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Damas, la voie royale vers le “martyre”
Des dizaines de bus affrétés par l'ambassade irakienne en Syrie pour les volontaires arabes
Publié dans Liberté le 29 - 03 - 2003

Ils sont des centaines à se presser aux portes de l'ambassade d'Irak à Damas, afin d'obtenir leur “visa pour la guerre”.
Il ne se passe pas un jour sans que des autocars quittent la capitale syrienne pour l'Irak, acheminant des milliers de jeunes qui ne demandent qu'à mourir. Quatre bus bondés de combattants volontaires ont quitté, jeudi soir, la capitale syrienne à destination de Bagdad, aux cris de “Allah akbar !”, “La illaha illa Allah !”. Ils étaient ainsi quelque 200 fidayin à courir au secours de leurs frères irakiens. Le cortège s'est ébranlé au milieu d'une grande émotion et une véritable démonstration de force populaire.
Le quartier des Muhadjirine, banlieue chic de Damas, était, en effet, littéralement assiégé avant-hier, d'un côté par le rush impressionnant des volontaires venus par centaines se tasser près de l'ambassade irakienne pour remplir le fameux formulaire de “volontaire de guerre” et obtenir un laissez-passer. D'un autre côté, on pouvait voir une très forte mobilisation des brigades antiémeutes pour empêcher tout débordement. En vérité, les CRS syriens sont là pour protéger l'ambassade américaine, située, ironie du sort, à une centaine de mètres dans la rue d'en face. “Je veux aller au front. Je veux déchiqueter les américains” !, lance un jeune garçon haut à peine de trois pommes. Ali, c'est son prénom, a tout juste 16 ans. “Et ils t'ont autorisé à partir, malgré ton jeune âge ?” Interrogeons-nous. “Oui, sans problème”, fait-il.
Dans la cohue, des gens de différentes nationalités. Un Palestinien d'un certain âge est hors de lui. Il s'en prend violemment à un responsable irakien qui tentait comme il pouvait de contenir la foule, à la porte de l'ambassade. Le Palestinien n'a pas de passeport. Le responsable irakien ne veut rien savoir. Et le vieux palestinien de crier à tue- tête, haranguant la foule : “Ma indi jawaz safar bass mai houwiya” (“je n'ai, certes, pas de passeport, mais j'ai une identité”). Et de crier de plus belle : “Tous ceux que vous voyez là sont des arabes. Ils ont leur identité et leur engagement. Ils n'ont pas besoin de visa !” Un Suédois était dans le lot. Il a pu arracher difficilement son visa. Mieux encore, il a arraché une place dans l'un des quatre autocars, ce qui n'est pas évident. Le Suédois ne comprenait rien à ce que racontait le Palestinien. Pourtant, ils vont peut-être se retrouver dans le même bus. Pas forcément celui des Arabes, plutôt celui de la paix.
Depuis la matinée, l'ambassade irakienne a connu un afflux considérable de demandeurs de visa pour entrer en Irak. Petite précision, c'est le drapeau algérien qui flotte tout en haut de la superbe bâtisse. De fait, c'est l'Algérie qui représente les intérêts irakiens en Syrie. N'oublions pas que les relations entre Damas et Bagdad avaient connu de violents orages lors de la guerre Iran-Irak. Ce n'est qu'en 2000 que les représentations diplomatiques ont repris leurs quartiers dans les deux capitales respectives. Depuis, la Syrie s'est vite rattrapée en apportant un précieux soutien à l'Irak. Sur le plan économique d'abord, le marché irakien étant approvisionné dans une large mesure par les syriens. Et depuis le déclenchement des hostilités, la Syrie est devenue la voie royale pour entrer en Irak, les frontières jordaniennes étant d'un accès difficile, comme l'a appris à ses dépens un camionneur jordanien, il y a quelques jours. D'ailleurs, les volontaires irakiens qui quittent Amman pour rentrer au bercail transitent tous par Damas. La plupart des volontaires que nous avons rencontrés sont des syriens et des irakiens. Cela s'explique à l'évidence par la proximité géographique. Dans le tas, on entend des bribes de notre immémorable dialecte algérien. A notre surprise, neuf algériens se joignent à la kermesse guerroyeuse, au milieu de grandes clameurs. L'un d'eux est venu depuis Batna, un autre est de Douéra, un troisième de Koléa, un jeune de 35 ans, père de deux enfants, originaire d'Oran, raconte : “J'étais dans mon magasin tranquille. Je suivais les informations, d'un seul coup, l'idée a fait tilt dans ma tête. J'ai fermé le magasin, j'ai acheté mon billet, raclé mes économies, et je suis venu.”
A la question de savoir quelle était la réaction de leurs familles, ils ont tous les mêmes formules la bouche : “Allah yatkeffel bihoum. !” (Nous les confions à Dieu !) L'émotion, nous le disions, était très forte ici. Des jeunes sont en larmes. Ils se relaient autour de leur pote, l'enlaçant et le couvrant de mots de circonstance. Des mères courage murmurent des prières : “Hamak Allah”, lancent-elles. Il y en a qui ont envoyé elles-mêmes leurs fils au front. On peut voir à l'autre bout, un type gesticulant nerveusement, la tête penchée par-dessus la fenêtre de l'un des autocars, et se disputant avec son frère. “Ne t'occupe pas de mes gosses”, semblait dire le partant des deux frères tandis que l'autre tentait de le persuader de renoncer à son périlleux voyage.
