Une affaire de détournement s'achève, une autre est rendue publique à l'Algérienne des eaux (ADE) à Annaba à peine une année après la première. Etonnés par les montants mentionnés sur les redevances dont ils sont censés être redevables vis-à-vis de l'ADE (EPIC), des dizaines d'abonnés qui en ont été destinataires ont réagi. Majoritairement issus des cités de la commune El Bouni, ils ont relevé des montants véritablement abusifs de redevances. Variant de 40.000 DA à plus de 200.000 DA, elles leur ont été adressées par l'ADE. Occupant tous des F.3 dans cette cité connu pour être un site d'implantation des logements sociaux, des dizaines d'abonnés, convaincus qu'il s'agissait d'une erreur, se sont présentés aux guichets de l'ADE El Bouni pour une correction. Ils ont été surpris de s'entendre dire par les préposés que le montant facturé est conforme à leur consommation d'eau. Leurs explications quant à l'impossibilité de consommer autant de volumes même durant deux décennies, ont été vaines. Les abonnés eurent tous la même réaction. Sous les yeux des préposés aux guichets impuissants, ils ont tous déchiré en menus morceaux les redevances avant de repartir véritablement hors d'eux jurant de ne plus payer un seul centime à la société. Plusieurs n'ont pas manqué d'attirer l'attention des responsables de l'ADE sur la facturation minorée des industriels en activité sur le territoire de la commune. C'est ce qui semble avoir imposé à la direction locale de cette entreprise de faire un grand pas vers l'instauration de la transparence dans la distribution, la consommation et la facturation du précieux liquide en créant la police des eaux. Il reste néanmoins que de nombreux abonnés n'ont pas manqué d'alerter le procureur général de Annaba. Ce dernier a aussitôt saisi les services concernés à l'effet d'entamer des investigations. Les résultats qui lui auraient été remis seraient accablants. Il s'agit également de celui de la campagne de mobilisation mise en œuvre par la direction locale de l'EPIC. Celle-ci aurait combiné une série d'actions bien coordonnées sur le terrain. Il s'est avéré que de nombreux opérateurs économiques spécialisés dans la promotion immobilière, la transformation des produits alimentaires, les stations de carburant et celles de lavage, les cliniques privées et autres profitent des largesses des agents ADE. Non seulement en ce qui concerne la facturation de la consommation bimensuelle de l'eau qui dépasse rarement les 1.200 DA, mais aussi pour les compteurs de différentes pressions rarement payés ou facturés à moindre coût. Dans une tentative d'accélération de l'intervention des autorités locales, des abonnés ont alerté la chefferie du gouvernement via des députés à l'Assemblée populaire nationale. «Pour nous, les premiers soutiens de ce combat contre la corruption et les autres délits ne peuvent être personne d'autre que les citoyens. En informant notre institution sur ces délits ciblant directement les auteurs de ces actes, les citoyens nous ont permis de lancer une action concrète et immédiate pour y mettre un terme», a indiqué un des magistrats en charge du dossier. Il faut dire que l'affaire est grave. Par cette méthode de gestion où les familles modestes sont abusivement facturées et les opérateurs économiques, synonymes de milliards en compte en banque, sont destinataires de factures minorées, le Trésor public est l'objet d'un important préjudice financier. Au vu du nombre d'opérateurs économiques bénéficiaires et des factures minorées établies sur la base des données des releveurs et autres agents de l'ADE, le préjudice se chiffre annuellement par dizaine de milliards. En entamant pareille démarche tendant à mettre fin aux activités de ce qui serait un réseau spécialisé dans le faux et l'usage de faux des relevés des consommations aux compteurs et établissement de fausses factures, l'ADE veut reprendre sérieusement en main la gestion de l'entreprise. Outre les questionnaires qui ne manqueront certainement pas d'être transmis aux releveurs, magasiniers et autres agents impliqués dans l'établissement de faux relevés de compteurs d'eau, la Cour de justice de Annaba s'est auto-saisie du dossier. Et pour cause, il s'agit d'une autre affaire de détournement de deniers de l'Etat au niveau de l'ADE. Rappelons que la première évaluée à 160 millions DA, avait impliqué 21 agents et cadres de la même entreprise dont le directeur d'unité et trois femmes. Ils ont tous été reconnus coupables à différents degrés et condamnés à de différentes peines de prison. Rappelons que l'ADE a entamé l'opération recouvrement à la suite des premiers constats établis par la police des eaux quant au trafic à grande échelle. Selon un des responsables de l'ADE, les entreprises, les abonnés privés et surtout les sociétés d'Etat accumulent des dettes. D'où l'exigence adressée à tous les abonnés de s'acquitter dorénavant de leurs redevances. «Sinon la tolérance zéro s'appliquerait avec la coupure de la distribution de l'eau, le temps qu'ils se conforment à la nouvelle règle», précisent nos sources.