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Mémoires anachroniques de l'Andalousie perdue
Publié dans La Nouvelle République le 17 - 05 - 2019

A Cordoue, Zyriab enseignait le chant selon ses nouvelles méthodes au conservatoire où il donnait lui-même des cours, assisté de ses fils et de ses disciples. Son influence fut considérable. Sa présence à Cordoue, allait avoir une influence décisive sur l'avenir de la musique andalouse.
«Les premiers andalous chantaient à la manière des chrétiens ou des juifs jusqu'à l'arrivée du grand maître Ziriab... Il leur révéla des chants qu'ils n'avaient jamais encore entendus. Sa manière de chanter fut imitée, à l'exclusion de toute autre», expliquait Ahmad Et-Tifachi dans «Mot'at el-Asma'». Quant à Ibn Khaldoun, il écrira plus tard, dans ses Prolégomènes (El Mùqaddima): «Zyriab léga à l'Andalousie un répertoire immense de chants que les générations se transmirent jusqu'à la période des Rois de Taïfas. Séville en fut submergée, comme par un océan, et, après sa prise par les Chrétiens, cet art se répandit en Ifriquïa et au Maroc. Il en reste, aujourd'hui encore, quelques vestiges malgré le déclin de ces royaumes et la régression de la vie urbaine... » Pendant cette période également il y a eu l'apparition d'un autre géant, Abbas Ibn Firnas ou Abbas Qassim Ibn Firnas (810-887), précurseur de l'aéronautique. Qui était-il ? demandaient des jeunes à leurs parents qui ont vécu la même période que ce génie. Et à Braham Hamnedi, un autre scientifique, issue d'une lignée de berbères venus de Césarée de répondre. Il décrivait Ibn Firnas avec plaisir puisqu'il le connaissait bien du fait qu'il s'occupait lui-aussi de la recherche. - Il fut d'abord un érudit, disait-il, un érudit imprégné d'humanisme et de sciences. Il naquit dans une famille d'origine berbère dont les ancêtres ont participé activement à la conquête de la péninsule Ibérique. Ibn Firnas fut, comme tous les savants, un brillant philosophe. Cette compétence lui vint de la solide formation scientifique qu'il a dû suivre, notamment en chimie, en physique et en astronomie Il avait de sérieuses connaissances et d'autres aptitudes, non moins remarquables, qui attiraient l'attention des tenants du royaume. Très doué également en littérature, en prosodie et en astrologie, il fut admis dans la cour d'Abd-er-Rahmân II pour enseigner la poésie. Mais s'il a continué à fréquenter la cour des grands, c'est-à-dire des souverains, et particulièrement celle de Mohamed Ier, après la mort d'Abd-er-Rahmân II, c'est parce qu'il voulait s'assurer d'un parrainage pour ses nombreuses inventions. En effet, Ibn Firnas est l'inventeur de la «Clepsydre» ou «l'horloge à eau», qu'il devait appeler «El-Maqata», le précurseur de la technique de taille du cristal de roche, le concepteur d'une «sphère armillaire pour visualiser le mouvement des astres», et enfin le constructeur d'un «planétarium» qu'il a ajusté et installé en son domicile. Et toujours, dans le cadre des découvertes, Ibn Firnas, alors qu'il avait 70 ans, se jeta dans une expérience aéronautique, parce qu'il a été marqué par «Armen Firman qui décida en 852 de voler en se lançant depuis une tour de Cordoue à l'aide d'un énorme manteau». Ibn Firnas se fit confectionner «des ailes en bois recouvertes d'un habit de soie qu'il avait garni de plumes de rapaces» et se lança d'une certaine hauteur surplombant une vallée. L'atterrissage ne fut pas à son avantage – il se fractura les deux jambes – mais l'expérience valait le coup d'être tentée. Elle fut en réalité une réussite car il resta, une bonne dizaine de minutes dans les airs et fut admiré par une foule qui a été grandement impressionnée. Ainsi, terminait Braham Hamnedi son récit concernant Ibn Firnas. «Ce fut un grand homme ! » s'écriaient les jeunes qui l'écoutaient avec une parfaite attention. Oui, un grand homme, car l'Histoire, qui ne peut être falsifiée, dira demain le mot juste le concernant. Et en effet, elle s'est prononcé, des siècles après, en affirmant dans ses manuels pour conclure sur ce chapitre, qu'Ibn Firnas a bel et bien existé en tant que scientifique et qu'il aurait bel et bien tenté cette expérience et, «ce n'est que mille ans (1000) plus tard, que le monde reconnaîtra en la personne de Clément Ader celui qui «s'élèvera au-dessus du sol à bord d'un engin à moteur et à hélice.» 