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Malika Mokaddem. Romancière
Publié dans El Watan le 01 - 02 - 2007

Vous naviguez entre Montpellier et l'Algérie. Comment vivez-vous
cela ?
Où que je sois, face à la mer, je pense à l'autre côté. Mes «ici» et mes «là-bas» s'inversent. A Montpellier, j'ai conquis l'espace nécessaire à l'écriture. L'Algérie en reste la matière, le sujet dominant. Ce n'est pas un hasard si la proximité de la Méditerranée est devenue indispensable à ma respiration. Elle est mon autre désert. Délivrée du premier où j'ai vécu, j'ai pu me rendre compte à quel point je suis à jamais marquée par ses immensités, moi qui y ai tellement suffoqué. J'aime l'idée d'avoir deux rives. D'être une femme de deux Sud.
Cette double appartenance influence-t-elle votre écriture ?
Elle me préserve des conceptions manichéennes, du nationalisme toujours réducteur. Elle aiguise mon esprit critique, ma lucidité en me forçant à envisager les deux sociétés dans leur complexité. Elle me permet une liberté de ton, exigence première de mon écriture.
On dit souvent que vous représentez «le nouveau roman féminin» en littérature algérienne…
J'ai abordé l'écriture après un parcours singulier. Mon tempérament révolté ne pouvait m'inscrire dans une quelconque continuité. Du reste, il y a une telle différence entre mes premiers livres et les derniers. Cela reflète la progression dans mon écriture mais aussi une réaction contre tous ceux qui voudraient m'enfermer dans des perceptions exotiques ou des clichés sur «l'écrivaine du désert», la femme engagée, etc.
Comment définissez-vous l'écriture féminine ?
Il n'y a pas une écriture féminine mais des écritures de femmes ! On écrit avec une histoire-la sienne inscrite dans celle d'une contrée ou construite contre elle – avec une pensée, une sensibilité, un corps. Certes, nous partageons toutes quelques aspirations, parfois dans des contextes similaires. Tout ce qui relève des émotions est universel. Mais nous n'avons pas les mêmes préoccupations ni les mêmes objectifs lorsqu'on naît aux USA, en Suède ou en Algérie… Cependant, la prouesse de tout écrivain, c'est aussi de se mettre dans la peau de l'autre.
Qu'est-ce qui vous a décidée à publier ?
Pendant l'adolescence, je dévorais des livres. Lire avec cette avidité, cette nécessité-là «c'était déjà écrire» comme l'a affirmé Duras. Je viens d'un milieu très pauvre. J'ai dû commencer à travailler à partir de quinze ans, parallèlement aux études, du lycée jusqu'à la fin de ma spécialité. Cela ne laissait aucune éventualité à la survenue de l'écriture. D'examens en diplômes avec, de surcroît, les difficultés de transplantation en France, l'écriture était toujours différée. Ce n'est qu'après mon diplôme de néphrologue qu'elle s'est imposée. «Les hommes qui marchent» est mon premier texte. Sa publication représentait l'aboutissement de l'écriture car, pour moi, l'acte d'écrire a pour corollaire la volonté d'être publiée. Ils n'ont jamais été dissociés. Alors, j'ai envoyé mon manuscrit par la poste. Et quelques premiers refus ne m'ont pas découragée…
Etre née à Kenadsa, ce n'est pas anodin pour une romancière. Que vous a apporté la vie dans le désert ?
Ce n'est pas anodin, en effet. Cette vie fut, pour moi, un réel enfermement et les quatre mois de vacances, un calvaire. C'était plus la pauvreté et les traditions qui me séquestraient. Les températures extrêmes s'y ajoutaient. Seule la lecture me permettait d'échapper à cet univers carcéral. Les livres étaient les seuls voyages possibles. La lecture a été mon unique liberté jusqu'au bac. Mais quelle liberté ! Elle nourrissait ma rébellion, structurait ma réflexion. C'est grâce à cette adolescence plongée dans les livres que je suis devenue écrivain.
Votre roman, La Transe des insoumis, décrit une vie de combat. Etes-vous féministe ?
Une vie de combat, oui, mais en solitaire. Je suis plus rebelle et insoumise que militante. Mais je ne renierai pas le féminisme. Nous lui devons tant d'acquis.
Pourquoi le «je» est-il souvent utilisé par les romancières ?
Le «je» est utilisé par tellement d'hommes aussi. Parfois, «je est un autre», comme l'a si bien dit Rimbaud. C'est le cas pour tant de grands textes. Une narration à la première personne du singulier permet à l'écrivain d'incorporer un personnage, quelles que soient, par ailleurs, ses divergences avec lui. Les femmes qui écrivent sont de plus en plus nombreuses. C'est peut-être parce que leur «je» fait masse, qu'il se remarque davantage. Pour certaines d'entre-elles-celles qui viennent de très loin à la liberté d'écrire-utiliser ce pronom-là est comme un acte de foi en soi.
