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Entre le roman et l'oubli, Lalla Yamina Tidjania gît
Publié dans La Nouvelle République le 24 - 01 - 2016

Mon voyage a commencé, je crois, il y a plus de 35 ans, avec Frison-Roche. Longtemps le nom d'Aurélie Picard évoquera pour ma désinvolte jeunesse l'amour légendaire.
La belle Française, fille de la ville et de la modernité, qui renonce à tout son confort par amour pour un Prince noir du fin fond de la steppe et lui consacre toute sa vie entre monts et désert. Un couple que tout sépare et qui va durant tant d'années subjuguer mon imaginaire : un conte d'adultes aux âmes d'enfants ou « la belle et la bête » au pays des dunes et du silence. J'avais fait de tous mes sens le voyage avec elle à travers les immenses plaines du nord au sud algérien.
Ma peau brûlait sous le soleil qui la brûlait et le vent qui faisait voler sa chevelure soulevait mon être. De page en page, j'éprouvais ses joies et ses peines, sa solitude, ses doutes et l'assurance de chacun de ses gestes ou les tremblements de ses mains au point de ne former avec elle qu'une seule et même personne. Combien ai-je mis dans la lecture de ce roman ? Une nuit, je crois ou deux, peut-être.
Je me souviens bien qu'il m'était difficile de me rendormir sans avoir connu la suite et de chapitre en chapitre avant que l'aube ne réveille mon sommeil, j'ai voyagé dans les méandres de l'incroyable destin d'Aurélie Picard, devenue Lalla Yamina, maîtresse incontestée de l'illustre zaouia Tidjania à l'ouest de Ain Madhi ; une confrérie exclusivement masculine où l'homme règne en maître et où la femme n'était que sujet avant l'arrivée de celle qui allait tout changer avec douceur et doigté.
Pour elle, dit-on, Si Ahmed répudia ses épouses et renonça au bonheur de la descendance : un choix ou une décision divine ? Nul ne le saura ; mais sans doute, le regret légitime de la princesse des sables. Déterminée à conquérir le cœur de tous, en dépit de toutes les entraves, armée de savoir-faire, d'intelligence et de pugnacité, elle géra les intérêts matériels de la confrérie et administra la zaouia comme on administre une abbaye ; la voulant activement productive et la dispensant de ne vivre que des donations des fidèles.
En effet, en bon chef d'entreprise, elle lança des travaux de constructions d'écoles, de dispensaires et d'ateliers de tissage. Elle fora des puits et se mit à l'agriculture tant et si bien que la terre et les cœurs arides qui l'accueillirent un jour devinrent une oasis de biens et de bonté. Aurélie la Normande, devint alors la princesse des lieux, aimée et respectée de tous et un véritable pont entre deux mondes opposés culturellement et cultuellement dans le contexte conflictuel de l'époque.
En totale symbiose avec la zaouia et ses habitants, Lalla Yamina s'imprégna de leurs us et coutumes, elle apprit l'arabe dans un souci de communication et s'intégra totalement dans la confrérie, mais n'en oublia pas moins sa culture, faisant bâtir à l'ombre de ce mont de l'Atlas saharien, un imposant palais mi- français, mi- mauresque, entouré de jardins ; potagers, fruitiers et plantes et fleurs d'ornement ; tout pour lui rappeler son pays de naissance et rendre son exil consenti, plus confortable, plus doux et plus utile : le palais de Kourdane.
Je traversais les corridors de sa somptueuse demeure, j'entrais dans ses chambres richement meublées et décorées et sans piétiner ses plates-bandes, je déambulais dans les allées de son jardin cachée entre les pages de ce roman, loin d'imaginer que non loin de moi, un destin s'était écrit indélébile sur l'éphémère et voyageuse dune et l'immobile et solide roc du ce mont au nom si éloquent de Djebel Amour.
Plus de 35 ans plus tard, l'âme un peu triste, je m'en allais un vendredi saint à la recherche de silence et de spiritualité sur la terre d'Allah. La route qui devait me mener à Laghouat bifurqua à l'ouest vers Tajmout en passant par des bourgs aux noms jolis et d'émerveillement en extase, j'atterrissais sur une oasis où nous attendait immobile et silencieux l'imposant domaine de la princesse du désert. Posée dans un luxuriant écrin de verdure, entourée de silence, blafarde et délabrée, s'en meurt dans une indifférence totale, une œuvre d'art chargée d'Histoire et d'histoires.
Pillé de ses ornements, tagué dans sa chair, dénudé, violé au passage de chaque groupe de visiteur le palais de Kourdane agonise : lente et douloureuse descente dans le gouffre du néant de ce qui, un jour, abrita des ruches humaines allant et venant à leurs métiers, savamment enseignés par le génie de ce bout de femme venu d'ailleurs aimer de toutes ses forces Si Ahmed Tidjani et les siens, épousant avec lui sa cause ses traditions et tout son devenir.
Chrétienne ou Musulmane, Bretonne ou Saharienne, Aurélie ou Lalla Yamina, elle fut une pionnière des actions humanitaires et une fervente civilisatrice de ce lieu reculé d'Algérie. Ce qui gisait là en ruine, dans cet endroit sublime où le rêve prend possession de tout, n'était à mon sens qu'une preuve de fidélité, d'amour et d'abnégation d'une personne investie corps et âme dans l'édification d'une microsociété moderne, autosuffisante et intellectuellement parée, à qui elle apporta sans réserve tout son savoir-faire et tout son savoir-vivre.
Au moment de quitter ce beau roman et sa triste vérité, un bâton d'encens dans les mains et quelques versets de Coran entre les lèvres, mon cœur se serra ... j'imaginais pessimiste le triste sort de cet édifice anéanti et de cette page d'histoire brûlée par l'ignorance. Et au pied du pistachier qui avait servi de repère pour la construction de son domaine repose désormais Aurélie Picard, née en France et morte dans les bras du désert.
Roger Frison-Roche, «Djebel Amour», roman, éd. Flammarion 1978


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