Le Tribunal criminel de 1re instance d'Oran a examiné, lundi, une affaire dans laquelle cinq personnes, dont une en état de fuite, étaient accusées de trafic de drogue portant sur la quantité de 389 kg de résine de cannabis. Les faits remontent au mois d'octobre lorsque, agissant sur la base de renseignements faisant état de l'existence d'un réseau de trafic de drogue, entre Maghnia et Tébessa, la gendarmerie nationale a dressé plusieurs barrages entre les wilayas de Tlemcen et Oran. Dans un premier temps, une Renault 21, conduite par un certain B. Mustapha, est arrêtée près de la localité de Sidi Benadda, wilaya d'Aïn Témouchent. Selon les services de sécurité, il s'agit du véhicule chargé de sécuriser l'itinéraire pour le Renault Master, convoyeur de la drogue, qui suit à quelque distance. Manifestement averti de l'imminence de son arrestation, le suspect Mustapha aurait alerté le chauffeur du fourgon puisque celui-ci a dévié du tracé suivi par la R21 et emprunté une autre route. Il sera, tout de même, intercepté par d'autres gendarmes dans la localité de Aïn Kihal, dans la même wilaya d'Aïn Témouchent, à 27 km au sud de Sidi Benadda. Au cours de cette interception mouvementée au cours de laquelle des coups de feu ont même été tirés, le chauffeur du Renault Master, gendarme du nom de A. Seifeddine, réussira à prendre la fuite, abandonnant là un chargement de près de 4 q de kif et son accompagnateur, M. Youcef. Au terme de l'enquête et de l'instruction, B. Mustapha, A. Seifeddine (qui s'est rendu entre temps), M. Youcef, un certain M. Mohamed, présumé chef de réseau, et R. Jalal (en état de fuite) seront mis en accusation pour importation, transport et détention, en vue de mise en vente de produits stupéfiants en bande organisée, conformément aux articles 19 et 17 (alinéas 1 et 3) de la loi 04-18 portant prévention et répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes. Lors du procès, M. Youcef, pêcheur de 37 ans, et A. Seifeddine, gendarme âgé de 30 ans, qui se trouvaient à bord du Renault Master, ont juré qu'ils ignoraient transporter de la drogue. Seul B. Mustapha, 34 ans, qui conduisait la R21, reconnaitra avoir accepté la proposition pour pouvoir subvenir aux soins de sa fille malade. Il niera, toutefois, connaître M. Mohamed, qui se trouvait à ses côtés dans le box des accusés : « Ce n'est pas lui Mohamed, alias Cow-boy', que j'ai évoqué au cours de l'enquête», a-t-il affirmé. Lorsque, plus tard, lors des plaidoiries, le président d'audience lui montrera une photo remise par l'avocat de M. Mohamed, Mustapha identifiera clairement Mohamed Cow-boy : « C'est bien l'homme avec lequel j'ai traité ». A la barre, M. Mohamed, berger de 34 ans, niera une quelconque implication dans cette affaire, les gendarmes, dira-t-il, ayant fait la confusion entre lui et son cousin qui s'appelle également M. Mohamed. Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public affirmera que les mis en cause sont bien coupables des faits reprochés et réclamera la détention à perpétuité. Les avocats de la défense qui défileront au prétoire seront unanimes à dénoncer les accusations d'importation et de trafic en bande organisée (cette dernière emporte la réclusion à perpétuité) en soutenant qu'elles ne sont pas fondées dans l'affaire jugée. Individuellement, l'avocat de M. Youcef dénoncera « les tortures auxquelles son client a été soumis » lors des premiers interrogatoires et qui ont permis aux services de sécurité d'extorquer « les aveux sur lesquels le ministère public s'est basé pour requérir la perpétuité ». Il soulignera également les conditions sociales précaires de son client - qui ont permis aux barons de la drogue de l'exploiter - pour finir par demander les circonstances atténuantes. Circonstances atténuantes que l'avocat de B. Mustapha réclamera, en rappelant, que son client n'a pas fait de difficultés pour admettre avoir trempé dans cette affaire et qu'il l'a fait pour soigner sa fille malade. Le défenseur du gendarme A. Seifeddine plaidera l'ignorance de son client de la présence de la drogue dans les entrailles du Renault Master et réclamera l'acquittement pur et simple. Quant à l'avocat de M. Mohamed, il produira divers documents administratifs prouvant que son client a été impliqué à la suite d'une grave erreur, née d'une confusion inadmissible, que personne n'a malheureusement rattrapée. Il demandera l'acquittement. Après délibérations, le Tribunal criminel de 1re instance condamnera le gendarme Seifeddine à la réclusion à perpétuité, et prononcera les peines de 20 ans contre M. Youcef, 15 ans contre B. Mustapha et élargira la victime M. Mohamed. Quant au fuyard R. Jalal, il sera condamné à la perpétuité par contumace.
