Ghaza: des centaines de bébés risquent de mourir en raison de la grave pénurie de lait infantile, alerte le Guardian    Foot / Coupe d'Algérie 2025 - Finale USM Alger - CR Belouizdad (2-0) : La Fiche technique    Le président de la République remet le trophée de la Coupe d'Algérie 2025 au capitaine de l'USM Alger    Célébration du 63ème anniversaire de l'indépendance : Diverses manifestations dans le Sud du pays    Le président de la FADS souligne la nécessité d'inculquer la culture du don de sang    Anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale: inauguration et lancement de nombreux projets à l'Est du pays    Athlétisme / Meeting International de Stanislas : nouveau record personnel pour l'Algérien Gouaned sur 800m    Port d'Alger : remise en service de trois quais pour renforcer le traitement des conteneurs    Football/Coupe des magistrats : le ministre de la Justice préside la finale    Opep+ : augmentation de la production pétrolière de 548.000 barils/jour en août prochain    Recouvrement de la souveraineté nationale : l'Algérie renforce sa sécurité hydrique avec des réalisations majeures    Hidaoui préside une cérémonie à l'occasion du 63e anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale    15e Festival national du théâtre comique : La pièce "En-Nisf El-Akher" remporte la "Grappe d'Or"    Agression sioniste contre Ghaza: le bilan grimpe à 57.338 martyrs    63e anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale : le président de la République se recueille à la mémoire des martyrs de la Révolution    Boughali : la fête de l'Indépendance de l'Algérie "une source de fierté pour un peuple digne"    Sahara occidental occupé: les médias sahraouis parviennent à briser le blocus marocain    Jijel: 4 morts et 35 blessés suite au renversement d'un bus    Retour de la théorie de la «toile d'araignée»    Les raisons de l'écart du cours du dinar algérien entre le marché officiel et celui du marché parallèle : quelles solutions ?    CRB – USMA : Deux clubs pour un trophée    Zouhir Ballalou se félicite des résultats d'une étude ciblée    Prolongation du délai de soumission des candidatures    « Si nous venons à mourir, défendez notre mémoire »    L'Algérie plaide à New York pour une action sérieuse en faveur de l'Etat palestinien    Entrée de l'usine de dessalement de l'eau de mer « Fouka 2 » en phase de production à pleine capacité    Des pluies orageuses attendues mercredi sur des wilayas de l'Est    Un été sans coupures    Il est nécessaire de limiter le droit de veto au sein du Conseil de sécurité    Ça démarre ce 5 juillet, les Algériennes face aux Nigérianes !    Le CNC sacré champion national de water-polo dans quatre catégories    Ooredoo mobilise ses employés pour une opération de don de sang    220 victimes déplorées en juin !    A peine installée, la commission d'enquête à pied d'œuvre    «L'Algérie, forte de ses institutions et de son peuple, ne se laissera pas intimider !»    Le président de la République inaugure la 56e Foire internationale d'Alger    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Youcef Sebti : L'art de regarder ailleurs…
Publié dans El Watan le 29 - 02 - 2020

Evocation d'un poète algérien au destin tragique et dont l'œuvre marquante se résume pourtant à un seul recueil.
On dit parfois, et sans avancer la moindre des preuves, que l'égarement de l'esprit, pour ne pas dire folie, s'apparenterait à l'enfer ! On prétend également que folie et enfer, une fois jumelés, n'obtiendraient pas gain de cause dans l'ici-bas.
Il n'en demeure pas moins que mon ami Youcef Sebti (1943-1993), même ensanglanté, devait, en dépit de tout, partir sur une victoire, en ce 28 décembre 1993, au beau milieu de sa somptueuse bibliothèque, choisie, au fil des ans, avec un ecléctisme qui rappellerait l'approche et le geste d'un peintre expressionniste. Visionnaire ?
Eh bien, oui, il le fut par excellence, même si son embarcation n'a pas eu le temps nécessaire pour esquiver cette espèce de «bafania» sauvage qui devait l'emporter.
Pourtant, calme qu'il était, tel que je l'ai connu, rien ne pouvait le faire sortir de ses gonds. Chez lui, le vocable, empreint de sérénité et de douceur, a toujours pris le relais pour étaler au grand jour une révolte intérieure qui le harcelait à chaque moment de sa petite existence.
Sebti, je l'ai connu à la fin des années 60' du siècle dernier. Un petit homme, d'apparence chétive, triturant sa barbichette tout en regardant ailleurs, même s'il était en face d'un interlocuteur aussi sérieux que lui. Justement, la poésie ne serait-elle pas cet art de regarder ailleurs ?
