Les étudiants algériens ont signé, hier, leur 42e mardi de mobilisation, rejetant l'élection présidentielle du 12 décembre et relayant un appel à la grève générale diffusé sur les réseaux sociaux. Même si le mouvement n'a pas su se structurer et se doter d'une représentation à l'échelle nationale, comme le souhaitaient beaucoup parmi les étudiants, sa mobilisation, cependant, n'a pas faibli tout au long de la contestation populaire déclenchée le 22 février. Bien au contraire, l'adhésion de la communauté estudiantine au hirak populaire s'est renforcée au fil des jours, grâce, entre autres, au ralliement des enseignants universitaires qui ont réussi à organiser leurs rangs pour donner naissance à une Coordination nationale représentant plusieurs universités du pays. C'est dire que l'engagement des étudiants a été d'un grand apport pour le renforcement du mouvement populaire, si bien que certains analystes politiques et académiciens n'ont pas hésité à faire le lien entre le mouvement de cette nouvelle génération d'étudiants révoltés et celui né en pleine guerre de Libération nationale, en juillet 1955, lorsque des étudiants créèrent l'Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) pour mobiliser ses membres autour de l'objectif fondamental de la Révolution, l'indépendance nationale. Les chercheurs en histoire rappellent, en effet, que les étudiants ont été des précurseurs de la lutte sur tous les fronts. Moins de deux années après le déclenchement de la guerre de Libération nationale, le 19 mai 1956, la section d'Alger de l'UGEMA a pris l'initiative d'appeler à une grève illimitée des étudiants et lycéens. Ce mot d'ordre proposé par la direction du FLN sera voté à l'unanimité par les étudiants. Tous les valeureux moudjahidine encore en vie en témoignent encore : «En décidant de quitter les bancs des universités et des lycées pour rejoindre les rangs de la Révolution à travers les quatre coins du pays et même à l'étranger, les étudiants algériens ont contribué sensiblement à l'internationalisation de la cause algérienne et à la libération du pays de l'occupation française.» Le regretté Laadi Flici, qui fut président du Comité exécutif de l'UGEMA, avait dit que «les étudiants algériens ont su, à l'époque, répondre massivement à l'appel de la patrie, et cela a permis notamment la formation des cadres qui sont aujourd'hui au service de la nation». L'appel de l'UGEMA à la grève illimitée a clairement pris position pour la lutte aux côtés du peuple. «A quoi donc serviraient ces diplômes qu'on continue à nous offrir, pendant que notre peuple lutte héroïquement… Pour le monde qui nous observe, pour la nation qui nous appelle, pour le destin historique de notre pays, serions-nous des renégats ?», disait l'appel. Les étudiants ont donc assumé dignement leur devoir historique de faire de l'université le haut lieu de l'engagement politique, relèvent les historiens. Après l'indépendance, cet engagement a pris plusieurs formes, selon le contexte politique et social prévalant, mais n'a jamais été remis en cause. Evidemment, il ne s'agissait plus de lutter contre un colonisateur, mais le combat devait se poursuivre pour exiger plus de liberté et arracher d'autres revendications. C'est d'ailleurs au sein des universités que l'on a vu naître les premières revendications démocratiques, notamment durant les années 1980 et début 2000, à travers des mouvements et organisations à connotations politiques diverses. Aujourd'hui, cette pacifique révolution estudiantine n'est autre que l'aboutissement logique de tout ce parcours, semé d'embûches et riche en sacrifices. Les étudiants, attelés au hirak, se disent déterminés à accomplir, comme leurs aïeux, leur mission d'avant-garde du peuple algérien. Leur engagement a été d'un grand apport pour le renforcement du mouvement du 22 Février. Yani Aidali, étudiant en 2e année master archéologie à l'université Alger 2, et animateur du mouvement estudiantin, affirme qu'après les acquis arrachés grâce au soulèvement du 22 Février, le mouvement estudiantin devrait maintenant se doter d'une expression nationale démocratique et centralisée qui portera les aspirations démocratiques (démocratisation de l'université, liberté d'association et d'organisation au sein des campus, etc.), sociales (améliorations des conditions pédagogiques, débouchés professionnels, etc.) et aussi politiques. Le hirak estudiantin aura aussi à construire des ponts avec les autres franges populaires mobilisées dans le mouvement, à l'instar des travailleurs, des chômeurs et des enseignants.