9- Le califat de Cordoue sous Abd er-Rahmân III Restons dans le récit historique et, puisque le calife Abd er-Rahmân III, dont le règne a été le plus long, de 912 à 961, et le plus rayonnant, faisons en sorte que sa brillante période soit racontée comme une chronologie, ponctuée, de temps à autre, de formes romanesques, pour nous livrer d'importantes situations qui ont véritablement existé. Commençons par le commencement… Abd er-Rahmân II qui a vécu 30 ans sur le trône de l'émirat de Cordoue a eu du temps et beaucoup de possibilités pour réaliser du bon travail, malgré les dissidences qui ne voulaient s'atténuer. Intérieurement, les discordes apparaissaient à tout moment et s'amplifiaient au rythme des scissions qui enflammaient les différentes ethnies qui constellaient l'Andalousie. Son successeur, Mohamed Ier, commença son règne en écrasant une nouvelle révolte à Tolède et en combattant la dissidence d'Omar Ibn Hafsun. Une période trouble s'ensuivit, avant que l'émir Abd Allah et son fils Abd er-Rahmân III ne rétablissent la situation. Le nouveau souverain de Cordoue sentait, depuis les premiers instants de son règne, que l'hésitation et, dans une certaine mesure, la magnanimité, qui caractérisaient ses prédécesseurs, n'étaient pas pour lui assurer de meilleurs résultats. Il fallait être plus ferme. C'était ce qu'il devait appliquer : la discipline avec poigne. Rétablir la sécurité dans le royaume n'est pas une affaire d'atermoiements et d'indécisions. Les révoltes devaient être neutralisées une fois pour toutes et leurs responsables sévèrement châtiés. De là, le souverain a envoyé un message personnel à tous les transgresseurs de la loi, afin d'être clair, concret et fidèle à sa démarche. - Tu vas rencontrer ces chefs de clans, ces rebelles qui sont contre notre pouvoir, ordonna Abd er-Rahmân III à son émissaire Ahmed Ibn Ibrahim Touilledj, un jeune andalou né d'une union berbéro-mozarabe, qui répondait au pseudonyme d'Izemis, pour perpétuer l'esprit de son ancêtre, le compagnon de Tariq. Tu leur diras : Premièrement : que je suis tout à fait disposé à leur pardonner et à les considérer comme des citoyens andalous à part entière s'ils déposent les armes, cessent toute activité contraire à la loi et reconnaissent le pouvoir central du royaume de Cordoue que je représente. Deuxièmement : qu'ils me promettent d'effacer toute trace de rébellion et de lutter contre ceux qui mettent en danger la sécurité du royaume et qui s'allient avec les forces étrangères contre leur pays. Le jeune Ibn Ibrahim Touilledj-Izemis, accompagné de deux loyaux soldats, était parti, jusqu'à leurs bastions, débusquer les rebelles pour négocier avec eux leur reddition selon les conditions du souverain de Cordoue. En fin diplomate, il a réussi à faire admettre les points de vue de l'autorité centrale à plusieurs chefs rebelles, sauf à un groupe, le plus puissant, qui a refusé toute entente avec Abd er-Rahmân III et toute obéissance à ses ordres. Il s'agit de Omar Ibn Hafs Ibn Chafar, appelé Omar Ibn Hafsun. Ce rebelle était un chrétien converti à l'Islam. Il trouvait ses origines chez les wisigoths de la branche des nobles, car on suppose qu'il est le descendant du roi Witiza. Son grand-père Chafar Ibn Salim a été le premier musulman de la famille. En ayant le rapport de son envoyé spécial et le refus des Hafsun et de leurs alliés, le souverain, plus intelligent, n'a pas été remué pour autant, il s'était donné un moment de réflexion. En effet, il a attendu un bon laps de temps avant d'envoyer une armée de redoutables soldats pour les déloger de leurs territoires. D'abord, ce fut des attaques ponctuelles pour isoler Hafsun de ses ailes. Celles-ci s'effritaient au fur et à mesure et leurs défenseurs, Saïd Ibn Hadhil et Obeïd Allah Ibn Chelia, s'étaient rendus sans résistance avec un nombre non négligeable de petits chefs rebelles qui