A pratiquement une semaine de la fête de l'Aïd El-Adha, les seize marchés à bestiaux que compte la wilaya de Tiaret gardent leurs portes fermées pour cause de Covid-19. Flanqués de leurs moutons, certains éleveurs et autres maquignons viennent s'aventurer dans les parages de la ville de Tiaret, mais ils sont vite chassés par les services de sécurité qui veillent au grain. Cette année, même si tout le monde n'a pas le cœur à festoyer, de nombreux chefs de famille ne comptent pas déroger au rite du sacrifice pour satisfaire les caprices de leurs progénitures. Selon des connaisseurs au fait des arcanes du monde agricole, il est possible que les pouvoirs publics autorisent l'ouverture de points de vente contrôlés, «puisque la commission nationale de la Fetwa a autorisé le rite du sacrifice», nous explique notre interlocuteur. Ce dernier exprime néanmoins sa crainte de voir la proximité, inévitable lors des opérations d'achat et de vente de bêtes, constituer une menace majeure pour la santé publique, en l'absence du respect des mesures préventives et des gestes barrières, par à la fois les éleveurs et les citoyens. Il faut dire que pour la première fois depuis des années, la contrebande du bétail a baissé dans des proportions importantes. Affectés par la pandémie et les mesures de confinement, les éleveurs, avec des quantités importantes de têtes d'ovins sur les bras et des cheptels en constante augmentation, ne peuvent pas supporter la fermeture des marchés à bestiaux durant la seule période où ils amortissent leurs frais. Et même si la tendance générale est plutôt à la baisse des prix du bétail, les éleveurs se trouvent dans l'obligation de céder leurs cheptels pour éviter de grever leurs frais. Cette année, les maquignons et autres spéculateurs risquent bien d'en prendre pour leur argent, pour au moins deux raisons : la disponibilité du bétail en grande quantité (on parle de 32 millions de têtes au niveau national) et le comportement peu raisonnable du citoyen qui a appris à attendre le bon moment pour acheter son mouton, même si cette année intervient dans une atmosphère anxiogène, marqué par la propagation du coronavirus et l'annulation du Hadj. Et même si les ventes n'ont pas réellement démarré, comme cela a été confirmé par des éleveurs de la région de Sougueur, plaque tournante du commerce du mouton, les prix devraient continuer à baisser jusqu'à la veille ou l'avant-veille du jour «J», où un bon antenais pourrait être acquis moyennant une somme raisonnable : autour de 15.000 dinars. Pour d'autres spécialistes de la question, le prix au détail des viandes rouges, jusqu'à 1.300 dinars le kilogramme, n'est pas un bon indice pour aller tirer vers le bas les prix des moutons, à pratiquement une semaine de l'Aïd. Dans une région, à la réputation un peu surfaite, celle d'y consommer la viande la moins chère du pays, le prix de l'ovin n'a pas encore baissé pour se mettre... à la hauteur de la bourse du citoyen lambda. Surtout que la triche, encore et toujours, sévit avec ces faux éleveurs qui engraissent leur bétail aux hormones de croissance ou les nourrissent avec de l'aliment de volaille. Mardi, des éleveurs installés dans des fermes autour de la ville de Tiaret commençaient déjà la vente sur pied de moutons. «Les normes d'hygiène ne sont pas respectées partout, d'où le risque de propagation du virus» note, inquiet, un père de famille qui veut faire le sacrifice pour faire plaisir à ses enfants, «même si j'ai peur pour ma famille et mes enfants», reconnaît-il. Pour Ali qui a fait un tour jusqu'à la commune steppique de Aïn Dheb, les prix, malgré la crise sanitaire, n'ont pas connu une baisse importante. «Les tarifs sont pratiquement les mêmes que ceux de l'année dernière», nous confie-t-il. D'autres, par crainte de contracter le virus, préfèrent commander leur mouton sur le Net ou se faire livrer à domicile, un ou deux jours avant le jour «J». Pour Laïd, un maquignon fort connu dans les marchés à bestiaux de la région du Sersou, les «affaires vont plutôt bien avec des commandes qui arrivent d'un peu partout dans le pays». A espérer enfin que la «bête «à sacrifier, ne sera pas chère - encore une fois - le modeste citoyen, déjà «essoré» jusqu'à... la moelle par des dépenses incompressibles depuis le mois de Ramadhan, en mai dernier.