Un Hamlet typiquement algérien, mais qui savait quelle direction prendre, en ce sens qu'il fallait à tout prix qu'il dise que quelque chose n'allait pas très bien dans le monde au sein duquel il évoluait.
Il avait toujours besoin de creuser, de fouiner dans les banlieues de son être et de son entourage direct, de voir la mer démontée plutôt que sereine, à l'image de ces grands navigateurs qui ne peuvent s'éloigner de ce plasma bleu.
Au moment où le couperet des ignorants allait tomber, Sebti était occupé à lire, plume à la main, quelques livres traitant de l'histoire de la pensée islamique, car il devait justement prendre part à un colloque portant sur la situation sociopolitique du monde arabo-musulman, et tenter de savoir le pourquoi de la violence stupide qui y régnait.
Non, il ne voulait pas mettre pied dans le troisième millénaire sans avoir calmé son feu intérieur ne serait-ce que pour quelque temps.
Inclassable, pourrais-je dire de lui. Cependant, il participait de l'homme dans sa véritable dimension. En d'autres termes, il était un poète plutôt intellectualiste, se démarquant de ce lyrisme béat qui vient s'ajouter à la misère de l'homme.
Une seule plaquette de poésie, L'enfer et la folie, mais qui en dit long sur son parcours d'intellectuel, car, ailleurs, il n'avait de cesse de voyager du passé vers le présent et vice-versa, de Karl Marx à Abou Dhar Al-Ghifari, compagon du Prophète ; des poèmes suspendus de l'ère préislamique, les «mouâllaqate», au romancier allemand Robert Musil (1880-1942) ; de la forme physique d'un livre jusqu'à ceux, parmi ses pairs, qui prétendaient défendre la démocratie alors qu'ils se collaient aux militaristes.
Autant de sujets que nous avions abordés, chez lui, à plusieurs reprises, peu avant que les criminels ne viennent donner le coup de grâce à sa petite vie.
Par ce petit matin de la fin de décembre 1993, face à une assiette de dattes, emmitoufflé dans sa kachabia, il s'était plu à me dire : «Merzac, tu vois, j'ai cinquante ans et je ne me suis pas encore marié !» Que recherchait-il au juste sinon de quoi était faite une vie sereine, rompue à la découverte de tout ce qui est beau dans cette existence ?
Même quelque peu long à la détente parfois, pour moi il avait quelque chose d'un soufi de la grande tradition de l'Andalousie classique, sauf qu'il vivait dans un pays ravagé par l'ignorance, un pays qui avait, pourtant, mené l'une des plus belles révolutions libératrices des temps modernes pour affranchir l'homme, le mettre sur la bonne voie en ce bas-monde.
Relisant ses poèmes, cela m'a permis de retrouver le ton de sa voix, qui, déjà, de son vivant, semblait arriver d'un au-delà fait de doute, mais, de passion aussi, car Sebti était un grand passionné, avec une petite touche de sarcasme et de moquerie.
La tête cachée, en été, sous un large sombrero, déambulant dans les allées du grand jardin de l'Institut agronomique d'El Harrach, il se plaisait à donner une image de lui, autre que celle du poète-agronome, peut-être pour démontrer que la vie, telle qu'il la concevait, méritait qu'on la respectât, poète fût-on ou paysan du haut Atlas.
Les mots, en fait, venaient après, comme un appoint, comme des épices pour relever tel mets ou autres. C'est ce qui, du reste, explique le goutte-à-goutte poétique chez lui. On ne lui connaît pas d'autres productions poétiques autres que les poèmes contenus dans son unique recueil, L'enfer et la folie.
Il dut avoir recours à une autre maïeutique, faite, celle-ci, de prose, et dirigée, intentionnellement, vers ses élèves de l'Institut national agronomique ou vers ses auditeurs lorsqu'il se faisait conférencier.
Lors de notre dernière rencontre, chez lui, nous évoquâmes Robert Musil, et son roman-fleuve, L'homme sans qualités.
Il était heureux de savoir que je l'avais lu, et même plus heureux encore de me voir partager ses idées sur le devenir de l'être humain sur cette Terre. «Le doute, me dit-il alors, me triture les méninges. Je ne sais plus où donner de la tête.»
ll devait quitter la scène comme un grand, enjambant, à la fois, enfer et folie, ne laissant d'autre trace que celle de l'homme tel qu'il a été façonné et modelé par le Créateur.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.