Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie au Koweït    Agression contre l'Iran : Téhéran exhorte la communauté internationale à demander des comptes à l'entité sioniste    Accidents de la route : 50 morts et 1836 blessés en une semaine    Relizane : le Moudjahid Abed Salmi inhumé à Mazouna    Commerce extérieur : le ministère appelle les sociétés d'importation à fournir une liste de documents avant le 31 juillet    Hydrocarbures : ouverture des plis des compagnies participant à l'"Algeria Bid Round 2024"    Sonatrach : approbation du bilan annuel et financier 2024 lors de l'Assemblée générale ordinaire    L'Iran condamne la "lâcheté" de l'attaque sioniste contre la télévision d'Etat    Iran: les frappes sionistes contre la télévision d'Etat ont fait trois martyrs    La DG de la Communication dément la tenue de toute entrevue médiatique entre le Président de la République et des organes de presse étrangers    L'USMA stoppe l'hémorragie, l'USMK enchaîne    « Lorsque l'intérêt d'Israël est en jeu, l'Amérique oublie tous ses principes »    Le site nucléaire iranien de Natanz subit des dommages superficiels    La Palestine salue le rôle pionnier de l'Algérie    Quels impacts le classement du GAFI (Groupe d'action financière) sur la liste grise et noire dans la lutte contre la corruption ?    Entre modernité et modalités d'accession et de relégation    Gattuso devient l'improbable homme providentiel    La technologie Oled décryptée pour les journalistes algériens    La première journée des épreuves marquée par une bonne organisation dans les wilayas de l'Est du pays    Vers une régulation moderne des importations et exportations    Une date célébrée à travers plusieurs wilayas de l'est du pays    APN: les textes adoptés renforcent l'assise législative et institutionnelle de secteurs stratégiques    Ligue 1 Mobilis: l'USMA stoppe l'hémorragie, l'USMK enchaîne    Futsal: dernier module de la formation fédérale du 28 juin au 2 juillet à Tipasa    El-Oued: Quinze œuvres sélectionnées pour le 4e festival international du monodrame féminin    Journée mondiale de l'enfant africain: le ministère de la Solidarité nationale organise une cérémonie au Jardin d'essai du Hamma    APN: adoption de la loi relative à la mobilisation générale    Conseil supérieur de la Jeunesse: une caravane pour la préservation de la biodiversité fait une halte dans la wilaya d'Illizi    Festival national du théâtre comique: 7 pièces sélectionnées pour décrocher la "grappe d'Or"    Foot/CAN féminine 2024 (décalée à 2025) : début du stage des Algériennes à Oran    C'est parti !    Ghaghaa, la fontaine oubliée... ou l'art d'assoiffer la mémoire    Les lauréats de l'édition 2025 couronnés    Des chercheurs ont créé un outil pour repérer les ouvrages toxiques    L'Autorité nationale indépendante de régulation de l'audiovisuel met en garde    L'Algérie est en mesure de relever toute sorte de défis !    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Monologue de l'institutrice néo-retraitée
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 12 - 09 - 2010

Je sais ce que vous allez penser. Cinquante-cinq ans, c'est trop jeune pour prendre sa retraite. C'est ce que me dit mon vieux père. Lui aussi était instituteur avant de devenir directeur d'école primaire. C'était une autre époque. Il n'imagine même pas ce qu'est devenu le métier. Ne croyez pas non plus qu'il s'agisse d'un effet d'aubaine. Cela fait longtemps que j'ai pris ma décision. Avant même que Sarkozy ne soit élu et qu'il ne lance sa réforme. Dès le milieu des années 1990, j'avais compris que les choses allaient empirer. Croyez-moi, pour être instit aujourd'hui, il faut avoir la vocation et se dire que rien ne sera facile.
Dans cette petite école que vous connaissez bien, j'ai vu les choses se dégrader peu à peu. Je ne parle pas des conditions matérielles même si avoir des classes de trente gamins est un non-sens pédagogique, surtout lorsqu'on sait que la maternelle est destinée à les préparer au CP. Non, je parle des comportements. On se connaît bien, n'est-ce pas ? Vous savez que je ne suis pas raciste mais il y a des choses qu'il faut dire sans se voiler la face.
