarquée de la délégation algérienne    Ouverture de la session parlementaire ordinaire 2025-2026    Le président de la République nomme les membres du nouveau Gouvernement    CAN-2025 U17 féminin à Oran: l'Algérie entame la compétition par une victoire devant le Burkina Faso 26-21    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Ici, ailleurs, de Borges à El-Harrach
CULTURE
Publié dans Liberté le 23 - 09 - 2021


Par : ADLÈNE MEDDI
La littérature, pour moi, est un double en un : la lecture et le texte, l'auteur et le lecteur, le contexte écrit et le moment de la lecture, l'œuvre et le temps. Surtout, la littérature n'est ni une mission, ni un message, ni un "engagement" dans le sens folklorique ou journalistique.
La littérature permet de transcender le réel, le dépasser tout en l'incarnant sous d'autres angles : je peux regarder Alger en étant (en lisant) Borges (ou son narrateur qui est un autre Borges) parlant de Buenos Aires ; ou boire mon rosé avec Malek Haddad en espérant la gazelle.
La littérature, comme les fameux Livres saints, propose une approche esthétique radicale de l'Histoire et des humains ; une manière de nous rattacher entre nous et nous lier à nos obscures origines : en cela, la littérature est une forme de généalogie rebelle, une histoire parallèle à la grande Histoire avec un grand "H".
Le roman, la poésie, la nouvelle n'ont pas "d'intérêt" dans la société. Ils en font partie comme le syndicat, le crime ou l'urbanisme. C'est une sève qui nourrit la société en imaginaires et en possibles, une manière d'être dans la société sans y être vraiment grâce à ce moment de partage avec l'auteur qu'il soit algérien ou d'ailleurs, ou Algérien d'ailleurs.
La littérature, pour moi, est un double en un : la lecture et le texte, l'auteur et le lecteur, le contexte écrit et le moment de la lecture, l'œuvre et le temps.
Car en écrivant ou en lisant (ou/et les deux à la fois) on se connecte à l'Autre, à l'autre temps, passé ou futur, à l'instant et à l'inexistant, banalisant ces téléportations si extraordinaires au fond, nous permettant d'être en humanité, en nous, chez les autres, dans les autres et, surtout avec les autres.
La littérature n'est pas un loisir culturel, ni un loisir tout court, c'est comme le sang ou l'Etat, ce que l'on ne voit pas à la surface de l'émulation sociale mais qui est tellement là, au fond de nous. Elle est essentielle et non ressentie, une pesanteur de l'esprit et des vies de tous les jours : quelque chose en nous. Dedans. Et tellement vers l'Autre.
La littérature c'est aussi l'acte dans le silence de la solitude de l'écrivain et de celui du lecteur. "Penser, c'est oublier des différences, c'est généraliser, c'est abstraire", disait Borges. Ecrire est une manière de s'annuler pour être l'Autre et mourir dans le magma des multitudes d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Une solidarité sans ONG ou publicité, gratuite et profonde envers les humains qu'on dépeint et envers le lecteur qui regarde, déjà, par-dessus notre épaule durant l'acte et le silence de l'écriture.
La littérature est une mort : moment orgasmique de l'organe de l'esprit, qui nous propulse comme entité entière et consciente dans le néant de la page blanche qui devient univers, humains, histoires, sentiments, couleurs du ciel ou vagues d'océan, scène de ménage pathétique ou bombardements nourris aux confins du Laos.
Mourir en ce moment solitaire, emmitouflé dans le silence et le fracas à la fois de la page qui se noircit et des destins couchés sur le papier ou l'écran de l'ordinateur.
Surtout, la littérature n'est ni une mission, ni un message, ni un "engagement" dans le sens folklorique ou journalistique. "Les écrivains n'ont jamais modifié le sens de l'Histoire, l'Histoire qui est assez grande dame pour savoir se diriger toute seule. Les écrivains, les romanciers et les poètes, les artistes en général ne sont que des témoins, des témoins et des épiphénomènes", écrivait Malek Haddad. Et encore ! Témoins, s'ils le veulent. Loin des injonctions conjoncturelles et des procès du moment. Un écrivain écrit car son métabolisme le lui impose, ni "l'étape" (al-marhala, dans l'acceptation des créatifs arabes des années 1960-1980), ni Dieu, ni "l'opposition", l'Eglise, les copains, les amants ou monsieur le chef de daïra !
Donc la littérature est, selon moi, aussi la liberté. En tant qu'auteur ou que lecteur – ou de quelqu'un qui en parle ou suit l'actualité foisonnante de l'écrit, nationale ou mondiale – elle me permet de m'affranchir du moment, du sol, de moi-même pour oser la forme et l'esthétique, le sens inné poétique, la transparence et les "ombres" (dhilal el-kalimat) de la langue pour dénuder émotions, tabous et autres dangereuses implications – comme l'amour.
La liberté de se défaire de soi tout en étant soi : j'imagine dans une scène, dans 1994, le massacre des Ouffia sur les bords d'oued El-Harrach en 1832 et je n'y suis pas tout en y étant. Je vois le sang sur les galets (qui par leur aspect rugueux donne le nom d'El-Harrach – ah'rech), et j'entends les cris des assaillants et des derniers résistants sur les flancs glissants de l'oued et je suis là, avec vous, nous, là, au XXIe siècle, tout en constatant le massacre et l'extermination que seuls les mots, la langue peut rendre alors que l'écrit prolonge et fixe en un seul mouvement le massacre et les derniers soupirs de ces aïeux suppliciés. En cela, la littérature nous fait mériter, arracher en douceur — la douceur de l'acte d'écrire ou de lire — notre statut d'héritiers des Ecritures, de Babylone à La Mecque. L'acte double, écrire et lire (et en parler, d'où l'importance des rencontres littéraires ou des échanges plus intimes) reste la technologie la plus avancée – mieux que les satellites ou les réseaux a-sociaux) pour faire communauté humaine : les présents et les absents, les lecteurs et les auteurs. Ceux qui convergent, par l'ADN et le Verbe, vers l'origine même (légendaire ou pas) d'un mot, kôn, soit : nous avons été créé (légende ou pas) d'un mot. D'une écriture. D'un verbe à conjuguer aux variants de l'univers, des humains. De nous.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.