gardaient les hauteurs, surplombant la vallée du fleuve, plus connu sous le nom de la «Vallée du fleuve Abd Allah». Ainsi, toutes les régions rebelles ont été nettoyées sauf la région du château de «Bobastro», fief de l'opposition, où le leader Hafsun a élu domicile avec ses fidèles. Il fallait cependant vaincre cette insurrection, l'avenir politique de l'Andalousie en dépendait. Mais la crise économique qui a frappée le pays en 914 a accéléré la destitution de ce noyau fort de l'opposition. C'est alors qu'Ibn Hafsun, dénué de toute aide et malade de surcroit a annoncé sa reddition en 915, tout en gardant son autorité sur le château de Bobastro, son refuge, et sur certains endroits qu'il a choisis. Sa mort qui a été annoncée en 917 allait marquer la fin d'une révolte et d'un homme qui ont duré très longtemps dans un pays qui a été fortement secoué et mis en danger par des scissions, des dissensions et des rébellions de toutes tendances et de toutes natures. - Nous jurons ne pas arrêter notre guerre contre les Omeyyades ! répétaient ses enfants. D'accord, disaient plus d'un, mais cette progéniture n'était pas unie à cause des divisions qui la minaient et surtout à cause des ressentiments des uns envers les autres, ressentiments qui allaient se perpétuer après la mort du père. Ce comportement les a détruit à jamais et mis fin au rêve des Hafsun de voir un jour l'Andalousie sous leur pouvoir. En effet, c'était le rêve de leur père qui, de son vivant, travaillait «consciemment», inlassablement, pour l'atteindre. N'a-t-il pas, entre autres, sous l'émirat d'Abdallah intensifié les rébellions internes en Andalousie ? N'a-t-il pas profité pour signer des alliances avec d'autres rebelles «muwaleds», des chrétiens convertis à l'Islam, comme Ibn Mastana dans les montagnes de Cordoue, et Ibn El Saliya à Jaén, avec des Berbères comme les Banu Jalí de Cañete et avec des Arabes comme les Banu Hayyay de Séville ? Ces alliances devenaient des menaces mortelles pour l'émirat, bien que ce n'était pas un «royaume uni» sous le seul commandement de Omar comme quelques historiens l'affirment, ni une révolte exclusive de muwaleds, contre les Arabes comme le démontre la composition ethnique de
l'alliance. Omar Ibn Hafsun avait pris Estepa, Osuna et Ecija en 889 et conquit Baena en massacrant ses défenseurs. Quant à Priego et le reste de la Bétique, leurs soldats s'étaient rendus sans combattre. Ses troupes faisaient également des incursions près de la capitale, Cordoue. Le vaste Etat qu'il contrôlait avait établi des impôts et cherchait une légitimité en envoyant des émissaires en 891 aux Aghlabides de Tunis, les informant qu'il reconnaissait le califat de Bagdad. D'un tempérament très difficile et même dangereux, dégageant souvent un redoutable dédoublement de la personnalité, Omar Ibn Hafsun installait un évêque chrétien à Bobastro, construisait une église, et se convertissait au christianisme en 899, en se faisant nommer Samuel. En même temps, il tentait la reconnaissance de son Etat par le roi asturien Alphonse III le Grand. Plus tard, en 910, il envoyait une délégation aux Fatimides, lorsque ces derniers ont pris la succession des Aghlabides, les informant de ses plans contre les Omeyyades, non sans les prévenir qu'il était également chiite. Le nouveau siècle allait voir le début du déclin. Séville et Carmona dominées par l'Arabe Ibrahim Ibn Hayyay rompaient l'alliance. La nouvelle défaite d'Omar Ibn Hafsun à Estepa permettait à l'émir de reconquérir Jaén en 903. Les Berbères Banu Jali, plus compréhensifs, l'abandonnaient et se soumettaient à l'émir. Bobastro et tout son royaume se voyait attaqué par les armées d'Andalousie et perdait Martos en 906. La mort de l'émir Abdallah Ibn Mohamed et l'arrivée au trône de son petit-fils Abd er-Rahmân III aggravaient encore plus la situation. Le jeune omeyyade voulait pacifier son émirat. Il devait organiser une grande armée avec laquelle il allait conquérir de nouveau Ecija, puis devait-il marcher sur la sierra d'Elvira, prenant Baza et Salobreña en évitant l'attaque directe contre Bobastro. Pendant cette première