Depuis sa chambre d'enfant, près de Rouen, Rilès a connu un succès qui ne doit rien au hasard. Le rappeur est un artiste complet, autodidacte et indépendant. Il a tout appris sur YouTube et s'est fait connaître par le même canal. Son album Welcome to the jungle est sorti le 30 août. Il rappait et enregistrait dans sa chambre et a signé sur la prestigieuse maison de disque américaine Republic Records (Nicki Minaj, Drake, The Weeknd…). Cela ressemble à un conte de fées, qui doit beaucoup cependant à la volonté de son personnage principal. Né en 1996, Rilès Kacimi a passé son enfance dans un pavillon de Déville-lès-Rouen, en Normandie. Il se passionne pour le rap, français puis américain, de Rhoff et Booba jusqu'à Timbaland et Kanye West. Ce dernier est un modèle pour le jeune homme, dont les parents - Algériens d'origine kabyle - écoutaient autant Idir que Brassens. Une histoire C'est dans sa chambre qu'il se filme en train de reprendre des titres de Bruno Mars, Jay Z ou Kanye West à la guitare, puis au chant. À 17 ans, il publie une mixtape qui ne totalise que dix téléchargements. Cela ne décourage pas celui qui semble confiant en lui et qui explique : «Il ne faut jamais penser au passé ou au futur, mais toujours à l'instant présent. Sinon, tu provoques regrets ou anxiété. Cela ne m'aurait pas dérangé de manger des pâtes jusqu'à la fin de mes jours pour pouvoir composer de la musique. Mais même si tu crées un son légendaire, si tu n'as pas une histoire et des moyens de communication, ça ne prend pas. Car on vit dans une société où il y a une énorme concurrence». Avant une Fête de la Musique à Rouen, Rilès fait imprimer des affiches et des tracts pour annoncer son concert devant une pizzeria. Également peintre façon graffiti, il tente d'intéresser le producteur américain Mike Dean (du fameux album Watch the Throne) en lui envoyant un portrait qu'il a réalisé de lui et sa mixtape. Il retweetera le portrait mais pas la mixtape… Un titre par semaine En 2016, le rappeur de 20 ans se lance un défi intitulé Rilèsundayz : composer et publier un titre de rap chaque dimanche pendant un an. Au bout de 32 semaines, un coup de pouce salvateur lui est donné par le YouTubeur Seb la Frite. Il cumule vite 20 millions de vues sur YouTube. Avec son rap en anglais, sa coupe afro et son look streetwear, on le prendrait pour un Américain. Rilès chante dans la langue de Shakespeare, par pudeur et pour que ses parents ne comprennent pas ce qu'il raconte. Son accent impeccable, il l'a parfait durant trois années de fac d'anglais avant d'abandonner ses études pour la musique. «J'avais eu 20/20 au bac, je suis redescendu sur Terre avec 5/20 au premier contrôle. Cela a instauré un rythme et une rigueur. Il y a toujours moyen de progresser dans la vie !» s'amuse le jeune homme. Avec son salaire de pion, il va s'acheter du matériel de musique et d'enregistrement. Ce multi-instrumentiste a appris en autodidacte dans sa chambre en regardant des tutoriels et en participant à des forums sur Internet : musique assistée par ordinateur, enregistrement, mixage… Et Rilès s'occupe de tout lui-même : écrire les textes, composer la musique, chanter, enregistrer ses clips, organiser sa promo et même ses concerts. En 2017, sa tournée de 22 concerts se donne à guichets fermés dans toute la France. Après une journée assis derrière ses claviers et ses écrans, le Normand file à la salle de sport, même s'il a arrêté depuis quelques années la capoeira, ce qui l'aide à chorégraphier ses clips, souvent dans cette même salle de sport… De Rouen à Los Angeles Rilès a pour la première fois quitté la France direction la Californie. Il confie : «Je suis allé tout seul à Los Angeles dans des logements Airbnb pour négocier avec les maisons de disques, me faire des contacts et composer un tiers de mon album là-bas. On te dit : «Il faut que tu ailles à L.A. capter la vibe !» mais ce sont des conneries. Les meilleurs sons que je crée, c'est dans ma chambre !» Sur son premier album, on trouve une seule collaboration, celle du fameux Mike Dean, une rencontre que le rappeur attendait depuis longtemps. Le Normand a pour une fois tenté de ne plus travailler en solo, s'enfermant avec cinq autres beatmakers dans le sud de la France. «Je me suis pris des claques, ils étaient plus forts que moi. On apprend énormément des autres et cela remet l'ego à sa place». De ce côté-là, Rilès pouvait donner l'impression d'une comète à qui tout réussit, pas toujours très modeste quand il écrit sur Twitter : «Je sors le morceau de l'année toutes les semaines», ou bien «La vie est courte, pas l'art. Si je meurs, ma musique restera.» Clin d'œil à son idole Kanye West ? Le rappeur part à la conquête du territoire américain. Il glisse : «Enfin ! J'espère que ça va monter progressivement, je ne veux pas de 'one hit wonder (l'artiste d'un seul tube, NDLR). Je vais entrer dans le business de la musique, dans la jungle !»