Il y a trente ans, des parents immigrés, maghrébins ou africains, venaient nous voir en nous disant : « si mon enfant ne travaille pas bien, s'il se comporte mal, il ne faut pas hésiter à le corriger. Frappez-le autant que vous voudrez pourvu qu'il réussisse ses études. » On avait du mal à leur expliquer que c'était interdit, que ce n'était pas notre rôle mais ce qui m'émouvait le plus, c'était cette confiance totale qu'ils avaient en nous. Ils comptaient sur nous pour que leurs enfants s'en sortent mieux qu'eux. Vous ne pouvez pas imaginer quelle motivation cela créait. Je me sentais obligée d'en faire plus pour leurs gamins, de n'avoir de cesse de les tirer vers le haut.
Et puis les choses ont changé. Maintenant, le moindre reproche équivaut à une accusation de racisme. On y réfléchit à deux fois avant d'écrire un mot sur le carnet de correspondance. Quand vous demandez à voir les parents parce que le gamin dit des insanités en classe – allez savoir où il les a apprises – vous savez que vous vous engagez dans un processus qui peut vous mener au tribunal. Si, si, je vous assure. Ça m'est arrivé il y a deux ans. La directrice et moi on s'est retrouvé devant la justice parce qu'on avait osé dire à des parents qu'ils feraient peut-être bien d'emmener leur fils de cinq ans consulter un psychologue. Il n'arrêtait pas de frapper – violemment – ses camarades. Que conseiller d'autre ? Le ton est très vite monté, il y a eu d'autres motifs de convocation et, au final, il a fallu que je trouve un avocat…
J'ai toujours du mal à comprendre. Je suis sûr qu'au Maghreb ou en Afrique noire, ces parents ne se comporteraient pas comme ça. Je suis allée au Mali, j'ai vu à quel point l'instituteur y est respecté. Ça me rend amère. Se faire traiter de raciste parce qu'au bout de la dixième fois, on finit par reprocher aux parents de ne pas avoir signé le carnet de correspondance ou de ne pas avoir vérifié si le travail demandé a été fait, est quelque chose d'injuste. On m'a menacée, injuriée. Quand je convoquais des parents, c'est parfois un vague cousin voire un voisin qui se présentait les mains dans les poches ou bien alors, c'était le grand frère qui me disait, l'air de rien, qu'il connaissait mon adresse... Vous imaginez comment les choses doivent se passer au collège.
Mais ce n'est pas le pire. J'en parle parce que ce sont des expériences un peu traumatisantes mais, pour être honnête, elles ne sont pas les plus nombreuses. Je pense même que cela pourrait rester supportable s'il n'y avait pas le reste. Le quartier a changé. Avant, il y avait une vraie mixité sociale. Maintenant, c'est le règne des bobos. Ils ont de l'argent, ils pensent que l'école est un commerce comme les autres, qu'il suffit qu'ils exigent pour obtenir ce qu'ils veulent et que le personnel de l'éducation est à leur service. Petit à petit, les associations de parents d'élèves ont commencé à leur ressembler. Elles sont vindicatives, soupçonneuses, tatillonnes. Le dialogue est difficile alors que l'on pourrait penser que ce serait l'inverse avec ces gens instruits et cultivés.
La décontraction du bobo est un leurre. Ça donne l'impression de ne pas se soucier des contraintes de la société, de s'en être affranchi, mais en réalité, ça met une pression terrible aux enfants pour qu'ils soient les meilleurs, pour qu'ils sachent lire et compter avant tout le monde – alors que ce n'est pas l'objectif pédagogique de la classe. Ça veut du travail à faire à la maison, ça exige des cours d'anglais et d'informatique. Ça arrive le matin en trottinette ou rollers aux pieds et, sans dire bonjour, ça fait un scandale parce que l'on ne retrouve pas la cagoule du petit. Il y a aussi la question des horaires. On a beau expliquer qu'il faut absolument que la matinée de travail commence à huit-heures quarante, des parents déposent systématiquement leurs enfants avec quinze minutes de retard. « Vous êtes des névrosés de la montre », m'a même dit l'un d'eux.
On demande trop à l'école. Avant, il s'agissait de donner une éducation aux enfants. Maintenant, il faut les élever ainsi que leurs parents. On se prend dans la figure tous les dysfonctionnements de la société et, dans le même temps, le gouvernement réduit les effectifs et entretient l'idée que l'éducation nationale est un gouffre de gaspillages. Je crois que la droite n'a pas fini de prendre sa revanche sur les instituteurs. Je suis persuadée qu'elle n'a jamais pardonné leur rôle dans le combat pour l'école laïque ou pour le Front populaire. On monte les gens contre nous, on nous accuse d'être des privilégiés à cause des vacances mais on oublie ce qu'enseigner exige comme sacrifices et don de soi. Un pays qui n'aime pas ses instituteurs est un pays qui va mal, monsieur. Qui va très mal.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.