expédition Abd er-Rahmân III avait récupéré 70 places fortes et 300 «husún» ou forteresses mineures. - En effet, avec ces places que nous avons récupérées, disait l'émir (il n'était pas encore calife), nous pensons avoir accompli ce qu'Allah nous recommandait en pareille circonstance. Aujourd'hui, nous sommes en 914, et nos attaques ont repris par la sierra de Takoronna, ce qui amena le déclin dans les rangs des Ibn Hafsun que nous avons vaincus à Ojén. Nous ne sommes pas arrêtés là, nous avons suivis la trace de nos ennemis par la côte vers Algésiras, puis nous nous sommes dirigés vers Séville pour la soumettre à notre volonté. Abd er-Rahmân III s'étendait ainsi sur ce sujet et de continuer : - Nous avons assiégé Carmona et nos ennemis les Banu Hayyay ont été obligés d'abdiquer en 917. La perte de Baeza en 916 et ses défaites devant Jaén et Antequera, obligeaient Ibn Hafsun à nous attaquer. Mais son fils Chafar, le chrétien, le voyant perdu, ne lui obéissait plus et, pour démontrer sa franchise et sa subordination envers nous, souverain de Cordoue, abandonnait son père en 917, qui allait décéder en septembre de la même année. Et la succession d'Omar Ibn Hafsun ? allez-vous poser cette question. Eh bien, son Etat ou ce qu'il en restait passait directement à son fils aîné Chafar, après avoir perdu plusieurs places en 919. Mais ce dernier a été assassiné en octobre 920. Lui succédait son frère Sulayman qui devait récupérer brièvement Ojén, en perdant Jete et Almuñécar en 921. Il sera capturé lors d'un combat en 927 et décapité, comme son frère Abd al-Rahmán. Son autre frère, Hafs, était aussi prisonnier. Après avoir perdu Malaga et Bobastro – la place mythique –, il s'est rendu le 19 janvier 928. Nous avions, en ce temps, presque terminé avec les révoltes, puisque Bobastro, le dernier bastion des Hafsun, était entre nos mains. A partir de là, nous sommes partis jusqu'à Malaga pour démolir les châteaux inutiles et remettre à l'ordre les partisans mozarabes de Hafs, le dernier fils d'Omar. C'est avec cette victoire définitive, qui lui a valu un grand prestige, qu'Abd er-Rahmân III, surnommé El-Naçir (le Vainqueur), a été encouragé à se proclamer calife en l'an de grâce 929 de notre ère. L'émirat de Cordoue a été jusqu'à cette époque politiquement et économiquement indépendant du califat abbasside de Bagdad. Cela s'expliquait, en son temps, par le fait qu'Abd er-Rahmân Ier a pris ses distances de ce pouvoir qui l'a chassé de la Capitale du Tigre. Abd er-Rahmân III El-Naçir décida, quant à lui, d'y ajouter l'indépendance religieuse en se proclamant calife, transformant ainsi l'émirat de Cordoue en «califat de Cordoue». Ce qui supposait, en termes clairs, qu'il s'était investi en tant que chef politique et religieux, ou en chef temporel et spirituel. Le calife était donc «commandeur des croyants et défenseur de la vraie foi». Il a un pouvoir absolu et personnel dans un des pays les plus peuplés d'Occident. C'était le 16 janvier 929 que l'émir de Cordoue prenait le titre de «calife» dans une région qui comptait déjà, en ce temps, presque 7 millions d'habitants... Il s'attachera à la transformation et à l'embellissement de sa capitale, à partir de 936. - Je veux, disait-il à ses architectes, que vous construisiez la plus belle cité qui puisse exister dans toute la région de Biled El Andalus. Elle servira de quartier général pour notre califat, en même temps que de centre névralgique pour toutes nos activités politiques, culturelles et scientifiques, en attendant qu'elle soit soutenue par d'autres cités et d'autres quartiers d'où se répandront les actions qui nous serviront d'asseoir notre propre civilisation, dans toute la région de la Méditerranée. J'attache du prix à ce qu'elle soit conçue de la manière la plus somptueuse, qu'elle soit également la plus coquette et qu'elle représente dignement la beauté et le charme de mon épouse Zahra…, parce que je veux l'appeler ainsi : «Madinet ez-Zahra», (la Cité de la Resplendissante). Je veux qu'elle soit ceinte de murs flanqués de tours. Je veux que l'on construise à l'intérieur une belle mosquée et un