Pour aller ainsi toujours de l'avant, qu'est-ce qui vous inspire, vous motive le plus ?
Le besoin d'avancer au plus près de quelques vérités, d'ouvrir davantage de champ à ma liberté. Lorsqu'elles ne sont pas parvenues à vous casser, les épreuves traversées vous maintiennent dans l'élan de la vie. Parfois en suspens comme un funambule.
Médecin, vous avez une vie sociale et professionnelle active. Quand écrivez-vous ?
Le temps de l'écriture, je le prends sur tout le reste. Je ne suis médecin qu'une semaine par mois, trois jours puis quatre d'affilée. Lorsque je suis en train d'écrire, je n'accepte pas d'invitation ou très peu, le temps de souffler. Je vis seule, je n'ai pas d'enfant. En fait, l'écriture règne sans partage sur ma vie.
Lorsque vous écrivez, partez-vous du réel ? Ou bien d'une idée qui vous pousse à faire des recherches ?
Ecrire n'est pas raconter ! J'ai besoin, parfois, de vérifier une date, un fait, par besoin d'exactitude. Pour le reste, j'écris avec ce que je sais. Une petite part consciente et l'inconnu, l'insondable. L'idée de départ en écriture n'est qu'un prétexte à l'exploration de l'enfoui, de l'insoupçonné dans lequel se creuse l'écriture.
Vos personnages sont souvent des femmes révoltées, avec une sensibilité à fleur de peau…
Parce que je suis comme ça. Dans nos traditions fossilisées, ce sont ces femmes qui m'intéressent car elles font exploser les carcans. Les autres reproduisent dans tous les sens du mot. Démultiplier ces singularités me permet peut-être de ne pas me sentir totalement seule, de transformer les efforts de cette solitude en volupté.
Dans un de vos romans, Isabelle Eberhardt apparaît en «clin d'œil» ?
Oui, juste avant de mourir, elle a vécu quelques mois dans mon village. Enfant, on me montrait «la chambre de la roumia» près de la zaouïa. J'aimais cette figure de femme libre. Ses Lettres et journaliers sont magnifiques. Ils m'ont donné sa vision, une description de ma région au début du siècle. L'un des textes porte sur Kenadsa. Nous avons eu, toutes les deux, des parcours inverses.
Vous percevez-vous comme une porte-parole des femmes, sinon des Algériennes ?
Je participe à battre en brèche les amalgames et les jugements simplistes véhiculés de par le monde à leur encontre. Ça, c'est certain. Alors comment pourrais-je, moi aussi, considérer que les Algériennes représentent un groupe monolithique ? Elles sont merveilleusement diverses. Et je ne serai jamais porte-parole. Je suis écrivain.
Pensez-vous que la littérature puisse influer la politique ou le social ?
Evidemment ! Elle porte en elle son «pesant de poudre», selon la formule de Kateb Yacine. Il suffit d'observer comment les régimes répressifs la craignent et la censurent pour en mesurer la charge, le potentiel subversif.
Votre production littéraire est clairement située dans le postcolonial. D'après vous, peut-on aujourd'hui sortir de ce marqueur historique ?
L'impact de l'histoire est incontournable, surtout quand il marque de façon indélébile la vie de l'écrivain. Cependant, pour beaucoup de lecteurs, le fait historique n'est que le révélateur qui sert à développer, à faire émerger des tempéraments. Mais j'avoue que tout ce qui relève de la besogne des classificateurs invétérés ne m'intéresse pas.
En tant que citoyenne, comment percevez-vous l'Algérie aujourd'hui ?
La paix retrouvée laisse transparaître quelques améliorations ici et là. Mais le désastre est si grand. J'ai déploré le manque de courage politique qui a conduit à un simulacre de réforme du code de la famille au lieu de son abrogation. Autre constat terrible, le nombre d'Algériens vivant dans la misère sur une terre riche de ressources. Et malgré toutes ces faillites politiques, encore le népotisme, le diktat de quelques clans, l'arbitraire, les archaïsmes. Et la liberté d'expression toujours menacée.
BIO-EXPRESS
Née le 5 octobre 1949 à Kenadsa (w. de Béchar), Malika Mokaddem, après des études à Oran et Paris, devient néphrologue. Elle vit à Montpellier depuis 1979. Son premier roman, Les hommes qui marchent (1990), obtient trois prix (Littré, Premier roman à Chamberry, prix de la fondation Nourredine Aba). Le second, Le Siècle des sauterelles (1992), est récompensé par le Prix Afrique-Méditerranée de l'ADELF et en 1994, L'Interdite reçoit le Prix Méditerranée. Autres romans : Des Rêves et des Assassins (1995), La Nuit de la lézarde (1998), N'zid (2001), La Transe des insoumis (2003), Mes Hommes (2005) publié chez son éditeur, Grasset et Sédia (Alger).


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