Un collectif de 25 citoyens, dont des militants associatifs, des avocats, des défenseurs des droits humains, des chercheurs et des journalistes, a rendu publique une déclaration sous le titre : «Appel des jeunes engagés pour l'Algérie». Diffusé en trois langues sur Facebook (arabe, tamazight et français), le texte, qui a été relayé par quelques sites d'information, fait clairement écho à l'échéance électorale d'avril prochain. Il vise manifestement à alerter l'opinion sur le danger à maintenir le «statu quo» et l'immobilisme au sommet de l'Etat, autrement dit le maintien du président Bouteflika à la tête du pouvoir pour cinq autres années encore, même si, précisons-le, le nom de Abdelaziz Bouteflika n'a, à aucun moment, été mentionné dans la déclaration. Sur la page créée spécialement pour cet appel sur Facebook, on peut lire : «Nous, jeunes citoyens engagés, signataires de la présente lettre, sommes profondément inquiets pour l'avenir de notre pays. A la veille d'une échéance politique importante, la prolongation du statu quo constitue un réel danger pour l'Algérie.» Pour les signataires, «un changement structurel de système est nécessaire dans les plus brefs délais». «Cet appel est un cri de colère et d'espoir qui doit interpeller toutes les Algériennes et tous les Algériens sur la nécessité de prendre leur destin en main», soulignent-ils. Analysant la situation générale qui prévaut dans notre pays, les auteurs constatent que l'Algérie «s'enlise dans une crise multidimensionnelle». «Les jeunes, qui représentent 70% de la population, sont les premiers à en souffrir. Le chômage touche plus d'un jeune sur trois. La politique économique paupérise les citoyens. Les inégalités se creusent. La harga et la fuite des cerveaux augmentent d'une manière spectaculaire. La corruption et la généralisation de la hogra affaiblissent la confiance des citoyens envers la chose publique. Le malaise économique, social et culturel, aggravé par une paralysie politique destructrice, est visible à tous les niveaux», dissèquent-ils. Le rayonnement de l'Algérie à l'international n'est plus ce qu'il était, poursuivent les signataires : «Sur le plan international, l'Algérie, autrefois symbole de résistance et de grandeur, est devenue inaudible et porteuse d'une image indigne de son histoire.» Autant de signaux inquiétants qui exigent un sursaut collectif pour changer la donne et ne pas subir, ne pas rester sidérés devant le fait accompli : «Dans ce contexte alarmant, nous, jeunes citoyens engagés, avons la profonde conviction qu'il est indispensable et salutaire d'entendre l'exigence de liberté, de justice et de dignité des citoyens algériens.» «Chaque jour d'immobilisme est un temps perdu pour notre pays» Pour les auteurs de cette déclaration, «le changement passe par des ruptures inévitables. Notre société est en mesure de prendre son destin en main et de construire son pays dans la paix et la sécurité. L'heure est à l'émergence des forces vives et positives, piliers d'une Algérie démocratique, moderne et prospère», proclament les membres de ce collectif. Ils préviennent une nouvelle fois contre les effets désastreux de l'immobilisme : «Nous, jeunes citoyens engagés, sommes aussi conscients que notre génération doit assumer ses responsabilités et faire face aux innombrables défis de demain, tels que la transition énergétique, la croissance démographique, le retard scientifique et technologique, et le réchauffement climatique, pour ne nommer que ceux-là. Le compte à rebours est bien avancé. Chaque jour d'immobilisme est un temps perdu pour notre pays.» S'adressant solennellement aux jeunes, les signataires les incitent à ne pas renoncer : «A la jeunesse algérienne, il est primordial de croire qu'un avenir autre est possible. Face au désespoir et au désarroi ambiant, nous ne devons pas abdiquer. Il nous faut redoubler d'efforts citoyens, d'engagements politiques, et faire converger nos forces pour bâtir l'Algérie de demain. Malgré les innombrables restrictions, beaucoup de jeunes, vivant en Algérie ou à l'étranger, évoluent déjà au sein de leurs propres espaces d'expression et de création. En assumant leurs droits et leurs devoirs citoyens, ils savent pertinemment que le changement est un projet collectif, essentiel pour le pays et les générations futures.» Interpellant ensuite les décideurs, ils les exhortent à faire preuve de responsabilité dans ce moment crucial : «A ceux qui gouvernent l'Algérie : renoncez au statu quo qui nous condamne dans une infernale fuite en avant. Ecoutez la voix des jeunes et des citoyens qui auront à construire l'Algérie de demain.» L'appel se termine par ces mots vibrants : «A toutes les Algériennes et à tous les Algériens, ayons le courage d'ouvrir un nouveau chapitre de notre histoire nationale, celui de l'Etat de droit et de la démocratie.» Pour le détail des 25 signataires, il s'agit de : Lynda Abbou (journaliste), Yanis Adjlia (activiste), Fouzi Beggah (docteur en pharmacie), Okba Bellabas (avocat), Zakaria Benlahrech (avocat), Kahina Bouchefa (psychologue), Yasmine Bouchene (journaliste), Adel Boucherguine (journaliste), Mohamed Nadjib Boukersi (docteur en pharmacie), Lamia Saad Bouzid (activiste politique), Mehdi Brahimi (data scientist, docteur en ingénierie), Amina Afaf Chaieb (cheffe d'entreprise et activiste politique), Mehdi Cherifi (citoyen algérien), Islam Amine Derradji (politiste et chercheur-universitaire), Tin Hinan El Kadi (chercheuse en sciences sociales), Raouf Farrah (analyste politique et chercheur-universitaire), Mehdi Hachid (artiste visuel et ingénieur en communication), Mohand Hadadou (animateur associatif et militant politique), Abdel Moumene Khelil (défenseur des droits de l'homme), Amine Labter (journaliste), Slimane Mouh (défenseur des droits de l'homme), Aissa Rahmoune (avocat et défenseur des droits de l'homme), Abderrahmane Salah (avocat), Madjid Serrah (blogueur et militant associatif) et Yasmine Tafat (chef de projet Clinique Internationale).