grand palais qui nous servirait d'habitation. Je veux enfin, qu'il y ait beaucoup de verdure et beaucoup de jardins creusés de bassins et parsemés de statues. Je les veux prolongeant les bâtiments. Et pour terminer cette agréable cité, je vous demande de m'ériger sur le porche d'entrée, la statue de Zahra, fière et libre…, la belle Zahra qui va donner son nom à la ville. Le calife a bâti «Madinet ez-Zahra» à quelques kilomètres au nord-ouest de Cordoue, à la cité palatiale, créée en l'honneur de son épouse. Elle s'étendait sur plus d'un kilomètre et demi de long et sept cent cinquante mètres de large, en trois étages, sur les pentes dominant la plaine. De ce fait, et après seize ans de lutte opiniâtre contre les diverses rébellions, Biled El Andalus a pu édifier son unité territoriale et politique. La consécration d'Abd er-Rahmân III El-Naçir au rang de calife était une réaction intelligente de sa part puisque le titre d'émir avait été longtemps galvaudé par tous ceux qui s'aventuraient dans des révoltes et qui s'intronisaient à la tête de quelques régions rebelles. Et ce titre devenait pour Abd er-Rahmân III une légitime fonction en même temps qu'une nécessité, car ces petits roitelets, des dissidents pour la plupart, ne pouvaient défier l'autorité du souverain de Cordoue, dépositaire officiel du pouvoir des Omeyyades en Biled El Andalus. Par ce fait, le souverain, s'étant aperçu que son règne a atteint son apogée, décidait de perpétuer la dynastie des Omeyyades avec les Beni Merouan, dont il était issu. Ceux-là, de véritables héritiers, ont réussi le transfert de la souveraineté de leur dynastie à Cordoue et ont su l'entretenir. Ainsi, les Abbassides ne pouvaient prétendre devenir les héritiers légitimes et encore moins les «commandeurs des croyants», parce qu'ils étaient considérés comme des dissidents au Maghreb, représentés par les Fatimides. Abd er-Rahmân III El-Naçir décidait régulièrement de regrouper ses principaux collaborateurs en des réunions de concertation. Il faisait même assister un noyau de jeunes conseillers et spécialistes en matière d'économie, d'aménagement du territoire et d'autres secteurs importants qui veillaient à l'essor de son califat. Ces séances de travail lui étaient très utiles car il apprenait beaucoup tout en ayant cette possibilité de transmettre directement ses orientations à ceux qui l'assistaient dans la conduite de son programme de développement. L'Histoire ne retiendra-t-elle pas que ce calife aura été, indépendamment du succès de sa gouvernance de l'Espagne musulmane, un homme plein d'amour pour la culture et que, sous son règne, la civilisation arabe a atteint son apogée en Biled El Andalus ? En effet, le calife, qui s'était permis de frapper sa propre monnaie et de rompre les derniers liens qui rattachaient son territoire au Califat de Bagdad, voyait très loin dans son règne, le plus long et le plus glorieux de l'époque musulmane. Ecoutons-le dans son discours, dans ses orientations et dans ses sentences, aux termes d'une séance de travail très longue en même temps que passionnante : - Nous sommes dans notre califat, de par nos moyens et les compétences de nos commis, les premiers à développer en Europe une économie urbaine et commerciale depuis la disparition de l'Empire romain. Et Cordoue, devenant de facto sa capitale, est la plus importante ville et le centre d'un riche royaume. Elle compte environ 100 000 habitants et, aujourd'hui, elle occupe la place de concentration urbaine principale d'Europe. Mais tout cela, le faste, mon titre de calife et la position privilégiée de notre capitale, même s'ils sont nécessaires, ne sont pas pour m'impressionner ou impressionner le gouvernant averti. Ce n'est pas cela l'essentiel ! Il faut rétablir le climat d'ensemble, maîtriser la situation sécuritaire et mettre fin à toutes les dissensions ethniques et religieuses ainsi que les oppositions et rivalités politiques qui peuvent envenimer la situation et retarder le
développement de notre califat et des autres régions que nous allons encore conquérir.


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