Périlleux, voilà un mot que l'un des chauffeurs de bus connaît bien. Nous lui demandons s'il n'avait pas peur d'emprunter ainsi un chemin aussi hasardeux ? “Le monde entier est avec nous, de quoi aurais-je peur ?”, lâche-t-il, avant d'ajouter : “Cette route, je l'ai empruntée des dizaines de fois. Dieu veille sur nous.” Il faut noter, en effet, que des partances pour l'Irak, il y en a tous les jours. C'est l'ambassade elle-même qui se charge de louer les bus. Le voyage est gratuit. Une fois arrivés en Irak, les volontaires sont tou de suite transférés vers des camps militaires où ils recevront une petite formation de base, avant de prendre leur paquetage.
En outre, il convient de souligner que des agences assurent quotidiennement des dessertes vers l'Irak. Elles se trouvent pour la plupart dans un faubourg chiite à 14 km de Damas appelé Sayida-Zineb. Ici, il y a un quartier surnommé “le quartier des Irakiens” où pas moins de 12 agences de voyages tenues par des Irakiens assurent des allers-retours entre Damas et Bagdad. Prix de la place : 30 dollars. Avant le déclenchement de la guerre, c'était 7 dollars la place. “Ce n'est pas un problème d'assurance. Le fait est qu'avant, le carburant était presque gratuit. Depuis la guerre, il est devenu trop cher”, explique Ahmed Abou Abdellah propriétaire de l'agence Achayeb. M. Abou Abdallah affirme que son agence dispose de 120 voitures et 7 autocars. “Depuis le début du conflit, seuls trois bus vont sur Bagdad. Il nous faut un minimum de 40 passagers pour faire le trajet”, dit-il. “Notre interlocuteur affirme que les partants sur Bagdad, ce n'est pas cela qui manque.” “Il y a des gens qui ont des intérêts là-bas. Il y a des gens qui vont voir leurs familles, sans parler des volontaires arabes et étrangers, quoique sur ce point, l'ambassade nous fait de la concurrence puisqu'elle affrète elle-même le transport”.Comment font les chauffeurs pour contourner le déluge de fer qui s'abat sur l'Irak, diriez-vous ? “Les bus circulent la nuit. Ils partent d'ici à 22h. Arrivés à un poste-frontière irakien d'Al-Walid, ils restent sur place jusqu'à l'aube. De là-bas, il leur reste quelque 600 km. Il y a 850 km de Damas à Bagdad. Nos bus les font généralement en neuf heures. Jusqu'à présent, Dieu merci, nous n'avons pas eu d'incident”.
Nous avons tenté de prendre l'une de ces liaisons. L'agence irakienne nous a exigé le visa. A l'ambassade dès que nous avons décliné notre qualité de journaliste, le factotum chargé de recevoir les visiteurs nous a sévèrement repoussés. “Nous n'avons pas besoin de journalistes ici. Nous n'avons rien à vous dire”, nous a-t-il lancé. Après insistance de notre part, il nous a suggéré de partir à Bagdad comme “mouqatil”. “Vous devez laisser tout votre matériel ici”, nous a-t-il toutefois prévenu.
Patricia une journaliste du New York Times Magazine, que nous avons rencontrée aux portes de l'ambassade, dans l'espoir d'embarquer, elle aussi, avec les volontaires, nous confie que cela fait quatre semaines qu'elle attend une occasion pour aller en Irak. “Mais je porte la tare suprême : je suis américaine” ironise-t-elle. Prenant son mal en patience, elle est décidée à aller jusqu'au bout. “Je n'ai pas voulu embarquer avec les troupes américaines afin d'avoir un regard indépendant. Je voulais plus tôt être comme bouclier humain pour ressentir ce que ressentent les civils irakiens. C'est un angle qui m'a paru intéressant. Hélas, on ne veut pas croire à ma sincérité”, dit-elle, la rage au ventre.
Notons que l'esprit dominant chez la plupart des “combattants” que nous avons rencontrés est celui du “martyr”. Bassel 31 ans, un Syrien très élégant, n'arbore rien qui autoriserait à le taxer d'islamiste. Il sort avec des filles et écoute volontiers le raï, comme il a tenu à nous le préciser. Qu'est-ce qui l'a motivé donc à mettre sa vie en péril de l'autre côté ? “Si vous êtes musulmans, vous devez certainement avoir une idée de ce que représente le concept de “chahada”. Pour moi, ce serait un honneur de mourir en martyr en Irak. Les Américains avec toute leur armada et leur arsenal de guerre high-tech ne s'attendent pas à voir tant de jeunes décidés à aller au charbon juste dans l'espoir de mourir !” fait remarquer Bassel.
Issam, un jeune Jordanien de 31 ans, nous affirme qu'il a déjà participé à la première guerre du Golfe comme “mouqatil”. “Dès que j'ai été incorporé il y a eu le cessez-le-feu, hélas. Cette fois, j'espère que j'aurais les Américains en face” ! dit-il d'un air résolu.
Il est 22h. Les bus s'apprêtent à s'ébranler la liesse est à son paroxysme. Une foule entourant un imam répète après lui, dans une ambiance religieuse : “Ya Allah!” “Ya Allah”
M. B.


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