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Youcef Sebti : L'art de regarder ailleurs…
Publié dans El Watan le 29 - 02 - 2020

Evocation d'un poète algérien au destin tragique et dont l'œuvre marquante se résume pourtant à un seul recueil.
On dit parfois, et sans avancer la moindre des preuves, que l'égarement de l'esprit, pour ne pas dire folie, s'apparenterait à l'enfer ! On prétend également que folie et enfer, une fois jumelés, n'obtiendraient pas gain de cause dans l'ici-bas.
Il n'en demeure pas moins que mon ami Youcef Sebti (1943-1993), même ensanglanté, devait, en dépit de tout, partir sur une victoire, en ce 28 décembre 1993, au beau milieu de sa somptueuse bibliothèque, choisie, au fil des ans, avec un ecléctisme qui rappellerait l'approche et le geste d'un peintre expressionniste. Visionnaire ?
Eh bien, oui, il le fut par excellence, même si son embarcation n'a pas eu le temps nécessaire pour esquiver cette espèce de «bafania» sauvage qui devait l'emporter.
Pourtant, calme qu'il était, tel que je l'ai connu, rien ne pouvait le faire sortir de ses gonds. Chez lui, le vocable, empreint de sérénité et de douceur, a toujours pris le relais pour étaler au grand jour une révolte intérieure qui le harcelait à chaque moment de sa petite existence.
Sebti, je l'ai connu à la fin des années 60' du siècle dernier. Un petit homme, d'apparence chétive, triturant sa barbichette tout en regardant ailleurs, même s'il était en face d'un interlocuteur aussi sérieux que lui. Justement, la poésie ne serait-elle pas cet art de regarder ailleurs ?
Un Hamlet typiquement algérien, mais qui savait quelle direction prendre, en ce sens qu'il fallait à tout prix qu'il dise que quelque chose n'allait pas très bien dans le monde au sein duquel il évoluait.
Il avait toujours besoin de creuser, de fouiner dans les banlieues de son être et de son entourage direct, de voir la mer démontée plutôt que sereine, à l'image de ces grands navigateurs qui ne peuvent s'éloigner de ce plasma bleu.
Au moment où le couperet des ignorants allait tomber, Sebti était occupé à lire, plume à la main, quelques livres traitant de l'histoire de la pensée islamique, car il devait justement prendre part à un colloque portant sur la situation sociopolitique du monde arabo-musulman, et tenter de savoir le pourquoi de la violence stupide qui y régnait.
Non, il ne voulait pas mettre pied dans le troisième millénaire sans avoir calmé son feu intérieur ne serait-ce que pour quelque temps.
Inclassable, pourrais-je dire de lui. Cependant, il participait de l'homme dans sa véritable dimension. En d'autres termes, il était un poète plutôt intellectualiste, se démarquant de ce lyrisme béat qui vient s'ajouter à la misère de l'homme.
Une seule plaquette de poésie, L'enfer et la folie, mais qui en dit long sur son parcours d'intellectuel, car, ailleurs, il n'avait de cesse de voyager du passé vers le présent et vice-versa, de Karl Marx à Abou Dhar Al-Ghifari, compagon du Prophète ; des poèmes suspendus de l'ère préislamique, les «mouâllaqate», au romancier allemand Robert Musil (1880-1942) ; de la forme physique d'un livre jusqu'à ceux, parmi ses pairs, qui prétendaient défendre la démocratie alors qu'ils se collaient aux militaristes.
Autant de sujets que nous avions abordés, chez lui, à plusieurs reprises, peu avant que les criminels ne viennent donner le coup de grâce à sa petite vie.
Par ce petit matin de la fin de décembre 1993, face à une assiette de dattes, emmitoufflé dans sa kachabia, il s'était plu à me dire : «Merzac, tu vois, j'ai cinquante ans et je ne me suis pas encore marié !» Que recherchait-il au juste sinon de quoi était faite une vie sereine, rompue à la découverte de tout ce qui est beau dans cette existence ?
Même quelque peu long à la détente parfois, pour moi il avait quelque chose d'un soufi de la grande tradition de l'Andalousie classique, sauf qu'il vivait dans un pays ravagé par l'ignorance, un pays qui avait, pourtant, mené l'une des plus belles révolutions libératrices des temps modernes pour affranchir l'homme, le mettre sur la bonne voie en ce bas-monde.
Relisant ses poèmes, cela m'a permis de retrouver le ton de sa voix, qui, déjà, de son vivant, semblait arriver d'un au-delà fait de doute, mais, de passion aussi, car Sebti était un grand passionné, avec une petite touche de sarcasme et de moquerie.
La tête cachée, en été, sous un large sombrero, déambulant dans les allées du grand jardin de l'Institut agronomique d'El Harrach, il se plaisait à donner une image de lui, autre que celle du poète-agronome, peut-être pour démontrer que la vie, telle qu'il la concevait, méritait qu'on la respectât, poète fût-on ou paysan du haut Atlas.
Les mots, en fait, venaient après, comme un appoint, comme des épices pour relever tel mets ou autres. C'est ce qui, du reste, explique le goutte-à-goutte poétique chez lui. On ne lui connaît pas d'autres productions poétiques autres que les poèmes contenus dans son unique recueil, L'enfer et la folie.
Il dut avoir recours à une autre maïeutique, faite, celle-ci, de prose, et dirigée, intentionnellement, vers ses élèves de l'Institut national agronomique ou vers ses auditeurs lorsqu'il se faisait conférencier.
Lors de notre dernière rencontre, chez lui, nous évoquâmes Robert Musil, et son roman-fleuve, L'homme sans qualités.
Il était heureux de savoir que je l'avais lu, et même plus heureux encore de me voir partager ses idées sur le devenir de l'être humain sur cette Terre. «Le doute, me dit-il alors, me triture les méninges. Je ne sais plus où donner de la tête.»
ll devait quitter la scène comme un grand, enjambant, à la fois, enfer et folie, ne laissant d'autre trace que celle de l'homme tel qu'il a été façonné et modelé par le Créateur.


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