Quelles que soient les grandes théories transportantes, les convictions débordantes et les vérités prenantes, parler au nom des autres et s'échiner à les représenter par une autoproclamation évidente sur des sujets relevant de l'avenir de la nation est sérieusement désopilant. On peut disposer d'un agrément administratif pour occuper le terrain politique, mais cette autorisation n'a que la valeur réduite comparable à celle des calculs de ceux qui l'ont accordée. La reconnaissance administrative est une chose, celle populaire en est une autre quand le choix des acteurs est dévolu avec un arbitraire aujourd'hui prouvé par le condensé des prisons. La désobligeance est encore plus pesante quand on se targue de détenir des recettes personnelles prétendument acquises au bénéfice d'un flirt intéressé avec le pouvoir et auquel on a donné le dos à cause d'une individuelle déconsidération dégradante. Des orateurs passionnés par l'écoute d'eux-mêmes et dont le mandat de tribuns n'est justifié que par la sympathie d'une bande de copains croient dur comme fer qu'ils sont investis par un destin national. S'ils ont tous les droits de formuler leurs analyses et leurs idées, ils font fi avec une légèreté déconcertante de la longue distance qui les sépare de la majorité de la population et que celle-ci ignore leurs visages et leurs noms. La désarticulation de la communication à tous les niveaux, souvent par l'humeur des uns, conjuguée avec la langue de bois des autres, est la première responsable de cette occupation indue du terrain. Chacun et n'importe qui s'investit sans carrure objective comme légataire du peuple. Craignant le tintamarre des casseroles et la force de l'étau de la raison, les gouvernants du pays avaient tout intérêt à ce que le mutisme de la compétence et de l'intelligence soit la règle. On dira que c'est là un exercice et une culture universels offrant la latitude aux sornettes intéressées et aux théories d'écoliers de se déployer. Il est vrai que la nature a horreur du vide. Mais les terrains politiques en friche ne sont pas des biens vacants et contrairement aux fausses certitudes la rigueur implacable de la nature est toujours complice du temps. A défaut d'épouser les vraies préoccupations terre à terre de la population, le volontarisme impudent va toujours à la rencontre des individuelles déceptions et il peut parfois se diluer dans l'obscurité des prisons.