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Robert et la dispute conjugale
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 13 - 10 - 2011

La nuit est sans étoiles ni clair de lune. C'est une heure où enfants sages et parents raisonnables dorment depuis longtemps. Je hâte le pas en descendant le boulevard Pasteur.
Au loin, la Tour Eiffel va bientôt scintiller pendant quelques minutes. Sur le trottoir, déboulant dans mon dos, un cycliste m'évite de justesse. Je lui demande pourquoi il ne roule pas sur la chaussée, il m'envoie deux ou trois grossièretés qui me donnent envie de le poursuivre pour lui faire avaler le guidon de son vélib'. Mais je suis trop fatigué et j'ai hâte de rentrer. Demain, ou plutôt tout à l'heure, la journée sera longue et bien remplie. Inutile de gaspiller ses forces.
A l'angle de la rue Vaugirard, une femme surgit en courant. Elle est poursuivie par un homme corpulent qui, la traitant de dame de petite vertu, lui ordonne de l'attendre. Il respire bruyamment et son souffle rauque me fait penser à un vieux transistor des années soixante-dix. Elle obéit et fait face, menton levé et index pointé. «T'as pas intérêt à me taper encore. Je t'avertis, j'vais crier et j'irai aux flics», hurle-t-elle. Il se met à rire, se tenant les côtes, le buste penché vers l'avant. «C'est ça, fais-moi peur… Tu sais bien que plus tu brailles et plus je t'aime», lui lance-t-il avec une douceur étonnante dans la voix.
Je ralentis mon pas, me disant qu'il vaut peut-être mieux traverser. A chaque fois que j'assiste à ce genre de scène, je repense à l'une des rares fois dans ma vie où l'on a bien voulu de moi dans une pièce de théâtre. C'était «Le Médecin Malgré Lui». Je jouais le (petit) rôle de M. Robert, le brave voisin qui cherche à s'interposer quand Sganarelle corrige sa femme Martine. Au final, le pauvre Robert se prend quelques soufflets de la belle, solidaire de son époux, et s'enfuit la joue brûlante et l'esprit méditant sur l'importance de ne jamais se mêler des disputes conjugales fussent-elles musclées.
Je m'apprête à prendre la clé des champs quand la prise de bec dégénère. Avec une rapidité d'exécution qui tranche avec sa corpulence, l'homme met un coup de poing dans la figure de la dame qui tourne sur elle-même avant de tomber à terre. Impossible de regarder ailleurs ou de fuir. Je m'interpose. «Laisse-moi la finir. Elle m'a trahi !» me hurle le cogneur tandis que je le repousse par les épaules. Je lui parle le plus lentement possible, sans crier, méthode classique et maintes fois éprouvées pour dompter les énervés.
Il a l'haleine avinée et les yeux pratiquement clos. Il cherche à me faire perdre l'équilibre et le maintenir immobile n'est pas facile. Je lui demande de se calmer, de ne pas commettre de bêtise qu'il pourrait regretter. «Mais tu ne comprends-pas ! Elle m'a trahi ! Elle a un petit copain !». Je lui réponds, en le vouvoyant, que cela ne lui donne pas le droit de la frapper et que si cela continue, il risque de se retrouver au poste de police. «T'es flic ? C'est ça ? Mais, c'est elle qu'il faut arrêter ! Elle m'a trahi. Elle a un amant. L'adultère, c'est la prison, non ?».
De temps à autre, je jette un coup d'œil derrière mon dos, surveillant la dame qui s'est relevée. Elle a allumé une cigarette et semble indifférente à ce qui se passe. On dirait qu'elle réfléchit à ce qu'elle doit faire. Puis, sans crier gare, elle se met à hurler des obscénités. Des mots gras et méchants qui laissent entendre que l'homme que j'ai du mal à contenir n'en serait pas un. Au dessus de nous, des volets s'ouvrent. Je me dis que l'on va bientôt recevoir un seau d'eau sur la tête, arme classique des Parisiens excédés par les bars et cafés qui restent ouvert tard la nuit et dont les clients sortent sur le trottoir pour fumer et cancaner à voix trop haute.
Alors que je commence à fatiguer, un passant s'approche. Je reconnais le cycliste qui m'a tangenté. Une idée folle me traverse la tête. «Voici l'amant de votre femme» dis-je en le montrant du doigt. «Regardez comme il est laid. Un type comme lui ne vous fera pas concurrence longtemps». Le cycliste incivique est interloqué. Il ne comprend pas. Ou plutôt, il devine vite qu'il a intérêt à détaler. Dans ma peine du moment, je suis satisfait en le voyant s'éloigner le dos voûté, comme s'il craignait de recevoir un mauvais coup. Vengeance... Mais le mari trompé n'apprécie guère la plaisanterie.
«C'est quoi cette histoire ? Tu te fous de moi ? J'le connais son amant ! Il est Noir. C'est pour ça que j'la cogne. Me faire ça avec un n… !». Je perds patience. L'envie me prend de bastonner cet abruti. Il n'a toujours pas renoncé et lance parfois son pied vers l'avant. Je ne sais pas comment me dépêtrer de cette histoire. Je me tourne vers la femme et lui demande de s'en aller pour qu'il puisse enfin se calmer. Elle me regarde à peine et hausse les épaules en continuant à tirer sur sa cigarette. D'une fenêtre, une voix excédée annonce qu'elle a appelé la police.
Quelques minutes plus tard, une voiture banalisée s'arrête à notre hauteur. «Pourquoi vous battez-vous ?» nous demande l'un des policiers en civil. Tandis que j'explique la situation, une angoisse me saisit. J'imagine le scénario catastrophe qui risque de se dérouler. La femme qui jure que son homme ne la battait pas, lui qui m'accuse de les avoir agressés et moi qui me retrouve au poste, puni bien plus sévèrement que M. Robert. Enchaînement de catastrophes, garde à vue, bavure, avocat et tout le tintouin…
Finalement, tout s'arrange. On me remercie du bout des lèvres et on me laisse partir non sans m'avoir demandé de décliner mon identité. La tête un peu lourde et les jambes flageolantes, j'abandonne les présumés infidèle et cornu à leur sort incertain. L'air frais de la nuit me fait vite du bien et voilà que j'accélère de nouveau le pas me disant qu'avec un peu de chance, je risque peut-être de rattraper le cycliste indélicat…


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